15ème législature

Question N° 235
de M. Julien Dive (Les Républicains - Aisne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Titre > Réforme de la carte judiciaire

Question publiée au JO le : 27/03/2018
Réponse publiée au JO le : 04/04/2018 page : 2331

Texte de la question

M. Julien Dive interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la réforme de la justice, et plus précisément sur la nouvelle organisation territoriale. La nouvelle carte judiciaire qui se profile créé une séparation entre des tribunaux judiciaires spécialisés et des tribunaux de « proximité » aux compétences très limitées. Elle prévoit par ailleurs la fusion de certains tribunaux d'instance (TI) et de grande instance (TGI), ce qui revient mécaniquement à fermer des TI. Le Gouvernement s'est dernièrement engagé à ne fermer aucun lieu de juridiction, mais la concentration des activités au sein de « pôles de compétences » ne manquera pas d'entrainer la suppression progressive de certains tribunaux, notamment celui de Saint-Quentin, dans l'Aisne. Le chantier de la justice proposé par le Gouvernement est en l'état incomplet, car il pénalise les villes moyennes et rurales qui connaissent déjà de nombreuses difficultés : dévitalisation des centres-bourg, désertification médicale, accès restreint aux services publics et peut-être bientôt un éloignement de la justice. Il lui demande de reconsidérer ce volet de sa réforme de la justice, qui vient creuser une nouvelle fois les inégalités entre métropoles et territoires ruraux, dessinant pour l'avenir une France à deux vitesses.

Texte de la réponse

NOUVELLE CARTE JUDICIAIRE


M. le président. La parole est à M. Julien Dive, pour exposer sa question, n°  235, relative à la nouvelle carte judiciaire.

M. Julien Dive. Madame la ministre, depuis le mardi 27 mars les avocats de Saint-Quentin sont en grève. Depuis une semaine, il n'y a ni permanence ni audience. Je me joins à leur mobilisation ; j'aimerais vous interroger sur la nouvelle organisation territoriale de la justice.

La potentielle suppression de juridictions ne manque pas de susciter de vives craintes auprès des professionnels de la justice partout en France, particulièrement auprès des Français habitant dans des villes moyennes et dans nos territoires ruraux. Le Gouvernement a récemment tenté d'éteindre l'incendie en s'engageant à ne fermer aucun lieu de justice et à maintenir tous les tribunaux de grande instance (TGI).

Alors, oui, la dernière mouture de votre texte ne contient plus de hiérarchie entre les cours d'appel et entre les tribunaux de grande instance, comme cela avait été imaginé à l'origine. Toutefois, votre réforme n'est guère plus rassurante, puisqu'elle préfère renvoyer à des décrets l'avenir de certaines juridictions et la répartition des compétences au sein de chaque département. En l'état, le texte ne supprime pas de lieu de justice, mais l'actuelle rédaction de l'article 57 du projet de loi de programmation pour la justice ne fait que repousser l'échéance. C'est pourquoi, à Saint-Quentin, la mobilisation des professionnels du barreau en faveur du maintien d'un tribunal de pleine compétence reste soutenue.

Le premier projet de réforme envisageait la création d'un seul et unique tribunal judiciaire, délaissant Saint-Quentin, deuxième ville de Picardie. Concrètement, pour les habitants du Saint-Quentinois, de la ville et des villages environnants, une telle évolution les éloignerait de leurs droits et les contraindrait à parcourir plusieurs centaines de kilomètres, ce que tous les justiciables, notamment les plus démunis, ne seraient pas en mesure de faire. Je comprends l'impératif d'efficacité qui est le vôtre, mais le droit fondamental de chaque citoyen d'accéder à la justice ne doit pas être sacrifié pour des raisons budgétaires.

La réforme de la justice envisagée par le Gouvernement est en l'état incomplète, car elle pénalise les villes moyennes et rurales qui connaissent déjà des difficultés : dévitalisation des centres-bourgs, désertification médicale, accès restreint aux services publics et, peut-être bientôt, éloignement de la justice.

Madame la ministre, entendez-vous modifier l'article 57 du projet de loi de programmation pour la justice pour 2018-2022, qui, pour l'heure, exclut les barreaux locaux et les élus du territoire de la concertation préalable à la création de pôles spécialisés, dont on ignore encore ce qu'ils recouvriront vraiment ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, je vous prie tout d'abord d'excuser la garde des sceaux, qui m'a demandé de la remplacer.

En matière d'organisation judiciaire, l'engagement du Gouvernement est clair, et cela depuis le début : nous ne supprimerons aucun site juridictionnel. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Je dis bien aucun, mesdames, messieurs.

Cet engagement est au cœur du projet de loi de programmation pour la justice qui sera bientôt soumis au Parlement. L'engagement de la garde des sceaux est celui d'une justice au plus proche des justiciables, simple d'accès et efficace.

Le projet de loi qui vous sera bientôt soumis, disais-je, lèvera vos doutes, monsieur le député : tous les tribunaux de grande instance seront maintenus en tant que juridictions de plein exercice. Il n'y aura pas de « tribunaux judiciaires », ni de « tribunaux de proximité », mais seulement des tribunaux de grande instance, avec leurs chefs de juridiction.

Le projet de loi prévoit, par ailleurs, la fusion des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance afin d'améliorer la lisibilité de l'organisation judiciaire. C'était nécessaire, car le justiciable est aujourd'hui contraint de naviguer parmi les nombreuses règles de compétences de ces deux juridictions. Cela n'est pas acceptable, tous nous le disent.

Cette fusion se fera en maintenant intacte la proximité de la justice. Toutes les implantations actuelles des tribunaux d'instance seront conservées – je dis bien toutes, monsieur le député. Le socle de compétences de ces implantations est garanti dans le projet de loi. Les acteurs locaux pourront contribuer à y ajouter des compétences, mais uniquement en ajouter, non en retirer.

En réalité, vous le voyez bien, loin de pénaliser les villes moyennes et rurales, cette réforme les renforcera. C'est bien à l'initiative des acteurs locaux que les structures juridictionnelles pourront être renforcées en compétences. Ce sont ceux qui vivent dans les territoires qui les connaissent le mieux, et qui peuvent le mieux y évaluer le besoin de justice. C'est bien l'ambition défendue par le Gouvernement à travers ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Julien Dive.

M. Julien Dive. La justice, madame la ministre, ne relève pas de vos compétences, j'entends bien ; aussi je vous remercie de vous être livrée à l'exercice de me répondre.

Je ne suis pas rassuré pour autant, puisque la note qui vous a été transmise par la garde des sceaux indique : « acteurs locaux », sans préciser s'il s'agit des élus, notamment le maire de la ville concernée et celui des communes environnantes. Je sais, de par votre parcours et vos compétences au sein du Gouvernement, votre attachement aux territoires. J'insiste également, de mon côté, sur la défense des petites communes et des villes moyennes, tout en vous rappelant qu'il convient d'y associer les élus, mais aussi les barreaux. La précision est d'importance, car l'expression « acteurs locaux » veut dire tout et rien à la fois. Il importe donc de préciser, sur ce point, l'article visé du projet de loi de programmation.