15ème législature

Question N° 241
de M. Cyrille Isaac-Sibille (Mouvement Démocrate et apparentés - Rhône )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Cohésion des territoires
Ministère attributaire > Action et comptes publics

Rubrique > moyens de paiement

Titre > Trafic stupéfiant et économie souterraine

Question publiée au JO le : 27/03/2018
Réponse publiée au JO le : 04/04/2018 page : 2337
Date de changement d'attribution: 03/04/2018

Texte de la question

M. Cyrille Isaac-Sibille attire l'attention de M. le ministre de la cohésion des territoires sur les mesures pratiques pour mieux évaluer l'économie souterraine de proximité et identifier les personnes qui vivent de trafic. Le trafic de stupéfiants et l'économie souterraine dans son ensemble représenterait 0,1 % du PIB. Beaucoup de personnes ou familles vivent de ces revenus et règlent leurs dépenses usuelle en espèces. Comment, sur les territoires, mieux limiter le recyclage de cet argent issu de l'économie souterraine ? Le paiement en espèces reste le moyen le plus simple pour l'économie souterraine de fonctionner. Il permet aux acteurs de ce système de rester dans l'anonymat et de faire entrer dans l'économie des fonds acquis de manière illégale. Les administrations, les services communaux, les offices de logements sociaux, conformément aux articles L. 112-5 et L. 112-6 du code monétaire et financier et le décret n° 2015-741 du 24 juin 2015, acceptent les paiements en espèce. Les plafonds varient selon les situations. Le règlement, dû aux finances publiques, en espèces est autorisé jusqu'à 300 euros. Pour les loyers le plafond est fixé à 1 000 euros pour tous les citoyens. Le texte de loi prévoit deux exceptions à ces seuils : pour les personnes qui sont incapables de s'obliger par chèque ou par un autre moyen de paiement, ainsi que celles qui n'ont pas de compte de dépôt; le débiteur n'est pas résident en France au sens fiscal. Ces derniers peuvent ainsi payer l'intégralité des sommes dues en liquide. Il lui demande s'il serait possible d'imposer aux différents organismes précités la déclaration systématique de ces règlements en espèces lorsqu'ils sont effectués de manière systématique ou régulière aux maires, aux autorités de polices, aux services fiscaux et aux services préfectoraux. Cette mesure permettrait aux autorités de connaître l'importance de l'économie souterraine et d'identifier les familles en vivant.

Texte de la réponse

DÉCLARATION DES VERSEMENTS EN ESPÈCES ET LUTTE CONTRE L'ÉCONOMIE SOUTERRAINE


M. le président. La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille, pour exposer sa question, n°  241, relative à la déclaration des versements en espèces et à la lutte contre l'économie souterraine.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Le trafic de stupéfiants et l'économie souterraine dans son ensemble représenteraient 0,1 % de notre PIB. Beaucoup de gens en vivent et règlent leurs dépenses usuelles en espèces : le paiement en espèces rend possible et favorise le fonctionnement de l'économie souterraine ; il permet de rester dans l'anonymat et de faire entrer dans notre économie des sommes acquises de manière illégale. Comment mieux connaître, afin de mieux le limiter, le recyclage de cet argent issu de l'économie souterraine ?

Les administrations, les services communaux ou encore les offices de logements sociaux acceptent des paiements en espèces en fonction de plafonds variables : pour les finances publiques, le règlement en espèces est autorisé jusqu'à 300 euros ; pour les loyers, le plafond est fixé à 1 000 euros pour tous les citoyens. La loi prévoit deux exceptions : les personnes n'ayant pas de compte de dépôt ou ne résidant pas en France au sens fiscal peuvent payer l'intégralité des sommes dues en liquide.

Les services de proximité de nos communes sont confrontés en permanence à des personnes réglant systématiquement leur loyer ou les factures de cantine ou les activités de leurs enfants en espèces. Pourrions-nous imposer aux différents organismes précités la déclaration systématique de ces règlements en espèces, lorsqu'ils sont effectués de manière régulière, aux services municipaux, fiscaux et préfectoraux, ainsi qu'aux autorités de police ?

