Question au Gouvernement n° 249 :
lutte contre l'évasion fiscale

15e Législature

Question de : M. Adrien Quatennens
Nord (1re circonscription) - La France insoumise

Question posée en séance, et publiée le 8 novembre 2017


LUTTE CONTRE L'ÉVASION FISCALE

M. le président. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour le groupe La France insoumise.

M. Adrien Quatennens. Monsieur le président, ma question s'adresse à Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances.

L'impôt est le prix à payer pour une société civilisée. Par la révélation du scandale des « Paradise papers », le consortium international des journalistes d'investigation nous rappelle qu'à la société civilisée, les puissants préfèrent la sauvagerie. Ce scandale fait suite à de nombreux autres, chacun apportant son lot de détails, toujours plus ahurissants, sur l'inventivité sans borne des multinationales et des grandes fortunes pour se soustraire à l'impôt.

L'évasion et la fraude fiscale sont de véritables fléaux qui minent la cohésion sociale, favorisent l'accroissement des inégalités, renforcent les injustices et, en définitive, menacent notre démocratie. Les sérieux travaux du sénateur Éric Bocquet ont chiffré à 80 milliards d'euros le coût pour la France de la fraude fiscale. C'est quinze fois plus que ce que votre gouvernement s'apprête à piquer aux bénéficiaires des aides personnalisées au logement – APL – ; c'est presque autant que les budgets de l'éducation nationale et de la défense réunis ; c'est deux fois plus que ce que nous coûte la dette chaque année.

Nous observons, cependant, que votre volontarisme en matière budgétaire est à géométrie variable. Parce que vous avez sciemment balayé d'un revers de la main nos nombreux amendements sur le sujet, l'actualité nous oblige à vous poser la question suivante : monsieur le ministre, n'est-il pas temps ? N'est-il pas temps de mettre fin au verrou de Bercy, question sur laquelle tous les groupes, sauf celui de la majorité, étaient tombés d'accord en juillet dernier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs des groupes GDR et NG.)

N'est-il pas temps d'instaurer l'imposition universelle, sur le modèle de celle mise en place par les États-Unis d'Amérique ? (Exclamations sur les bancs du groupe REM.) N'est-il pas temps d'interdire aux établissements bancaires d'exercer dans les paradis fiscaux, comme cela fut fait en 2002 pour l'île de Nauru par le gouvernement Jospin ? N'est-il pas temps de procéder à l'interdiction d'occuper un mandat social pour les dirigeants dont les sociétés ont exercé dans ces paradis fiscaux ? Enfin, n'est-il pas temps d'instaurer un délit d'incitation à la fraude fiscale ? En effet, si les corrompus par l'argent roi doivent être punis, les corrupteurs doivent l'être aussi. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'action et des comptes publics.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le député, je suis surpris que votre groupe cite les États-Unis comme modèle de société. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM. - Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

Mais, vous avez raison, ceux qui fraudent ne méritent pas le respect : ils sont des fraudeurs, des délinquants financiers, et doivent être sanctionnés. Et cette majorité proposera des sanctions qui n'ont jamais eu d'équivalent dans le droit français. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

M. Jean-Paul Lecoq. Il faut mettre les moyens, alors !

M. Gérald Darmanin, ministre. Permettez-moi de souligner que c'est ce gouvernement qui mettra fin au Service de traitement des déclarations rectificatives – STDR –, à la fin de cette année. Celui-ci a peut-être permis, au début du quinquennat précédent, de régulariser des situations que l'histoire expliquait, mais une durée de quatre ans et demi, c'est trop long. Il sera fermé et l'intégralitéde ses moyens sera mise au service de la lutte contre l'évasion fiscale.

Enfin, s'agissant du verrou de Bercy,…

M. Alexis Corbière. C'était la question !

M. Gérald Darmanin, ministre. …il faut laisser travailler la mission d'information au sein de laquelle, je crois, l'ensemble des groupes de l'Assemblée nationale est représenté. S'il y a des propositions d'amélioration du dispositif, le ministre de l'action et des comptes publics que je suis les acceptera bien volontiers.

Mais, monsieur le député, Mme la procureure chargée de cette question à Paris nous met en garde contre les bonnes idées qui peuvent apparaître faciles ou démagogiques, mais qui risquent, en définitive, d'entraver la lutte contre le blanchiment et la fraude fiscale. Aujourd'hui, vous le savez très bien, la justice, indépendamment de ce que peut décider Bercy, peut se saisir de dossiers relatifs à la lutte contre le blanchiment et traduire devant les tribunaux un certain nombre de contribuables effectivement malfaisants. Ne vous inquiétez pas, je suis tout à fait prêt à répondre à l'ensemble de la représentation nationale. La fraude est un acte de délinquance contre la République. Personne ici ne songe à l'expliquer ou à l'accepter. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

Données clés

Auteur : M. Adrien Quatennens

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Impôts et taxes

Ministère interrogé : Action et comptes publics

Ministère répondant : Action et comptes publics

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 novembre 2017

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