Observateurs des violences policières
Question de :
M. Jean-Luc Mélenchon
Bouches-du-Rhône (4e circonscription) - La France insoumise
M. Jean-Luc Mélenchon attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la situation des observateurs des violences policières dans les manifestations. Ces derniers mois, les mobilisations sociales et écologistes ont dû subir un niveau de violence inédit sous la cinquième République. Ainsi, dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes, plus de 2 500 manifestants ont été blessés dont 24 qui ont perdu un œil et 5 une main. Face à cette escalade, des associations ont pris l'initiative de mandater des observateurs des violences policières dans les manifestations. L'objectif de ces militants est de constater l'usage excessif de la force par des policiers et des gendarmes afin d'engager le cas échéant les recours légaux prévus. Ils remplissent donc une tâche d'intérêt général dans le cadre de l'état de droit. Pourtant, ils sont souvent pris à partie et visés spécifiquement par les forces de police. Le 28 septembre 2019, les observateurs de l'observatoire local des pratiques policières de Toulouse, formé par la Fondation Copernic, le syndicat des avocats de France et la Ligue des droits de l'Homme ont été insultés, menacé et visé par des gaz lacrymogènes. Le 1er octobre, la militante de la Ligue des droits de l'Homme, Camille Halut comparaissait devant le tribunal correctionnel de Montpellier pour des faits d'entrave à la circulation. En vérité, elle remplissait son rôle d'observatrice lors d'une manifestation de Gilets jaunes le 7 avril 2019. Depuis, elle a subi un véritable harcèlement avec 56 heures de garde à vue cumulés. Ces citoyens ne sont pas des délinquants. L'observation citoyenne des opérations de maintien de l'ordre n'est pas répréhensible. Elle s'avère souvent indispensable pour faire respecter les règles de l'état de droit. Par conséquent, il lui demande quelles mesures il compte mettre en œuvre pour sécuriser la présence des observateurs dans les manifestations.
Réponse publiée le 6 avril 2021
Pendant plusieurs mois, dans le cadre des actions des « gilets jaunes », les policiers et les gendarmes ont assuré, avec professionnalisme, sang-froid et abnégation, le respect de la loi républicaine, notamment pour garantir le droit de manifester, assurer la sécurité des biens et des personnes et la protection des institutions de la République. La radicalisation de certains et la présence de groupuscules et d'individus ultraviolents, fréquemment issus de l'ultra-gauche, ont régulièrement abouti à des violences. Les forces de l'ordre ont fréquemment dû faire face à des émeutiers et des casseurs qui commettaient pillages et dégradations et essayaient délibérément de s'en prendre à leur intégrité physique. Que ce soit dans leurs missions de sécurité quotidienne ou dans le cadre de missions d'ordre public, l'action des forces de sécurité intérieure de l'Etat est menée dans le cadre légal républicain, fixé pour l'essentiel par le législateur, dans les codes de procédure pénale et de la sécurité intérieure. Existent également des doctrines d'emploi des moyens techniques dont les forces sont dotées. Dans un Etat de droit, les forces de l'ordre font naturellement l'objet de contrôles, internes, juridictionnels, nationaux, européens et internationaux. Leurs actions sont en particulier soumises au contrôle de l'autorité judiciaire - gardienne de la liberté individuelle - et de différentes autorités administratives indépendantes. Sur le plan interne, des corps d'inspection veillent au strict respect du droit et de la déontologie. Lorsque des comportements inappropriés sont relevés, par exemple si l'usage légitime de la force est mis en doute, des enquêtes administratives ou judiciaires sont systématiquement ouvertes. Tout manquement ou faute commis dans les rangs de la police ou de la gendarmerie est poursuivi. Tout citoyen dispose par ailleurs de diverses voies de recours pour contester l'action de l'administration : plainte devant l'autorité judiciaire, requête devant le juge administratif voire le juge des référés, signalement sur la plate-forme internet de l'Inspection générale de la police nationale, etc. S'agissant des faits évoqués, ils appellent les précisions suivantes. Le 28 septembre 2019 à Toulouse, dans le cadre d'une journée de mobilisation du mouvement dit des « gilets jaunes », qui rassembla environ 2 000 personnes, des observateurs de la Ligue des droits de l'homme (LDH) étaient présents en tête du cortège. Lors de cette manifestation, les forces de l'ordre mobilisées furent prises à partie par des manifestants hostiles, aux côtés desquels se trouvaient des observateurs de la LDH. Trois fonctionnaires de police furent blessés ce jour-là. Après une phase de dispersion réalisée en plusieurs manœuvres successives, et alors que les sommations avaient été effectuées conformément au droit applicable, les observateurs de la LDH, accompagnés de manifestants, sont pourtant demeurés sur place en se positionnant dans le dos d'une colonne de policiers. Malgré les sommations réglementaires et une invitation verbale à quitter les lieux, le maintien sur place des observateurs les a impliqués dans les manoeuvres des forces. Lors de celles-ci, une munition non percutée de lanceur de balles de défense avait été ramassée et conservée par l'un des observateurs de la LDH. C'est à l'occasion de la fouille du sac de cet observateur, réalisée conformément à la réquisition du procureur de la République, qu'un fonctionnaire de police a tenu des propos inadaptés à un membre de la LDH. Une enquête administrative est en cours pour ces faits. Il importe à cet égard de rappeler que le délit constitué par le fait de se maintenir dans un attroupement après des sommations ne comporte aucune exception au profit des membres d'associations. Dès lors qu'ils sont au cœur d'un attroupement, ils doivent comme n'importe quel citoyen obtempérer aux injonctions des représentants de la force publique en se positionnant clairement en dehors des manifestants appelés à se disperser. Les faits survenus le 28 septembre 2019 à Toulouse n'ont pas donné lieu à un dépôt de plainte. S'agissant des faits survenus à Montpellier, il convient de préciser que la personne citée a été interpellée pour son comportement illicite dans 2 manifestations qui n'avaient pas fait l'objet de déclaration préalable : le 6 avril 2019 pour avoir participé à une entrave à la circulation sur l'autoroute A709 et le 21 septembre 2019 pour avoir participé à une manifestation le visage masqué, en résistant à son arrestation et en refusant la signalisation. La liberté de manifestation, corollaire de la liberté d'expression, a valeur constitutionnelle et à ce titre elle bénéficie d'importantes garanties juridiques. Elle est également protégée par le droit conventionnel. La liberté d'association figure pour sa part au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et bénéficie donc également de toutes les garanties légales. Toutefois, la loi est la même pour tous et les membres d'associations participant à des manifestations, qui peuvent naturellement se définir comme ils l'entendent, sont tenus, comme quiconque, au respect du droit. Ils bénéficient aussi, comme quiconque, de toutes les garanties qu'offre le cadre légal pour faire pleinement respecter leurs droits. A ce titre et par exemple, si des membres d'associations ont été affectés par un emploi de la force par des unités de police ou de gendarmerie qu'ils estiment illégitime, ou jugent illégale une mesure ou procédure dont ils ont fait l'objet, il leur appartient de déposer plainte ou de procéder à un signalement, par exemple sur la plate-forme internet de l'Inspection générale de la police nationale prévue à cet effet.
Auteur : M. Jean-Luc Mélenchon
Type de question : Question écrite
Rubrique : Police
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 15 octobre 2019
Réponse publiée le 6 avril 2021