15ème législature

Question N° 232
de M. Philippe Gomès (Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants - Nouvelle-Calédonie )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > élections et référendums

Titre > référendum en Nouvelle-Calédonie

Question publiée au JO le : 01/11/2017
Réponse publiée au JO le : 01/11/2017 page : 4103

Texte de la question

Texte de la réponse

RÉFÉRENDUM EN NOUVELLE-CALÉDONIE


M. le président. La parole est à M. Philippe Gomès, pour le groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants.

M. Philippe Gomès. Monsieur le Premier ministre, au plus tard en novembre 2018, le peuple calédonien, souverain sur son destin, devra décider de son avenir. Sur le sujet, un vieux Canaque coutumier de la région de Boulouparis, en Nouvelle-Calédonie, m'a dit à l'occasion de la campagne électorale : « Le pays doit sortir la tête haute de ce référendum. » J'ai trouvé la formule belle. Il n'a pas parlé des indépendantistes, des non-indépendantistes, des Canaques ou des non-Canaques… Il a parlé de la Nouvelle-Calédonie.

J'ajouterai : la Nouvelle-Calédonie et la France doivent sortir la tête haute de ce référendum.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Philippe Gomès. Dans cette perspective, il me semble indispensable qu'à l'occasion du comité des signataires – que vous présidez – qui se tiendra le 2 novembre, deux objectifs majeurs soient poursuivis.

Le premier consiste à trouver un accord sur le corps électoral référendaire, de façon à ce que le scrutin soit sincère et son résultat incontestable. Chacun aura compris pourquoi.

Le second consiste à renouer un dialogue entre indépendantistes et non-indépendantistes avant la consultation, afin d'éclairer le jour qui suivra cette consultation. À défaut, indépendantistes et non-indépendantistes se retrouveront face à face au lendemain, les uns – on sait lesquels – humiliés par leur défaite, les autres prisonniers de leur victoire.

L'arithmétique électorale en Nouvelle-Calédonie ne peut constituer à elle seule une solution politique. Toute notre histoire en témoigne. (Applaudissements sur les bancs du groupe LC, sur quelques bancs du groupe REM et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Monsieur le Premier ministre, ma question est la suivante : quelles initiatives politiques comptez-vous prendre dans la perspective du prochain comité des signataires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LC et sur quelques bancs du groupe LR.)

Mme Huguette Bello. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, merci pour votre question. Vous avez raison d'indiquer qu'un comité des signataires se réunira jeudi à Matignon, réunissant autour de la table l'ensemble de ceux qui se sont engagés, il y a déjà bien longtemps, dans un processus unique, compliqué, à l'époque extrêmement risqué, même s'il eût été encore plus risqué de ne rien faire.

La démarche dont Michel Rocard a eu l'initiative en 1988 et qu'a poursuivie Lionel Jospin lorsqu'il était à Matignon a permis d'engager un processus unique, je l'ai dit, qui nous conduira l'an prochain à une consultation décisive pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie et du peuple néo-calédonien. Il faut aborder cette consultation – ce qui, je le sais, monsieur le député, est conforme à votre état d'esprit – avec fierté et avec une très grande concentration.

Fierté, j'y insiste, car ceux qui ont osé se serrer la main, il y a trente ans, qui ont osé discuter et rompre avec les canons traditionnels du droit constitutionnel et du droit public français pour imaginer des solutions nouvelles, pour engager un processus qualifié d'irréversible, ceux-là, qui ont parfois payé leur engagement de leur vie, ont été des héros – des héros français. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.)

Mme Huguette Bello. Très bien !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Je pense évidemment, comme vous, monsieur le député, à Jean-Marie Tjibaou et à Jacques Lafleur.

Fierté, donc ; concentration aussi, parce que les enjeux sont considérables pour la Nouvelle-Calédonie, pour les Néo-Calédoniens, quelles que soient leurs origines et leurs convictions, mais aussi pour la France.

