Question au Gouvernement n° 2323 :
Situation des agriculteurs

15e Législature

Question de : M. André Chassaigne
Puy-de-Dôme (5e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

Question posée en séance, et publiée le 6 novembre 2019


SITUATION DES AGRICULTEURS

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le Premier ministre, vous avez arbitré hier en revenant sur un choix technocratique défendu par votre ministre de l'action et des comptes publics et votre ministre de l'agriculture, qui consistait à amputer les chambres d'agriculture de 45 millions d'euros. Un mouvement collectif a fait que vous avez changé de cap.

Or ce changement de cap ne doit pas en rester là. Le monde agricole – je me tourne vers le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, sans le provoquer –, a le sentiment que vous agissez en faisant de grands moulinets et des effets d'annonce, sans que les réalités soient traitées au niveau où elles devraient l'être. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe LR.)

Mme Émilie Bonnivard. Bien sûr !

M. André Chassaigne. C'est ainsi que lorsqu'un article est adopté dans la loi EGALIM pour interdire l'importation de produits ne respectant pas les mêmes normes environnementales, sociales et sanitaires que les nôtres, vous êtes hors la loi EGALIM en signant les traités de libre-échange. Telle est la réalité : c'est pourquoi il ne faut ni le CETA – Comprehensive Economic and Trade Agreement – ni le traité avec le MERCOSUR –  Mercado Común del Sur. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. C'est faux !

M. André Chassaigne. De la même façon, il n'est pas vrai que, comme vous le prétendez, la question de la construction des prix est réglée. Nous le voyons aujourd'hui : les agriculteurs, notamment les éleveurs, ne sont pas payés au juste prix. Les opérateurs sont toujours aux manettes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR. – Mmes Valérie Rabault et Marie-Noëlle Battistel applaudissent également.) Nous attendons bien évidemment aussi que, dans le cadre de la politique agricole commune, de vraies mesures soient prises, qui tiennent compte des grands enjeux de notre temps s'agissant de l'indispensable transition de notre agriculture. De grands moulinets n'y suffiront pas : il y faudra des mesures concrètes, il y faudra des actes. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI et sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

M. Ugo Bernalicis. Il faut une réponse du ministre de l'agriculture !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Chassaigne, je réponds avec plaisir à votre question qui évoque la situation des agriculteurs français.

Nous pouvons nous entendre sur un grand nombre d'intentions – pas sur toutes : encore faut-il obtenir des résultats. Vous avez évoqué la question de l'augmentation du revenu des agriculteurs, lié à leur travail. Nous le savons tous, les agriculteurs souhaitent obtenir une revalorisation de leur revenu grâce à leur travail et non grâce à des subventions.

Nous essayons de l'obtenir en transformant la façon dont le prix est construit et en pesant de toute la force possible sur les grands consommateurs, les transformateurs, l'industrie, les acheteurs.

M. Loïc Prud'homme. Ça ne marche pas !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. L'année dernière, vous le savez parfaitement, les négociations avaient été engagées avant que le dispositif que vous avez voté puisse entrer en vigueur, et donc avoir un impact. Il appartient non seulement au Gouvernement, mais, en vérité, à l'ensemble des acteurs du monde de l'agriculture, de peser pour pouvoir observer, filière par filière, une remontée des prix, plus exactement la remontée de la valeur dans le revenu des agriculteurs. Vous voulez des actes. Ce que je dis est vrai s'agissant du lait et du porc : des décisions, des organisations de filières ont permis, non pas d'arriver à une situation tout à fait satisfaisante – je connais comme vous la difficulté de la situation sur le terrain –, mais à une amélioration progressive de la situation dans ces deux filières.

M. Loïc Prud'homme. Zéro !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Elle continuera de s'améliorer. Pour de nombreuses autres filières, le travail reste à faire.

Monsieur le président Chassaigne, vous avez invité le Gouvernement à prendre ses responsabilités : vous avez parfaitement raison. Nous le faisons. Je tiens toutefois à dire à l'ensemble des acteurs du monde agricole que chacun doit prendre ses responsabilités. Les dysfonctionnements au sein de plusieurs filières, que vous connaissez au plan régional, appellent des réponses qui ne sont pas seulement gouvernementales, mais qui sont également liées à leur organisation, donc aux acteurs économiques.

Vous avez enfin évoqué la question des accords de libre-échange, de l'ouverture du commerce international et du nécessaire respect des normes sanitaires, environnementales et sociales dans l'agriculture : je vous rejoins volontiers. Je suis en revanche en désaccord avec vous sur l'incompatibilité juridique que vous avez évoquée : elle n'est pas de mise.

C'est, en tout cas, ma conviction et celle d'une grande majorité de parlementaires, même si je pense que ce n'est pas la vôtre : veillons à ne jamais donner le sentiment que nous voudrions une agriculture française dont les seuls débouchés seraient le territoire national. L'agriculture française a besoin de débouchés internationaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.– Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Elle est forte grâce à des débouchés internationaux. Elle est forte lorsque des marchés s'ouvrent à l'étranger et qu'elle vend à l'étranger.

Mme Danièle Obono. Mais non !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous savez que c'est vrai pour d'innombrables filières, dont le vin, les alcools, le fromage, la viande de porc : nous avons besoin de filières compétitives à l'international.(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Ce qui tue votre politique, monsieur le Premier ministre, c'est que vous pensez que la main invisible du marché règle les problèmes, alors qu'il y faut de la puissance publique ! Vous refusez de prendre vos responsabilités : c'est la raison pour laquelle, dans le domaine agricole comme dans d'autres, c'est un échec patent ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI et sur quelques bancs du groupe LR.)

Données clés

Auteur : M. André Chassaigne

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 6 novembre 2019

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