15ème législature

Question N° 231
de M. Adrien Quatennens (La France insoumise - Nord )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transports
Ministère attributaire > Transports

Rubrique > transports ferroviaires

Titre > Ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire

Question publiée au JO le : 27/03/2018
Réponse publiée au JO le : 04/04/2018 page : 2321

Texte de la question

M. Adrien Quatennens interroge Mme la ministre, auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, sur l'application zélée des directives européennes contenues dans le 4ème paquet ferroviaire de la Commission et qui prévoient la généralisation de l'ouverture à la concurrence du secteur à brève échéance. Ce que le Gouvernement appelle une « réforme de la SNCF » n'est en fait que la suite de la remise en cause du service public ferroviaire et de la libéralisation du secteur. Ce mouvement est entamé depuis une loi du 13 février 1997 adoptée sous M. Alain Juppé pour transposer la directive européenne du 21 juillet 1991. Celles-ci prévoyaient la séparation entre le réseau et l'exploitation, et ouvrait surtout un « droit d'accès au réseau » aux opérateurs privés. La succession des paquets ferroviaires européens en 2001, 2004 et 2007 ont accéléré le processus. Ils ont été appliqués en France par les gouvernements Raffarin, de Villepin et Fillon. C'est dans leur pas que s'inscrit l'action du gouvernement actuel. Il s'agit pour ce gouvernement d'appliquer le quatrième paquet ferroviaire de 2014 et d'achever la libéralisation du secteur à l'horizon 2020 pour les lignes à grande vitesse et 2023 pour le réseau dit « secondaire », réseau de la cohésion territoriale. Pourtant, rien ne justifie objectivement l'ouverture à la concurrence. Le Gouvernement entend l'étendre au transport de voyageurs alors qu'aucun bilan n'a été tiré en France sur la libéralisation du fret. Au Royaume-Uni, pays ayant le plus rapidement appliqué ces directives européennes, deux usagers sur trois sont pour la renationalisation. Ils condamnent les hausses de tarifs et la baisse de la qualité de service des opérateurs privés : 27 % d'augmentation moyenne des billets mais près de 80 % de trains en retard sur plusieurs lignes depuis l'ouverture à la concurrence. Dès lors, il l'interroge sur les motivations réelles de ce Gouvernement qui, selon lui, n'envisage cette « réforme » que sous le prisme de sa foi absolu dans le dogme du « marché libre ».

Texte de la réponse

OUVERTURE DU SERVICE PUBLIC FERROVIAIRE À LA CONCURRENCE


M. le président. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour exposer sa question, n°  231, relative l'ouverture du service public ferroviaire à la concurrence.

M. Adrien Quatennens. Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée des transports. En ce jour où démarre la mobilisation, je souhaiterais l'interroger sur l'application des directives européennes contenues dans le quatrième paquet ferroviaire de la Commission, qui prévoient la généralisation, à brève échéance, de l'ouverture du secteur à la concurrence. Ce que le Gouvernement appelle une réforme de la SNCF n'est en fait que la suite de la remise en cause du service public ferroviaire et de la libéralisation du secteur. Ce mouvement est entamé depuis la loi du 13 février 1997 adoptée sous Alain Juppé pour transposer la directive européenne du 21 juillet 1991. Celle-ci prévoyait la séparation entre le réseau et l'exploitation, et ouvrait surtout aux opérateurs privés un droit d'accès au réseau. La succession des paquets ferroviaires européens en 2001, 2004 et 2007 a accéléré le processus. Ils ont été appliqués en France par les gouvernements Raffarin, Villepin et Fillon. C'est dans leurs pas que s'inscrit l'action du Gouvernement actuel : il s'agit d'appliquer le quatrième paquet ferroviaire de 2014 et d'achever la libéralisation du secteur à l'horizon 2020 pour les lignes à grande vitesse et 2023 pour le réseau dit secondaire, qui contribue à la cohésion territoriale.