La consultation – pardon de commencer par des évidences, mais je sais qu'il faut parfois les rappeler – aura lieu l'an prochain, quoi qu'en disent ceux qui veulent faire peur ou se faire peur. Elle aura lieu évidemment, comme convenu. Le respect du processus tel qu'il a été envisagé est une des conditions de son succès.

Elle aura donc lieu l'année prochaine. Il conviendra de choisir la question qui sera posée au corps électoral. Il ne m'appartient pas de le faire aujourd'hui. J'espère que les forces politiques présentes en Nouvelle-Calédonie pourront s'entendre sur le sens de cette question.

Comme vous, monsieur le député, je souhaite que la consultation ne prenne pas la forme d'un affrontement, d'une logique binaire qui aboutirait quoi qu'il arrive à la frustration et au ressentiment.

Il faut donc désigner, pour le scrutin, un corps électoral clair. Vous le savez, des discussions techniques et politiques délicates sont engagées. Elles ont commencé à Nouméa et se poursuivront, je l'espère, à Paris. Il faut que nous puissions ensemble déterminer des règles claires, incontestables, transparentes, d'inscription sur la liste électorale, afin qu'une fois la consultation organisée, personne ne puisse remettre en cause les conditions de son organisation.

Il faut que le scrutin soit sincère, transparent mais aussi surveillé. C'est une des données essentielles de sa bonne organisation.

Et puis, je vous rejoins volontiers sur un point que vous avez rappelé dans votre question. Pour avoir beaucoup consulté les forces vives de la Nouvelle-Calédonie depuis que je suis Premier ministre, je sais que vous êtes attaché à l'idée selon laquelle, pour dépasser le caractère binaire de la question, nous devons nous appuyer sur un corpus commun de valeurs qui irriguent la société néo-calédonienne, qui expliquent son passé et peuvent éclairer son avenir : les valeurs océaniennes, les valeurs de la République, valeurs auxquelles vous faites souvent référence et qu'il me semble extrêmement utile de rappeler, parce qu'elles constituent un socle commun.

Un « destin commun » : c'est l'expression utilisée dans les accords de Matignon et de Nouméa. Qu'est-ce qu'un destin commun ? C'est l'envie de faire une nation, de vivre ensemble, de se retrouver autour de valeurs et d'avoir le sentiment profond que nous pouvons vivre ensemble en Nouvelle-Calédonie pour créer une société encore meilleure que celle qui existe aujourd'hui.

C'est un remarquable défi. C'est par là que je vais terminer. Pardon si ma réponse est un peu longue.

M. Julien Aubert. Elle est tellement riche ! (Sourires sur les bancs du groupe LR.)

M. Edouard Philippe, Premier ministre . La Nouvelle-Calédonie mérite mieux que des remarques absurdes. Elle mérite de la concentration et un consensus national. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.)

Mme Huguette Bello. Très bien !

M. Christian Jacob. Quel engagement clair !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Gomes, j'espère que les questions institutionnelles seront résolues lors du comité des signataires. Nous ne devons pas nous focaliser sur elles, car l'avenir de la Nouvelle-Calédonie va bien au-delà. C'est la lutte contre l'insécurité et pour le développement économique. Or, si la sécurité, le développement économique et le développement social de la Nouvelle-Calédonie exigent une stabilité institutionnelle, ils ne s'y résument pas.

Nous devons donc réfléchir ensemble, au-delà de la consultation de l'an prochain, à ce qui se passera ensuite sur le plan non seulement institutionnel, mais social, économique et politique.

C'est dans cet état d'esprit que j'aborde le comité des signataires qui se tiendra jeudi, après les réunions préparatoires de la semaine. J'espère qu'à l'issue de ces discussions, nous pourrons faire état d'avancées prometteuses. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM, MODEM et LC.)

Mme Huguette Bello. Très bien !

M. le président. Je profite de cette occasion pour saluer la mission d'information de notre assemblée sur ce sujet grave, menée sous la houlette de Manuel Valls et Christian Jacob.