15ème législature

Question N° 240
de Mme Aude Luquet (Mouvement Démocrate et apparentés - Seine-et-Marne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Cohésion des territoires
Ministère attributaire > Cohésion des territoires

Rubrique > logement

Titre > Taux de logement sociaux et périmètre loi SRU

Question publiée au JO le : 27/03/2018
Réponse publiée au JO le : 04/04/2018 page : 2325

Texte de la question

Mme Aude Luquet attire l'attention de M. le ministre de la cohésion des territoires sur l'application des obligations de la loi SRU à l'échelle intercommunale. La loi SRU vise à récréer un équilibre social dans chaque territoire et à répondre à la pénurie de logements sociaux. Son article 55 oblige certaines communes à disposer d'un nombre minimum de logements sociaux, proportionnel à leur parc résidentiel. En application de la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013, les obligations de production de logements sociaux ont été renforcées et la loi égalité et citoyenneté du 27 janvier 2017 a révisé les conditions d'exemption des communes du dispositif SRU. Pour autant, le cadre législatif ne propose pas une appréhension de la loi SRU au niveau intercommunal alors que les récentes réformes territoriales ont incité les communes à s'organiser au sein d'intercommunalités, dont les compétences et les pouvoirs en matière d'urbanisme se sont largement étendus, notamment par les mises en œuvre de schéma de cohérence territoriale ou encore de PLUi. Par conséquent, au regard de ces évolutions, il apparaît plus pertinent d'appliquer les obligations de la loi SRU à l'échelle des EPCI. En effet, il est possible de constater qu'au sein d'une intercommunalité, certaines communes ont un taux de logements sociaux inférieur à 25 % alors que d'autres communes ont un taux nettement supérieur au taux minimal. À titre d'exemple, au sein de la communauté d'agglomération Melun-Val-de-Seine, la ville de Melun compte près de 45 % de logements sociaux alors que celle de Pringy en compte un peu plus de 10 %. Or, cette dernière, comme tant d'autres villes en France, a pour obligation, pour se mettre en conformité avec la loi, d'augmenter significativement son parc social au cours des prochaines années. La commune de Pringy compte ainsi passer de 10 % de logements sociaux (2016) à 21 % en 2020, nécessitant de lourds investissements. Ce taux, s'il reste inférieur au taux minimal prévu par la loi, démontre une volonté de la commune de s'y conformer. Il lui apparaît alors nécessaire que la loi SRU prenne en considération, d'une part, les efforts consentis par les communes pour se mettre en conformité et d'autre part, le taux de logements sociaux au niveau intercommunal. En conséquence, elle lui demande s'il ne serait pas plus pertinent que le taux de 25 % de logements sociaux soit apprécié, non pas au niveau communal, mais au niveau des EPCI ; le taux de logements sociaux devant s'apprécier au niveau d'un bassin de vie afin de refléter davantage la réalité de l'offre.

Texte de la réponse

APPLICATION DE LA LOI SRU À L'ÉCHELON INTERCOMMUNAL


M. le président. La parole est à Mme Aude Luquet, pour exposer sa question, n°  240, relative à l'application de la loi SRU à l'échelon intercommunal.

Mme Aude Luquet. Monsieur le ministre de la cohésion des territoires, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain du 13 décembre 2000, dite loi SRU, vise à rétablir un équilibre social dans chaque territoire en répondant à la pénurie de logements sociaux.

L'article 55 de cette loi oblige certaines communes à disposer d'un nombre minimum de logements sociaux, proportionnel à leur parc résidentiel. En application de la loi du 18 janvier 2013, les obligations de production de logements sociaux ont été renforcées. La loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté a ensuite révisé les conditions d'exemption des communes du dispositif SRU.

Pour autant, le cadre législatif ne propose pas une appréhension de la loi SRU au niveau intercommunal alors que les récentes réformes territoriales ont incité les communes à s'organiser au sein d'intercommunalités dont les compétences et les pouvoirs en matière d'urbanisme se sont largement étendus, notamment par la mise en œuvre des schémas de cohérence territoriale ou encore des PLUI – les plans locaux d'urbanisme intercommunaux. Au regard de ces évolutions, il semblerait plus approprié d'appliquer les obligations de la loi SRU à l'échelle des EPCI, d'autant plus qu'au sein d'une intercommunalité, certaines communes peuvent avoir un taux de logements sociaux inférieur à 25 % alors que d'autres auront un taux nettement supérieur.

