Question au Gouvernement n° 2322 :
Dénigrement des agriculteurs

15e Législature

Question de : M. Pierre Venteau
Haute-Vienne (2e circonscription) - La République en Marche

Question posée en séance, et publiée le 6 novembre 2019


DÉNIGREMENT DES AGRICULTEURS

M. le président. Avant de lui donner la parole, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. Pierre Venteau, devenu député de la deuxième circonscription de la Haute-Vienne, le 4 octobre dernier, en remplacement de M. Jean-Baptiste Djebbari. (Applaudissements sur tous les bancs.) La parole est à M. Pierre Venteau.

M. Pierre Venteau. Merci, monsieur le président. J'associe à ma question mes collègues Martine Leguille-Balloy et Pascal Lavergne.

Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, aujourd'hui, pour la deuxième fois en quinze jours dans mon département de Haute-Vienne, comme partout ailleurs en France, les agriculteurs manifestent leur désarroi. Dans ce territoire d'éleveurs allaitants, quelle que soit l'obédience syndicale, les préoccupations sont identiques. En premier lieu, elles concernent les difficultés économiques qu'ils vivent au quotidien. Ils s'accordent tous sur le bon diagnostic de la loi EGALIM – pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous –, mais constatent que la filière viande tarde à s'emparer des solutions offertes.

En second lieu, le dénigrement systématique, en particulier des professionnels de l'élevage de ruminants, les frappe un peu plus chaque jour. Simples boucs émissaires lors de la crise de la vache folle, ils sont aujourd'hui responsables de tous les maux : pollution de l'eau et de l'air, dérèglement climatique, sans oublier la maltraitance animale. Il faut sans doute mettre un nombre important de ces critiques sur le compte de la méconnaissance des réalités du métier d'éleveur, faites aujourd'hui d'adaptation permanente, de contraintes croissantes et de rémunération absente.

Nous sommes tous d'accord : les nouvelles demandes sociétales pour une alimentation saine et de qualité, la protection de l'environnement et le bien-être animal sont légitimes. Toutefois, ces demandes ne peuvent pas s'exercer en pointant du doigt nos agriculteurs et nous devons être pleinement conscients des conséquences de cet agribashing.

Ce week-end encore, j'ai eu l'occasion de discuter avec des éleveurs de ma circonscription, habitués à entendre des critiques sur leur profession mais ressentant, ce qui est le plus inquiétant, « une forme de haine ordinaire ». Ce sentiment, exprimé par ceux qui nous nourrissent, doit nous alerter. Il est impossible de laisser s'ajouter le désespoir aux difficultés économiques.

Monsieur le ministre, il y a urgence. Dans ce contexte de défiance extrême vécue par les agriculteurs, quelles mesures immédiates compte prendre le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe LR. – M. Thierry Benoit applaudit aussi.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le député, je vous félicite pour votre arrivée à l'Assemblée nationale. Je vous sais fin connaisseur des questions agricoles : nous ne manquerons pas de travailler ensemble.

Votre question est double : elle a une dimension économique tout en portant sur l'agribashing.

Le Président de la République, qui s'est rendu au sommet de l'élevage à Cournon-d'Auvergne, a pris des mesures exceptionnelles pour venir en aide autant qu'il est possible au bassin allaitant et aux éleveurs qui souffrent le plus. Il n'y a rien de pire que de voir actuellement des éleveurs bovins qui décapitalisent et vendent leur cheptel.

M. Pierre Cordier. C'est vous le ministre, c'est à vous de faire des propositions !

M. Didier Guillaume, ministre. Lorsqu'on décapitalise, on n'achète pas de nouveau des vaches : c'est la lente érosion. C'est la raison pour laquelle des mesures claires ont été prises en matière d'avance d'aides et de soutien au marché.

L'agribashing pose une question fondamentale. Les agriculteurs n'en peuvent plus d'être, notamment, traités de pollueurs.

M. Pierre Cordier. Ils n'en peuvent surtout plus de votre politique !

M. Didier Guillaume, ministre . J'ignore, monsieur le député de l'opposition, s'ils n'en peuvent plus de notre politique : ils viennent, en tout cas, tous les jours au ministère pour que nous essayions de trouver des solutions ensemble. Peut-être ne voyons-nous pas les mêmes : je ne vois pas les militants politiques, je vois…

Mme Mathilde Panot . Monsanto, c'est ça ?

M. Didier Guillaume, ministre . …les agriculteurs. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.)

C'est la raison pour laquelle nous continuerons de travailler dans cette direction. Il faut d'abord expliquer que les agriculteurs font un travail remarquable : la transition agroécologique est en marche, les mutations en agriculture biologique n'ont jamais été aussi nombreuses – 6 000 cette année : elle représente désormais 10 % des agriculteurs. Parallèlement, nous allons sortir l'arrêté, pris à la demande du Conseil d'État, sur les zones de non-traitement, en nous appuyant sur la science.

Mme Mathilde Panot. Et l'avis de l'ANSES ?

M. Didier Guillaume, ministre. Si nous voulons lutter contre l'agribashing, il faut le faire non pas en partant dans une course à l'échalote vers l'obscurantisme, mais en s'appuyant sur la rationalité, sur la science. Lorsque l'ANSES – Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – donne un avis, soit on l'écoute, soit on n'a pas confiance dans la science. J'ai confiance dans la science. Nous travaillerons dans cette direction. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Données clés

Auteur : M. Pierre Venteau

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture et alimentation

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 novembre 2019

partager