15ème législature

Question N° 242
de M. Bruno Millienne (Mouvement Démocrate et apparentés - Yvelines )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > catastrophes naturelles

Titre > Crises résultant de catastrophes naturelles - Gouvernance, gestion, financement

Question publiée au JO le : 27/03/2018
Réponse publiée au JO le : 04/04/2018 page : 2328

Texte de la question

M. Bruno Millienne interroge M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur l'opportunité de définir par la loi les responsabilités qui incombent à l'État, aux collectivités locales et à leurs groupements en période de crise résultant d'inondations et plus globalement de catastrophes naturelles. En effet, si dans le cadre de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam), la compétence Gemapi (gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations) - complétée et corrigée par la proposition de loi des présidents Marc Fesneau et Richard Ferrand, adoptée en janvier 2018 et assouplissant les modalités de transfert et de délégation de cette compétence à un syndicat mixte en prévoyant notamment la « sécabilité interne » des quatre missions constitutives de Gemapi et en permettant aux départements et aux régions de poursuivre leur action en matière de Gemapi au-delà du 1er janvier 2020 - a permis de combler les lacunes en termes de stratégie de prévention des risques d'inondation, elle n'avait pas pour objet de poser la question des responsabilités de gestion et de financement des opérations d'urgence pendant et au lendemain des calamités naturelles. Gemapi vient rompre avec une situation où la prévention des inondations était une compétence émiettée et facultative, partagée entre État, régions, départements et groupements de collectivités. Or, au-delà du volet préventif et de protection face aux risques d'inondations, se pose, concrètement sur le terrain, la question de la gestion des situations de crise. Les derniers épisodes climatiques qui ont entraîné des crues aux conséquences parfois dévastatrices, ont vocation à se reproduire. Par ailleurs, ces épisodes sont de plus en plus rapprochés dans le temps et ne laissent aucun répit aux communes sinistrées, à leurs élus et administrés. Le réchauffement climatique est une réalité et doit amener à agir en amont pour prévenir autant que faire ce peut ces évènements naturels. La taxe dite Gemapi, que le bloc communal peut lever, permettra de réaliser des investissements d'endiguements des risques mais ne peut être considérée comme un fonds d'urgence. Si le fonds de solidarité pour les collectivités, les subventions d'équipement pour réparation des dégâts, et des fonds d'urgence divers existent, ils demeurent insuffisants et ne permettent pas de répondre en urgence à une situation de crise. S'ajoute à cet argument budgétaire une désorganisation de la gouvernance et des responsabilités débouchant le plus souvent sur des actions de solidarité - mais néanmoins hors compétence - d'élus et d'administrés, parfois au péril de leur vie, aux côtés et parfois même en lieu et place des autorités supposées compétentes. Impuissantes ou peu à même d'endosser la gestion de telles crises, les petites communes sinistrées accompagnées a minima par services de l'État, de secours et de protection des populations civiles, peuvent parfois rester plusieurs mois sans solution. Il souhaite connaître sa position sur l'opportunité de créer un fonds d'urgence permanent dédié à cette problématique à l'occasion de la loi de finances pour 2019, et de redéfinir les responsabilités des acteurs centraux, déconcentrés et locaux dans la gestion de crise résultant de catastrophes naturelles. Il l'interroge sur la pertinence de confier à une agence ou à une autorité de son ministère, à l'instar de la FEMA (Agence fédérale des situations d'urgence) rattachée au département de la sécurité intérieure des États-Unis d'Amérique, l'exercice de cette compétence ainsi que les modalités de gestion des financements et actions en résultant.

Texte de la réponse

RESPONSABILITÉS DES ACTEURS PUBLICS EN CAS DE CATASTROPHES NATURELLES


M. le président. La parole est à M. Bruno Millienne, pour exposer sa question, n°  242, relative à la responsabilité des acteurs publics en cas de catastrophes naturelles.

M. Bruno Millienne. Madame la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur, la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, puis la loi relative à l'exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la GEMAPI – gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations –, qui l'a complétée et corrigée en assouplissant les modalités de délégation de cette compétence, ont permis de combler les lacunes dont souffrait la stratégie de prévention des risques d'inondation. Pour autant, ces deux lois n'avaient pas pour objet de poser la question des responsabilités de la gestion et du financement des opérations d'urgence effectuées pendant et au lendemain d'une calamité naturelle.