Cette mesure facile et pratique permettrait aux autorités de mieux connaître et de mieux évaluer l'importance de l'économie souterraine, et surtout d'identifier les familles qui vivent de ces trafics.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Monsieur le député, la lutte contre l'économie souterraine et pour une meilleure détection des flux financiers, notamment en lien avec le financement du terrorisme, constitue pour les pouvoirs publics une préoccupation constante. Le Gouvernement a pour objectif de limiter la circulation des espèces et d'accroître la traçabilité de l'ensemble des paiements, par exemple des cartes prépayées.

S'agissant de l'estimation de la part de l'économie souterraine, les nombreuses études nationales et internationales qui ont été produites se heurtent toutes au même écueil de la mesure de l'économie informelle. Parmi les ordres de grandeur très variables qui sont donnés, votre chiffre de 0,1 % me semble plutôt bas.

À la fin de l'année 2015, dans le contexte dramatique des attentats, le ministre de l'économie et des finances avait pris plusieurs mesures dans le cadre du plan d'action national contre le financement du terrorisme. L'une d'elles a abaissé à 1 000 euros le seuil, auparavant fixé à 3 000 euros, des paiements en liquide pour les transactions entre un particulier et un professionnel. Nous sommes ainsi en pointe sur ce sujet au sein de l’Union européenne.

Ce plan vise également à faire reculer l'anonymat des paiements. À cet effet, il renforce l'encadrement de l'usage des cartes prépayées. Ainsi, sur le territoire national, tout support physique de paiement alimenté depuis des moyens de paiement non traçables – espèces ou monnaie électronique anonyme – doit faire l'objet d'une prise d'identité au premier euro à chaque rechargement de ladite carte prépayée.

D'ores et déjà, les administrations de l'État, les collectivités territoriales et toutes les personnes chargées d'une mission de service public peuvent adresser à Tracfin, le service en charge de la lutte contre les circuits financiers clandestins, des informations de soupçon sur des personnes ou des groupes de personnes pour lesquels l'usage des espèces pourrait être mis en lien avec des signaux faibles portant sur divers trafics illicites. Des actions de communication sur ce dispositif sont envisagées afin d'en expliquer le mode opératoire.

En matière de déclarations systématiques sur l'usage des espèces, il existe deux dispositifs qui portent à la connaissance de Tracfin de tels flux financiers. Les lois du 28 janvier 2013 et du 26 juillet 2013 ont créé, pour les établissements de crédit, de paiement et de monnaie électronique, une obligation de communication systématique d'informations à Tracfin.

S'agissant des opérations de transmission de fonds, depuis le 1er octobre 2013, chaque mois, les établissements gestionnaires adressent à Tracfin un fichier répertoriant les envois et réceptions de fonds effectués à partir d'un versement en espèces ou au moyen de monnaies électroniques dépassant 1 000 euros ou 2 000 euros cumulés, par client, sur un mois civil.

Depuis le 1er janvier 2016, les établissements financiers envoient mensuellement à Tracfin un relevé retraçant les opérations de dépôt et de retrait d'espèces supérieurs à 10 000 euros cumulés sur un mois.

Ces dispositions permettent d'enrichir les investigations menées sur les personnes physiques et morales citées dans une déclaration ou une information de soupçon.

Le Gouvernement est disposé à engager une réflexion sur l'adaptation d'un dispositif équivalent retraçant les paiements en espèces, à partir d'un seuil à expertiser, pouvant s'appliquer au règlement des loyers que vous abordez dans votre question.

M. le président. La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Dans les communes, nous sommes habitués à voir des personnes payer régulièrement en espèces. Les personnes qui vivent de trafics règlent sous cette forme leurs dépenses – cantine ou autres loyers – auprès des services municipaux. Il n'est pas question ici d'établissements financiers. Bien plus simplement, il serait intéressant qu'un établissement public qui est payé en espèces de manière systématique par un usager puisse le signaler. Je serais reconnaissant au Gouvernement d'examiner cette question.