Yémen : la France doit respecter ses engagements
Question de :
Mme Clémentine Autain
Seine-Saint-Denis (11e circonscription) - La France insoumise
Mme Clémentine Autain alerte M. le Premier ministre sur l'implication de la France dans le conflit au Yémen. Cette semaine, le collectif de journalistes Disclose, en coopération avec la cellule investigations de Radio France et Mediapart, a obtenu des vidéos qui confirment l'utilisation au Yémen de navires français vendus à l'Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. Par ailleurs, leur enquête montre également qu'une entreprise française, Naval Group, était chargée de la maintenance de frégates saoudiennes entre 2013 et fin 2018. Cette révélation est un élément supplémentaire qui accrédite l'idée d'un mensonge d'État. La participation française au blocus maritime qui, en bloquant l'approvisionnement en aide humanitaire, organise la famine dans laquelle sont plongés 22 millions de Yéménites, rend les Français complices de ce que M. le Premier ministre ne cesse d'appeler, pourtant, une « sale guerre ». Alors que Mme la ministre des armées faisait valoir jusqu'à présent que les armes françaises n'étaient utilisées que de manière « défensive », ces nouveaux éléments apportent un démenti. Comment ne pas y voir la preuve que la France, malgré ses engagements internationaux (en premier lieu sa ratification du traité sur le commerce des armes des Nations Unies), soutient des forces armées qui violent le droit international humanitaire ? Elle souhaite connaître sa réaction face à ces informations journalistiques. Elle lui demande quelles dispositions il compte mettre en œuvre pour que la France respecte ses engagements internationaux.
Réponse publiée le 18 février 2020
Tout d'abord, il convient de rappeler que c'est le Conseil de sécurité des Nations Unies, par sa résolution 2216 adoptée le 14 avril 2015, qui a instauré un embargo sur les armes à destination des Houthis et de leurs alliés (en l'occurence le clan de l'ancien président Saleh, aujourd'hui décédé). Tous les Etats membres, et en particulier les Etats voisins du Yémen, doivent inspecter les chargements à destination du Yémen en cas de soupçons de non-respect dudit embargo. Ainsi, il n'est pas anormal que la Coalition ait mis en place des inspections des flux de marchandises à destination du Yémen, notamment sur la façade ouest du pays (port d'Hodeïda) dont certaines parties restent sous contrôle houthi. Le processus d'inspection des marchandises à destination du Yémen reste très long. La France le regrette et l'a indiqué aux membres de la Coalition. En outre, la lutte contre les trafics d'armes qui viennent alimenter le conflit en permettant la fourniture d'armes aux houthis et à leurs alliés correspond à une finalité défensive des pays participant à la Coalition. Face à cette situation, l'une des actions de la France a été de proposer de fluidifier ces opérations de contrôle en renforçant le processus UNVIM (UN verification and inspection mechanism) et en le plaçant sous la responsabilité onusienne. La création de la mission des Nations unies en appui à l'Accord sur Hodeïda (MINUAAH) doit répondre à cet objectif. Par ailleurs, la France reste attentive à tout risque d'incident relatif à l'emploi qui serait fait des armes exportées. C'est la raison pour laquelle, à partir d'une évaluation in concreto, elle apprécie, avant toute autorisation, s'il existe un risque "prépondérant", selon les termes du Traité sur le Commerce des Armes, que les matériels de guerre soient utilisés pour commettre des violations graves des droits de l'homme ou de droit international humanitaire. Cette appréciation in concreto implique, d'une part, une connaissance précise, acquise par un dialogue avec l'Etat importateur et grâce à des capacités de renseignement nationales ou d'Etats partenaires, de l'utilisation que pourraient faire les forces de l'Etat importateur des matériels livrés et de la façon dont les forces, si elles sont effectivement engagées dans un conflit armé, appliquent les principes de distinction, de proportionnalité, de nécessité et de précaution qui sont au fondement du droit international humanitaire sur les théâtres concernés. D'autre part, elle inclut le choix de mettre en place d'éventuelles mesures de remédiation du risque de violation des droits de l'Homme ou du droit international humanitaire. Ces mesures incluent notamment des actions de formation, dont des modules en droit international humanitaire, de l'accompagnement à l'appropriation des méthodes et doctrines d'emploi du matériel, ainsi que des démarches diplomatiques.
Auteur : Mme Clémentine Autain
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Armées
Dates :
Question publiée le 24 septembre 2019
Réponse publiée le 18 février 2020