réforme des retraites
Question de :
M. François Ruffin
Somme (1re circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 4 décembre 2019
RÉFORME DES RETRAITES
M. le président. La parole est à M. François Ruffin.
M. François Ruffin. « Une réforme juste » : c'est ce que promettait Emmanuel Macron.
M. Pierre Cordier. Ton copain !
M. François Ruffin. Noble intention. Je l'avoue, je me méfiais. Ce président qui parle de justice est un peu comme le loup qui, à l'entrée de la bergerie, trempe sa patte noire dans le sac de farine ; comme le loup qui avale du miel pour se faire une voix douce – « justice, justice » – pour mieux croquer les petits chevreaux. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) En effet, nous ne sommes pas déçus : où est la justice ? Je passe sur l'âge pivot à 64 ans ; je passe sur le smicard qui perdra 20 % de sa pension. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président. S'il vous plaît !
M. François Ruffin. Pour la fonctionnaire, moins 15 % ; pour le salarié du privé, moins 23 % ! Et j'en passe encore.
J'en viens à votre règle d'or : le budget des retraites sera plafonné à 14 % du PIB. Qu'importe si, demain, le pays compte un, deux ou trois millions de retraités en plus ! Ils se débrouilleront, ils se partageront les miettes – c'est du bon sens, selon vous. Pourtant, depuis les années 1980, la part des dividendes dans le PIB a triplé. Trois fois plus ! Les revenus des actionnaires, quand allez-vous les plafonner ? Les salaires des PDG, qui ont grimpé de 14 % en un an, quand allez-vous les plafonner ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.) Même notre collègue centriste Patrick Mignola le disait ici : la rémunération du capital augmente sept fois plus vite que celle du travail ! Quand allez-vous la plafonner ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
M. Patrick Mignola. C'est bien la première fois que nous sommes d'accord !
M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire aux retraites.
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites. Lorsque le Président de la République et le Premier ministre m'ont demandé de réfléchir à un système universel de retraite, ma détermination, comme celle du Président, a été de trouver une solution équitable et juste.
M. Pierre Cordier. Cela fait des années que vous réfléchissez !
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire. Je me suis donc rapproché de certains auteurs dont je vous crois proche, et j'ai relu la page 62 d'un ouvrage écrit par quelqu'un que vous connaissez bien : Thomas Piketty. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Sébastien Jumel. L'arnaque !
M. Jean-Marie Sermier. On a le temps de ne rien faire quand on est haut-commissaire…
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire. Il y est écrit la chose suivante : « Quel est le “bon niveau de plafond pour un système de retraite ? Il n’existe pas de réponse évidente […]. Il nous semble toutefois qu'un plafond de l'ordre de deux fois le [plafond de la sécurité sociale] […] ou au maximum de l'ordre de trois fois le PSS […] serait raisonnable. » C'est exactement la solution que j'ai proposée. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Ensuite, page 65, il est indiqué que « le fait de traiter toutes les années de cotisation de la même façon [pour le privé comme pour le public] tend à avantager les carrières salariales modestes, et donc va dans le bon sens en termes de redistribution ». (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Erwan Balanant. Eh voilà !
M. Éric Ciotti. On sait ce que cela veut dire !
M. Pierre Cordier. Qu'est-ce qu'il décide, Karl Marx ?
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire. Aujourd'hui, fort de ces conseils que je me suis employé à présenter au Président de la République et au Premier ministre, nous considérons que le système proposé est redistributif, juste et favorable aux travailleurs précaires ou pauvres et aux femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. François Ruffin.
M. François Ruffin. Vous ne répondez pas ! Les revenus financiers battent des records : près de 300 milliards d'euros cette année. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président. S'il vous plaît !
M. François Ruffin. Plus, toujours plus de richesse captée, et vous n'y touchez pas ! Vous allez gratter 20 % sur la retraite du smicard mais vous ne touchez pas aux 300 milliards des financiers. Touchez pas au grisbi ! La voilà, l'injustice majeure, l'injustice flagrante. Elle n'est pas entre les cheminots et les métallos ou entre les jeunes et les vieux, mais entre l'argent et les gens, entre les firmes et les hommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. M. Sébastien Jumel applaudit également.) Oui, je nourris le vœu et l'espérance que cet hiver soit notre nouveau printemps – un printemps de justice – et que l'on touche aux revenus dont vous ne voulez pas parler : les revenus du capital. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire.
M. Pierre Cordier. Cette fois, il va peut-être nous lire du Karl Marx !
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire. Monsieur le député, le dernier rapport du Conseil d'orientation des retraites indique que, d'ici à 2050, la redistribution de 13,8 % du PIB garantit et l'augmentation des pensions et l'absorption du nombre de retraités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Auteur : M. François Ruffin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Retraites : généralités
Ministère interrogé : Numérique
Ministère répondant : Numérique
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 décembre 2019