L'affirmation de la compétence GEMAPI vient rompre avec une situation où la prévention des inondations était une compétence émiettée et facultative. Or, au-delà de la prévention et de la protection face aux risques d'inondations, se pose concrètement, sur le terrain, la question de la gestion des situations de crise. Les derniers épisodes climatiques, qui ont entraîné des crues aux conséquences parfois dévastatrices, ont en effet vocation à se reproduire de plus en plus fréquemment.

Le réchauffement climatique est une réalité qui doit nous amener à agir en amont en vue de prévenir ces événements naturels. À cet égard, la taxe dite GEMAPI, que le bloc communal peut lever, permettra de réaliser des investissements tels que la construction de digues, son produit ne peut être comparé à un fonds d'urgence.

Certes, différents fonds et aides existent, mais ils demeurent insuffisants et ne permettent pas de répondre dans l'urgence à une situation de crise. S'ajoute à cet argument budgétaire le constat d'une désorganisation de la gouvernance et des responsabilités. Impuissantes ou peu à même d'endosser la gestion de telles crises, les petites communes sinistrées peuvent en effet parfois rester plusieurs mois sans solution.

Que pensez-vous, madame la ministre, de l'opportunité de créer, à l'occasion de l'examen du prochain projet de loi de finances, un fonds d'urgence permanent dédié à cette problématique ? Ne vous semble-t-il pas, en outre, nécessaire de redéfinir les responsabilités des acteurs centraux, déconcentrés et locaux dans la gestion de crises résultant de catastrophes naturelles ? Enfin, jugez-vous pertinent de confier l'exercice de cette compétence et les modalités de gestion des financements et des actions y afférent à une agence ou à une autorité du ministère de l'intérieur, sur le modèle de la FEMA – la Federal Emergency Management Agency – aux États-Unis ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, vous soulignez, face aux risques d'inondation, le caractère positif des volets prévention et protection prévus par la compétence GEMAPI, tout en émettant des réserves quant à l'efficacité, dans notre pays, des dispositifs de réponse d'urgence aux situations de crise.

De nombreux dispositifs ont vocation à répondre à cette nécessité. Les services de l'État, à l'occasion du retour d'expérience organisé à l'issue de chaque crise significative, travaillent en permanence à améliorer l'efficacité de leur réponse.

Les dispositifs ne sont en effet pas concentrés au sein d'un fonds d'urgence unique, dont le Gouvernement ne juge pas la création souhaitable, du point de vue de l'efficacité de la réponse à apporter aux sinistrés comme de la bonne gestion budgétaire.

En matière de gouvernance, l'expérience montre que le système actuellement organisé par la loi, éprouvé, fondé sur la subsidiarité des moyens, permet une réponse immédiate, de proximité, proportionnée aux événements : il ne nous apparaît donc pas opportun de le modifier. Articulé entre le maire, le préfet de département et le préfet de zone, il prévoit, dans la chaîne de responsabilités, une place et un rôle bien définis à chaque acteur identifié.

La concertation organisée entre les acteurs nationaux et locaux a en outre permis, notamment au cours de la période récente, d'améliorer significativement les outils dont nous disposons. Le dispositif a ainsi été réformé en 2016 en vue d'en renforcer l'efficacité, la réactivité et la lisibilité. Les deux fonds destinés au financement des mêmes besoins ont été fusionnés. La dotation de solidarité bénéficie désormais d'une ouverture de crédits – de 40 millions d'euros en 2018 – qui permet un soutien rapide de l'État. Dans les cas les plus graves, il est même possible d'ouvrir une avance aux collectivités.

Pour les biens assurables des collectivités locales et des particuliers, la France dispose, depuis la loi du 13 juillet 1982, d'un régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles conjuguant, en une sorte de partenariat public-privé, solidarité nationale et assurance.

Enfin, lors de catastrophes naturelles d'ampleur, les plus démunis ont accès à un fonds d'aide au relogement d'urgence ainsi qu'à un fonds de secours d'extrême urgence qui été activé à la suite du cyclone Irma et, plus récemment, dans la commune de Villeneuve-Saint-Georges.

Je rappelle par ailleurs que le Gouvernement a la volonté de simplifier les procédures. Ainsi, le ministère de l'intérieur s'est engagé à améliorer les délais d'instruction des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. À titre d'exemple, la dématérialisation complète de la procédure est – grâce à l'application iCatNat, dont le déploiement est en cours depuis le début de l'année – en voie d'achèvement. Les services de l'État et les communes disposeront ainsi d'un outil opérationnel de suivi de l'instruction des dossiers.

Cette application permettra à la fois de simplifier et d'accélérer encore l'instruction des dossiers, grâce à une transmission instantanée des demandes instruites aux niveaux communal, départemental et ministériel.