Question de : Mme Mathilde Panot
Val-de-Marne (10e circonscription) - La France insoumise

Mme Mathilde Panot alerte M. le Premier ministre sur le risque considérable que fait courir au pays la demande que le Gouvernement a adressée à EDF relativement à la mise en projet de nouveaux réacteurs. Mme la députée rappelle qu'elle a adressé le 4 juin 2019 une question au ministère de la transition écologique et solidaire à propos de la défaillance nette observée sur le chantier de l'EPR à Flamanville. En l'absence de réponse, elle interpelle M. le Premier ministre et porte l'attention sur les arguments qui, le temps d'un été, n'ont rien perdu de leur consistance : « Mme Mathilde Panot alerte M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur l'échec patent et les problèmes lourds rencontrés par le projet d'EPR à Flamanville. Mme la députée rappelle à M. le ministre que l'EPR devait entrer en service en 2012, et que cette mise en route est, du fait de nouvelles failles dans le projet, reporté à 2020. De report en report, l'EPR n'est de toute évidence pas prêt à entrer en fonction. Le surcoût du projet est faramineux. Une augmentation de plus de 200 % du budget initial signale une incapacité totale de la part d'EDF à prévoir le coût de l'EPR : près de 11 milliards d'euros y ont été investis, contre les 3 prévus initialement. À ce rythme, l'EPR semble pouvoir longtemps continuer à coûter cher sans produire d'électricité. Après les fissures du radier, les systèmes de contrôle et de commande, le mur endommagé de la piscine, la cuve et le couvercle défectueux, c'est désormais le circuit secondaire principal qui est atteint. 150 soudures y présentent des défauts, ce qui rallonge encore le chantier d'un an ou davantage, avant le prochain problème. Ce surcoût pourrait encore être pardonné si l'EPR était un projet d'avenir. Il n'en est rien. C'est un projet inutile et absurde, qui est dépassé. Les retards dans le chantier donnent en réalité une occasion formidable, celle d'abandonner le mirage de l'EPR et, plus généralement, d'en finir avec l'illusion nucléaire. Mme la députée s'interroge sur la pertinence de s'obstiner dans la voie nucléaire. L'EPR de Flamanville est l'exemple même qu'elle coûte très cher et présente des risques considérables. Une fois l'EPR mis en route, EDF compte en ouvrir un second. Cette logique est une véritable fuite en avant qui ne garantit en rien la transition énergétique, le nucléaire constituant en France un frein puissant pour le développement des énergies renouvelables. Elle lui demande de demander à EDF de fournir des explications circonstanciées sur l'accumulation de défaillances dans le chantier. Elle lui demande s'il compte abandonner ce projet inutile, coûteux, et qui couvre l'État qui s'y obstine de ridicule. Elle s'interroge également sur les éléments qui circulent relativement à la nationalisation de la filière nucléaire d'EDF, et à la privatisation de la filière énergies renouvelables. Ces dernières devenant de plus en plus rentables, elle lui demande s'il approuve cette logique dommageable pour l'intérêt général de socialisation des pertes et de privatisation des profits ». Alors que la presse est parvenue à confirmer le fait que le Gouvernement envisage de construire de nouveaux réacteurs, elle lui demande s'il considère qu'il est raisonnable de poursuivre la fuite en avant dans cette énergie coûteuse et désastreuse pour le pays. Continuer à investir obstinément des dizaines de milliards dans le nucléaire revient à empêcher le développement des énergies renouvelables, seules énergies résilientes face au changement climatique. Elle souligne que la façon dont cette fuite en avant se caractérise par un fonctionnement anti-démocratique caractérisé. Seules des fuites dans la presse nous apprennent la possibilité d'ouverture de six nouveaux EPR : un comble pour la représentation nationale et le peuple Français. Elle l'interroge donc quant à ses réponses face au risque nucléaire, à l'incurie du projet d'EPR, et aux méthodes peu démocratiques de prise de décision en la matière.

Réponse publiée le 16 juin 2020

Le chantier de construction de l'EPR de Flamanville, engagé en septembre 2007 avec pour objectif initial une mise en service en 2012, a connu plusieurs retards et affiche un surcoût important. Face à cette situation, le ministre chargé de l'économie a demandé fin juin 2019 à EDF de mener un audit indépendant et approfondi sur les raisons qui ont conduit au choix de l'EPR et sur les causes des retards et des écarts constatés sur le chantier de Flamanville. Les conclusions de cet audit, confié à M. Jean-Martin Folz, ont été rendues publiques fin octobre 2019. Le rapport de M. Folz établit plusieurs causes qui ont conduit à l'accumulation de défaillances sur le chantier. Un avancement insuffisant des études avant la pose du premier béton a conduit à la nécessité de modifier les plans et à des reprises sur le chantier. Du point de vue de la gestion du chantier, la gouvernance du projet est jugée inadaptée, en l'absence d'une direction de projet forte et spécifiquement dédiée au projet, et la conduite de projet n'aurait pas été suffisamment proche du terrain. Plus globalement au sein de la filière, une perte de compétence, en particulier sur l'activité de soudeur, est également jugée source de nombreux déboires. Suite à ce rapport, EDF doit désormais définir un plan d'action en réponse aux recommandations émises. En tout état de cause, au vu des échanges avec l'Autorité de Sûreté Nucléaire sur la faisabilité des scénarios de reprise des soudures de traversée du circuit secondaire principal, le Conseil d'administration d'EDF, réuni le 8 octobre 2019, a approuvé la poursuite du chantier de l'EPR de Flamanville. Enfin, la Programmation pluriannuelle de l'énergie pour la période 2019-2028 définit un cap pour la transition énergétique de la France, avec d'une part la fermeture de 14 réacteurs nucléaire d'ici à 2035 et d'autre part un développement massif des énergies renouvelables, du stockage et des réseaux intelligents. EDF devra jouer un rôle clé dans l'ensemble de ces objectifs. Au sujet de la construction de nouvelles centrales nucléaires, dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l'énergie le Gouvernement a décidé de maintenir ouverte l'option de construire de nouveaux réacteurs nucléaires. En effet, si avant l'horizon 2035 de nouvelles capacités nucléaires n'apparaissent pas nécessaires, au-delà se pose la question des nouveaux moyens de production d'électricité décarbonée à construire pour assurer l'équilibre offre-demande à mesure du déclassement du parc existant. Ainsi, le Gouvernement a lancé un programme de travail sur le mix électrique post 2035, portant notamment sur l'opportunité et les modalités d'un éventuel programme nouveau nucléaire, en lien avec les acteurs de la filière. Ces travaux visent à instruire les enjeux environnementaux, économiques, industriels, concurrentiels du déploiement d'éventuelles nouvelles centrales nucléaires. Ils s'inscrivent également dans une démarche de modélisation intégrée du système électrique à horizon 2050, incluant des scénarios avec une forte proportion d'énergies renouvelables, y compris 100 % renouvelable. Les conclusions sont attendues pour mi-2021. L'ensemble de ces éléments permettra d'identifier clairement les avantages et les risques liés au lancement d'un ou plusieurs chantiers de centrales nucléaires. Le scénario de construction de trois paires d'EPR est une hypothèse de travail pour le Gouvernement destinée à cadrer l'exercice, dans laquelle s'inscrit la contribution d'EDF. Il ne préjuge pas de la décision qui sera prise.

Données clés

Auteur : Mme Mathilde Panot

Type de question : Question écrite

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Transition écologique et solidaire

Dates :
Question publiée le 22 octobre 2019
Réponse publiée le 16 juin 2020

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