À titre d'exemple, au sein de la communauté d'agglomération Melun-Val-de-Seine, la ville de Melun compte près de 45 % de logements sociaux, celle de Pringy en comptant seulement un peu plus de 10 %. Cette dernière, comme tant d'autres villes en France, a pour obligation, pour se mettre en conformité avec la loi, d'augmenter significativement son parc social au cours des prochaines années. Elle compte ainsi passer à 21 % de logements sociaux en 2020, ce qui nécessite de lourds investissements. Ce taux, s'il reste inférieur au taux minimal prévu par la loi, démontre la volonté de la commune de s'y conformer. Il m'apparaît alors nécessaire que la loi SRU prenne en considération, d'une part, les efforts consentis par les communes pour se mettre en conformité, et, d'autre part, le taux de logements sociaux au niveau intercommunal.

En conséquence, ne serait-il pas plus pertinent, monsieur le ministre, que le taux minimal de 25 % de logements sociaux soit apprécié non pas au niveau communal mais au niveau des EPCI, c'est-à-dire au niveau d'un bassin de vie afin de refléter davantage la réalité de l'offre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la députée, vous posez une question que nous nous posons les uns et les autres depuis un certain temps,…

Mme Aude Luquet. J'imagine !

M. Jacques Mézard, ministre . …et d'autant plus en ce qui me concerne que j'ai présidé une communauté d'agglomération pendant seize ans. Cela étant, je ne pense pas qu'en l'état actuel des choses, nous puissions aller très rapidement dans la voie que vous suggérez. Vous demandez en effet s'il ne serait pas plus opportun d'appliquer les obligations issues de l'article 55 de la loi SRU au niveau des intercommunalités. Je rappelle que notre système en matière d'urbanisme continue aujourd'hui à poser le principe que la signature du permis de construire est entre les mains de chaque maire, et je crois que l'immense majorité d'entre eux y sont attachés. Et même si on s'est, ici aussi, posé la question, la réponse actuelle est de le conserver. Le temps n'est pas encore venu – s'il doit venir un jour dans le cadre des recompositions territoriales – de changer cela. Je note d'ailleurs que depuis la mise en vigueur de l'article 55, le législateur, quelles que soient les sensibilités au pouvoir, a considéré que cet article devait s'appliquer à l'échelle de la commune, considérant que c'était la maille pertinente pour solutionner les questions relatives aux logements sociaux.

Si l'on passait directement à l'échelle intercommunale, cela pourrait conduire à un ralentissement de l'effort global de production de logements sociaux car le taux cible est d'ores et déjà atteint dans la majeure partie des intercommunalités alors que les besoins, eux, sont toujours là.

Une remarque personnelle, au-delà des éléments de langage préparés par mes services : la taille des intercommunalités varie énormément dans notre pays. Ainsi, vous savez pertinemment qu'il y a aujourd'hui des intercommunalités dites « XXL », ce qui pose un véritable problème pour le passage direct au niveau intercommunal des obligations prévues par l'article 55. Nous savons bien qu'y compris à l'intérieur des intercommunalités, certaines communes jouent totalement le jeu alors que d'autres le jouent moins, et qu'il faut en plus tenir compte des difficultés s'agissant de l'application de certains textes – je pense à la loi Littoral ou encore à la loi Montagne.

Vous me citez l'exemple éloquent de Melun-Val-de-Seine qui respecte le seuil de 25 % de logements sociaux alors que pourtant, sur son territoire, il y a encore une forte demande non satisfaite en la matière. On doit donc attendre souvent plusieurs années pour avoir un logement social, ce qui est regrettable. Cela étant, en l'état actuel de la réflexion, le Gouvernement a considéré, je le répète, qu'il n'était pas encore opportun d'aller dans le sens que vous suggérez. Mais il y a des évolutions en cours, et je fais confiance aux collectivités locales. Ainsi, on voit bien que de plus en plus de communes s'en remettent à leur intercommunalité pour instruire les permis de construire. Voilà une démarche positive qui est en train de se mettre en place dans le cadre d'une collaboration entre communes et intercommunalités.

Par conséquent, oui, votre question mérite d'être posée, je vous ai donné l'état de nos réflexions, mais je pense que nous avons encore besoin d'approfondir le sujet.