La situation en Bolivie suite à la prise illégale du pouvoir
Question de :
M. André Chassaigne
Puy-de-Dôme (5e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. André Chassaigne interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation en Bolivie suite à la prise illégale du pouvoir et appelle à la responsabilité la France et l'Union européenne. Chaque jour, de nouvelles informations parviennent sur la dégradation de la situation en Bolivie, la multiplication des violences et la répression féroce à l'encontre des membres, élus et soutiens du Movimiento Al Socialismo (MAS), parti d'Evo Morales et de son vice-président Álvaro García Linera, contraints à la démission le 10 novembre 2019. Plusieurs morts civils sont déjà à déplorer, notamment à Cochabamba et El Alto. La présidente autoproclamée, Jeanine Añez, appuie désormais une véritable « chasse » aux boliviens indigènes qui se sont mobilisés face à sa prise de pouvoir illégale. Les agressions se multiplient contre des ministres et leurs proches, et contre des responsables et élus du MAS pour les forcer à démissionner. Les députés et sénateurs du MAS sont accusés de « sédition », et menacés d'exclusion sans aucun fondement constitutionnel. D'autre part, il est désormais avéré que les accusations de fraudes électorales, avancées lors du scrutin présidentiel ne portent que sur un nombre minime d'urnes, l'Organisation des États américains (OEA) les qualifiant « d'irrégularités ». Elles ne pouvaient manifestement que modifier le résultat à la marge. Les conditions de la prise illégale du pouvoir par Jeanine Añez apparaissent ainsi de plus en plus comme une stratégie appuyée en particulier par les États-Unis, et accompagnée de soutiens financiers aux militaires et chefs policiers. Depuis plusieurs jours, les députés du MAS, majoritaires à l'Assemblée plurinationale comme au Sénat, attendent le tiers restant des parlementaires pour accepter ou non la démission du président Evo Morales et décider d'un calendrier en vue de nouvelles élections. La droite ne se présente pas, exigeant de la majorité du MAS qu'elle accepte la nouvelle prise de pouvoir. Devant la résistance des élus et les mobilisations populaires, le régime menace d'instaurer l'état de siège et de dissoudre le Parlement. Le représentant de l'Union européenne et plusieurs ambassadeurs occidentaux multiplient les réunions avec le régime autoproclamé et les élus du MAS pour tenter de trouver un compromis, sans que soit connu le but précis de leurs interventions : participer et aider au rétablissement de l'État de droit, ou faire pression sur les élus majoritaires pour qu'ils se soumettent ? Aussi, il lui demande d'informer immédiatement l'ensemble de la représentation nationale, sur le sens réel, le contenu et les démarches effectuées ou entreprises par la France et l'Union européenne en Bolivie. Il rappelle que la responsabilité et la crédibilité démocratiques françaises sont en jeu, alors que l'Union européenne a pris la lourde responsabilité de reconnaître un régime autoproclamé rejeté largement par le peuple et la majorité de ses élus. Il lui demande également comment il compte appuyer l'action de l'ONU dans cette situation.
Réponse publiée le 11 février 2020
La France a suivi avec préoccupation les récents événements en Bolivie. Il paraît nécessaire de préciser que ces événements se sont déroulés dans un contexte tendu et ce, depuis la défaite d'Evo Morales en 2016 au référendum qu'il avait convoqué pour lui permettre de postuler une troisième fois à l'élection présidentielle. Face aux troubles qui ont éclaté dans tout le pays à l'issue du premier tour de l'élection présidentielle du 20 octobre 2019, le gouvernement bolivien a invité l'Organisation des Etats américains (OEA) à effectuer un audit des résultats contestés, en s'engageant à en accepter les conclusions. Cet audit a mis en évidence de sérieuses irrégularités, qui affectaient la crédibilité de résultats qui n'attribuaient au président sortant qu'une très faible avance lui permettant d'être réélu dès le premier tour. La démission du président Evo Morales, dont la France a pris acte, puis la proclamation d'un gouvernement de transition le 12 novembre 2019 ont ouvert une période d'incertitude. La France a soutenu l'appel de l'Union européenne en faveur d'une solution institutionnelle permettant l'organisation rapide de nouvelles élections, libres, transparentes et inclusives, en appelant toutes les parties à œuvrer en faveur d'une réconciliation pacifique, en évitant la violence et les représailles politiques, d'où qu'elles viennent. Un climat apaisé était nécessaire pour résoudre pacifiquement cette crise, dans un cadre démocratique et dans le respect des droits de tous les citoyens boliviens, sans distinction d'origine ou d'orientation politique. Cela a toujours été la position de la France, comme l'a affirmé Amélie de Montchalin, Secrétaire d'Etat chargée des affaires européennes, devant l'Assemblée nationale. La France a accueilli avec satisfaction la convocation d'un nouveau scrutin qui devrait se dérouler le 3 mai 2020, ainsi que le renouvellement des membres du tribunal suprême électoral dans le cadre des procédures en vigueur. Ces progrès notables ont été rendus possibles par le consensus trouvé au Parlement entre les partis qui y sont représentés, dont le "Mouvement vers le socialisme" de l'ancien président Morales. La délégation de l'Union européenne à La Paz, ainsi que notre compatriote Jean Arnault mandaté par le Secrétaire général des Nations unies, ont eu un rôle essentiel de médiation dans ce processus. Il s'agit désormais de rester vigilant pour que ce nouveau processus électoral se déroule selon les règles établies, et qu'il soit à la fois pluriel et crédible. Dans cette optique, la France plaide en faveur de l'envoi d'une mission d'observation électorale de l'Union européenne. Le respect du cadre constitutionnel et des institutions démocratiques constitue en effet la seule option envisageable pour que le pays retrouve la stabilité et le progrès économique et social.
Auteur : M. André Chassaigne
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 26 novembre 2019
Réponse publiée le 11 février 2020