Question au Gouvernement n° 2434 :
intervention de la France au Mali

15e Législature

Question de : M. Bastien Lachaud
Seine-Saint-Denis (6e circonscription) - La France insoumise

Question posée en séance, et publiée le 27 novembre 2019


INTERVENTION DE LA FRANCE AU MALI

M. le président. La parole est à M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Monsieur le Premier ministre, la disparition de treize de nos soldats au Mali nous bouleverse. Premier à m'exprimer, je veux le dire en notre nom à tous, la nation tout entière rend hommage à leur engagement, salue leur mémoire et assure leurs familles et leurs camarades de sa reconnaissance et de son affection. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.)

Cette terrible nouvelle met en lumière un conflit au sujet duquel nos alertes sont restées sans réponse. Dès février 2018, nous avons demandé un bilan géostratégique de notre action militaire au Mali. En vain.

Aujourd'hui, le pays tout entier s'interroge sur les objectifs poursuivis et la stratégie adoptée. Le mot « terrorisme » a recouvert trop de réalités diverses et notre ennemi n'a pas été clairement identifié : trafiquants, séparatistes, miliciens, djihadistes ne peuvent pas faire l'objet du même traitement.

Nos armées remportent des victoires tactiques, mais la crise s'étend. Le G5 Sahel devait apporter une solution. Constatant son échec, vous comptez désormais sur les forces spéciales européennes.

Or, la crise est politique. La force ne peut la résoudre : l’État est failli ; la démocratie est en panne ; le peuple est l'angle mort de toutes les réflexions ; les services publics fondamentaux n'existent plus ; des puissances étrangères en profitent, comme l'Arabie Saoudite qui gagne en influence en ouvrant des écoles coraniques.

Pendant ce temps, la France a dépensé 3,5 milliards d'euros en six ans d'opérations militaires. Pourtant, la population qui avait accueilli nos soldats avec des effusions, semble aujourd'hui ne plus vouloir notre présence.

Dans ces conditions, monsieur le Premier ministre, il est impératif de fixer un cap à l'action et de préciser votre stratégie ainsi que les voies et moyens que vous comptez employer pour parvenir au retrait de nos forces du Mali. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Au Mali, la France livre un combat, un combat rude, un combat contre des hommes et des bandes qui cherchent à déstabiliser les États de la région et à s'organiser pour pouvoir ensuite nous déstabiliser à notre tour.

La France se bat au Mali depuis que le précédent Président de la République a choisi – et il a bien fait – d'apporter le secours de la France à un État qui était menacé de déstabilisation par l'avancée d'une colonne en direction de la capitale. La France se bat, dans le cadre de l'opération Serval puis de l'opération Barkhane, contre le terrorisme, contre des mouvements djihadistes, contre tous ceux qui cherchent à imposer leur loi, à déstabiliser des États partenaires et à s'emparer de zones dont nous savons d'expérience que si elles deviennent des zones de non-droit, elles menacent notre sécurité sur notre territoire.

Mais, lorsque je dis que la France se bat, j'utilise une figure de style car ce sont des hommes et de femmes qui se battent ; ce sont des officiers, des sous-officiers, des soldats qui savent ce que sont la guerre et le combat ; ils se sont tous engagés pour servir leur pays, conscients des dangers et des risques qu'ils prenaient pour eux-mêmes mais aussi de la charge qui reposait sur leurs épaules pour la défense de la nation.

Très souvent, lorsque nous les employons, les termes d'« engagement » et de « défense de la nation » ont un caractère un peu théorique. Un jour comme aujourd'hui, ils sont tout sauf théoriques car treize hommes sont morts, dans une opération de combat – Mme la ministre des armées aura l'occasion, en réponse aux questions qui seront posées au cours de cette séance, d'en dire plus sur les circonstances de ces morts.

Pour l'heure, je veux dire aux familles des treize soldats français, à leurs compagnons d'armes servant dans des régiments qui inlassablement défendent la France dans des opérations extérieures, ainsi qu'à leurs amis qui tremblent parfois de les savoir si loin, la reconnaissance du Gouvernement, la très grande sympathie et l'immense tristesse que nous partageons tous aujourd'hui.

Au fond, il y a peu de mots, et ils sont toujours un peu maladroits - les miens le seront probablement aussi - pour dire la reconnaissance d'une nation, dans laquelle, grâce à l'engagement d'hommes et de femmes, on peut débattre, ne pas s'entendre, être en désaccord, mais vivre sans être sous la pression d'une déstabilisation étrangère ou d'un ennemi. C'est un immense privilège que nous vivons tous. Nous ne le vivons pas simplement grâce à la force de nos institutions, ni aux immenses qualités de ceux qui représentent la nation et participent au gouvernement, nous le devons à des hommes qui s'engagent, qui se battent. Nous leur devons la reconnaissance, avec, je veux le dire, une admiration, que nous partageons tous, j'en suis sûr, et qui est infinie. (Applaudissements sur tous les bancs.)

L'utilisation des forces armées est toujours politique, toujours. Elle doit répondre à des objectifs qui sont fixés par le pouvoir politique et correspondre aux intérêts de la France qui sont définis par les gouvernements et par le Président de la République, bien entendu, parce que c'est le sens d'une démocratie et de nos institutions.

Ces objectifs politiques ont été affirmés et réaffirmés : éviter la déstabilisation d'États partenaires et amis ; avec le concours de nombreux partenaires européens et des États de la région, faire en sorte d'obtenir la stabilité et la sécurité pour garantir le développement. C'est un très long combat dont la dimension militaire n'est qu'un aspect, nous le savons très bien. Je dirai même que la dimension militaire ne permet pas seule d'obtenir la victoire définitive, mais elle est indispensable. Sans une présence militaire, sans une capacité à affronter l'ennemi, à perturber ses routes, ses caches d'armes, et ses regroupements, nous ne pouvons pas garantir le travail, par ailleurs indispensable, de stabilisation politique et de développement économique.

Tel est l'objectif politique qui a été assigné par le Président de la République, en bonne intelligence avec les États concernés et l'ensemble des États de la région dans le cadre d'opérations qui relèvent aussi bien de partenariats bilatéraux de la France que d'une coopération régionale, ou qui sont menées sous le contrôle des Nations unies. Tel est l'objectif de notre pays. Tel est son intérêt, monsieur le député, je le dis comme je le pense. Telle est la raison pour laquelle des Françaises et des Français se battent dans cette région. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR, MODEM, SOC, UDI-Agir, LT ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR et parmi les députés non-inscrits.)

Données clés

Auteur : M. Bastien Lachaud

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 novembre 2019

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