Pourtant, rien ne justifie objectivement l'ouverture à la concurrence. Le Gouvernement entend l'étendre au transport de voyageurs alors qu'aucun bilan n'a été tiré de la libéralisation du fret en France. Au Royaume-Uni, pays ayant le plus rapidement appliqué ces directives européennes, deux usagers sur trois sont pour la renationalisation. Ils condamnent les hausses de tarifs et la baisse de la qualité du service des opérateurs privés : 27 % en moyenne d'augmentation du prix des billets, mais près de 80 % de trains en retard sur plusieurs lignes depuis l'ouverture à la concurrence. Dès lors, ma question est la suivante : quelles sont les motivations réelles de ce Gouvernement qui n'envisage finalement cette réforme que sous le prisme de sa foi absolue dans le dogme du marché libre ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur Quatennens, vous n'allez pas découvrir ce matin que je ne suis pas d'accord avec votre approche, qu'on a beaucoup commentée dernièrement. Plutôt que de citer l'exemple britannique, pourquoi ne pas évoquer l'exemple allemand ? En Allemagne, l'ouverture à la concurrence date de plus de vingt-cinq ans. La Deutsche Bahn reste une grande entreprise allemande ; contrairement à ce qu'on entend parfois sur les ondes, elle n'a pas été privatisée. La qualité du service s'est fortement améliorée et le nombre de voyageurs a augmenté, ce qui est très vertueux en matière de transition écologique. Nous considérons donc que c'est un exemple à suivre.

En France, l'ouverture à la concurrence a déjà été effectuée pour les transports internationaux de voyageurs et le fret. Elle présente de nombreux intérêts, donc à part un dogme de votre part – celui de vous y opposer quoi qu'il arrive –, je ne vois pas bien ce qui vous oblige à faire cette déclaration ce matin. L'ouverture à la concurrence a été décidée en 2015, sous le quinquennat précédent ; il s'agit pour nous de l'appliquer dans la concertation avec l'ensemble des partenaires sociaux, afin de faire basculer dans la loi des éléments ayant fait l'objet d'un accord entre les représentants des différents syndicats et le Gouvernement. Pour les lignes régionales, l'horizon a été fixé à décembre 2019 ; pour les lignes TGV, nous travaillons également en bonne intelligence avec les partenaires sociaux. Je comprends que pour des raisons idéologiques, vous ne soyez pas d'accord, mais pour des raisons pragmatiques, vous devez reconnaître que le modèle allemand, dans ce domaine, n'est pas à rejeter.

M. le président. La parole est à M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Il est intéressant que vous citiez le modèle allemand car en Allemagne, l'État a repris la dette de l'opérateur. Le Gouvernement s'y engage-t-il ce matin ?

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État. Nous n'avons jamais dit que nous ne le ferions pas !

M. Adrien Quatennens. Vous n'avez jamais dit non plus que vous le feriez !

M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État. Ne nous faites pas de procès d'intention !

M. Adrien Quatennens. Derrière l'intention louable d'améliorer le service, affichée sur les ondes – pour reprendre votre expression –, vous vous livrez à une traduction zélée des directives européennes qui doivent aboutir à l'ouverture à la concurrence. Mais, monsieur le secrétaire d'État, nul n'est à ce jour capable de faire la démonstration du lien entre ouverture à la concurrence et amélioration du service. On peut se jeter à la figure des exemples contradictoires sans pour autant aboutir à une conclusion. La réalité, c'est que pour satisfaire l'Europe des idéologues, vous défaites la France, ce qu'elle est – notamment le service public du rail. Aujourd'hui, dans le contexte de crise écologique, nous avons besoin d'un État stratège ; nous avons plus que jamais besoin d'un pôle public du rail qui nous permette de faire de grands choix. L'application de ces directives va lourdement handicaper notre pays face aux défis qui se dressent devant lui. Chacun doit comprendre ce matin que les cheminots mobilisés ne se battent pas pour eux-mêmes ou pour leur statut en particulier, mais bien pour un modèle et pour l'intérêt général.

Mme Agnès Thill. Sauf que cela ne fonctionne pas !