Question de : M. Nicolas Dupont-Aignan (Ile-de-France - Non inscrit)
M. Nicolas Dupont-Aignan appelle l'attention de Mme la ministre de la transition écologique et solidaire sur le droit de retrait exercé le 18 octobre 2019 par de nombreux personnels de la SNCF mobilisés par plusieurs syndicats et perturbant profondément le service public de transport ferroviaire, aussi bien pour les usagers du quotidien que pour les vacanciers de la Toussaint. Ce mouvement social inopiné a provoqué une grande colère parmi les citoyens, empêchés de se déplacer sans avoir pu s'organiser en amont alors qu'ils sont déjà exaspérés par des conditions de transport au quotidien indignes d'un grand pays comme la France ; conditions qui ne cessent de se dégrader malgré le coût grandissant des billets. Néanmoins, la colère des Françaises et des Français ne les a pas empêchés de comprendre les raisons légitimes de ce droit de retrait, à savoir des conditions de sécurité dégradées au sein de la SNCF. Alors que les citoyens n'éprouvaient aucune inquiétude quant à la sécurité du réseau ferroviaire français, les tragédies de Brétigny et du test LGV près Strasbourg, la multiplication des accidents graves et la publication de rapports alarmants sur l'état des voies et des matériels, ont profondément dégradé la confiance envers la sécurité des trains en France. Cette défiance est d'autant plus forte que l'absence systématique de sanctions envers les responsables, en particulier les cadres dirigeants, est à la fois intolérable et injustifiable. M. Pépy, dont les mandats successifs auront été marqués par les accidents évoqués, va finir sa carrière sans jamais avoir dû rendre de comptes sérieux à la Nation. Autrement dit, les citoyens comprennent très bien que l'inquiétude et la colère des personnels de la SNCF quant à leur sécurité, sont justifiés et visent à défendre l'intérêt général. Néanmoins, ils ne supportent plus les mouvements sociaux qui perturbent le trafic, empêchent tout un chacun de travailler, d'aller chercher ses enfants, engendrant de lourdes pertes financières, des difficultés familiales et un stress permanent. Pour éviter ces graves perturbations, des associations d'usagers comme La fédération des usagers des transports et des services publics (FUT-SP), présidée par M. Jean-Claude Delarue, et des syndicats suggèrent ainsi de légaliser la « grève par la gratuité ». Cette disposition permettrait d'offrir aux personnels de la SNCF et d'autres services publics un nouveau moyen d'exercer leur droit constitutionnel et citoyen à la mobilisation sociale tout en assurant la pérennité du service public, en l'occurrence la bonne circulation des trains. La « grève par la gratuité » autoriserait les personnels de la SNCF, de la RATP ou de tout autre service de transport à travailler tout en n'effectuant pas les opérations de contrôle. Ce mode de grève inédit pourrait naturellement être encadré pour éviter les abus éventuels après avoir fait les études d'impact idoines et mené une concertation rapide avec les partenaires sociaux et les associations d'usagers. Contrairement à un lieu commun, la grève par la gratuité aurait un coût final bien moindre pour la SNCF et surtout pour la collectivité que les grèves traditionnelles qui dégradent fortement ou paralysent les transports. En effet, la paralysie des transports publics, en particulier en Île-de-France, entraîne des millions d'heures de travail perdues dans tous les secteurs d'activités, une dégradation de l'image de l'attractivité économique et touristique de la France, des surcoûts considérables pour les familles pour garder les enfants, se déplacer. Ainsi, la légalisation de « la grève par la gratuité » serait une grande avancée sociale et économique pour le pays tout en soulageant les usagers des transports de l'enfer des mouvements sociaux. La grève des urgences donne d'ailleurs une bonne illustration qu'il est possible de faire connaître aux Français des revendications pour faire pression sur le gouvernement tout en assurant la qualité du service public. Aussi, il lui demande si le Gouvernement est prêt à envisager enfin de légaliser « la grève par la gratuité », proposition consensuelle qui permettrait d'éviter, à l'avenir, l'exaspération des usagers et le pourrissement des mouvements sociaux.
Réponse publiée le 14 décembre 2021
Le Gouvernement n'envisage pas d'introduire le droit de « grève par la gratuité » dans les transports terrestres réguliers de voyageurs qui bénéficient déjà d'un régime spécifique créé par la loi n° 2007-1224 qui s'est efforcée de concilier deux principes constitutionnels (le droit de grève et la continuité du service public), en instaurant un dispositif visant à généraliser les procédures de dialogue social et de prévention des conflits, à organiser les services de transports terrestres en cas de grève ou de perturbations prévisibles du trafic ainsi qu'à garantir aux usagers le droit à une information de qualité sur les services assurés. La « grève par la gratuité » bouleverserait profondément l'exercice du droit de grève. Tout mouvement de grève se caractérise en effet par la cessation concertée du travail en vue d'obtenir la satisfaction de demandes professionnelles. En l'espèce, les salariés exerçant ce type de grève n'arrêteraient pas le travail. La « grève par la gratuité » ne pourrait être considérée comme une grève sans qu'un arrêt du travail total soit constaté. La « grève par la gratuité » engendrerait aussi une différence de traitement entre salariés grévistes et salariés non-grévistes, ce qui poserait un souci d'équité. En effet, il paraît difficilement envisageable que les salariés grévistes et non-grévistes soient présents sur leur poste de travail en assurant dans la majorité des cas la totalité de leurs missions alors que seuls les salariés non-grévistes percevront une rémunération. En outre, dans le cas où l'exécution du contrat de travail ne serait pas remplie par les grévistes, par exemple des agents de contrôle en gare ou à bord laissant des usagers prendre les transports sans titre valide, la présence même de ces agents grévistes aux côtés d'agents non-grévistes rendrait la situation délicate. Enfin, la gratuité risquerait d'entraîner une affluence de voyageurs difficilement maîtrisable par les entreprises de transport avec des impacts potentiels sur la sécurité.
Auteur : M. Nicolas Dupont-Aignan (Ile-de-France - Non inscrit)
Type de question : Question écrite
Rubrique : Transports ferroviaires
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Transports
Dates :
Question publiée le 5 novembre 2019
Réponse publiée le 14 décembre 2021