situation en Haïti
Question de :
M. Gabriel Serville
Guyane (1re circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
Question posée en séance, et publiée le 13 novembre 2019
SITUATION EN HAÏTI
M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville.
M. Gabriel Serville. Ma question s’adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères ; j’y associe les collègues du groupe d'amitié France-Haïti.
Depuis début septembre, des manifestations fortement réprimées par le régime ont fait quarante-deux morts selon l’ONU, soixante-et-onze selon les ONG. Écoles fermées, administrations à l’arrêt, quartiers sous la coupe réglée de gangs armés et tolérés par le pouvoir en place : le pays a renoué avec le chaos. On assiste, dans l’indifférence générale, à la faillite d’un système imposé de l’extérieur, à la suite de l’incapacité récurrente des gouvernements à assurer un minimum de stabilité et de prospérité.
La crise couvait depuis les désastres naturels qui ont dévasté le pays à plusieurs reprises. Elle s’est aggravée avec le scandale Petrocaribe, dans lequel le Président est soupçonné de graves détournements de fonds. Les partis d’opposition et des groupes de la société civile ont annoncé, dans la soirée du samedi 9 novembre, être parvenus à un accord pour organiser la transition politique, mais le président Jovenel Moïse reste sourd aux manifestants qui exigent son départ.
Monsieur le ministre, la semaine dernière, notre collègue George Pau-Langevin sollicitait votre réaction face à cette crise insurrectionnelle qui pousse des milliers d'habitants à l'asile. La Guyane est en première ligne et se trouve dans l’incapacité d’assumer les conséquences d'un afflux massif de population dans un contexte de fortes restrictions budgétaires. Hélas, votre réponse n'a pas été à la hauteur de nos attentes.
Il n’est pas question ici d’ingérence – d'autant plus que les Haïtiens n’en veulent pas. Mais l'on sait déjà que, sans réelle volonté des États partenaires d’accompagner le pays vers la stabilité politique, institutionnelle et sociale, la mission politique de l’ONU en Haïti ne sera qu'un coup d’épée dans l’eau. Nous avons les moyens de cette volonté. De surcroît, l'histoire est têtue et les destins croisés de la France et d'Haïti nous obligent.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires européennes.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État chargée des affaires européennes. Comme vous l'avez rappelé, Haïti est entré manifestement depuis le mois de septembre dans une crise économique, sociale et politique. L'ensemble des manifestations appellent à la démission du président Jovenel Moïse. La plus faible mobilisation du dimanche 10 novembre laisse entrevoir un répit, après les deux mois de troubles particulièrement violents que vous avez rappelé : quarante-deux personnes ont perdu la vie selon l'ONU, dont dix-neuf tuées par les forces de l'ordre. La difficulté essentielle tient à l'absence du Gouvernement investi par le Parlement : la situation est de ce fait totalement bloquée et l'activité économique paralysée.
Dans l'immédiat, la position française est claire : il convient d'abord d'assurer la sécurité de nos compatriotes en Haïti, où la communauté française compte 1 900 inscrits. Il faut ensuite éviter une nouvelle crise humanitaire. On estime qu'en 2020, 4 millions de personnes se trouveront en insécurité alimentaire ; 2 millions d'enfants ne sont quant à eux plus scolarisé. Nous fournissons donc une aide alimentaire d'urgence et travaillons avec l'Union européenne pour nous tenir prêts à lancer une action concrète sur le terrain en cas de dégradation de la situation.
Notre priorité reste néanmoins le soutien à la reprise d'un dialogue réunissant l'ensemble des forces d'opposition et l'ensemble de la société civile. Nous avons signalé, je le répète devant vous, que nous sommes prêts à soutenir ce dialogue, en lien avec l'Union européenne et avec l'Organisation internationale de la francophonie. Nous estimons en effet que ce dialogue constitue la seule réponse possible à l'urgence sociale et la seule voie de sortie de la crise politique actuelle. La France ne veut pas d'une nouvelle situation chaotique en Haïti, dont les Haïtiens les plus vulnérables sont les premières victimes. C'est au président Haïtien de se montrer à la hauteur des circonstances de façon à éviter cette crise et à engager au plus vite le dialogue national dont le pays a plus que jamais besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Auteur : M. Gabriel Serville
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Affaires européennes
Ministère répondant : Affaires européennes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 novembre 2019