15ème législature

Question N° 25034
de M. Luc Carvounas (Socialistes et apparentés - Val-de-Marne )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > agriculture

Titre > Revendications sociales portées par les agriculteurs

Question publiée au JO le : 10/12/2019 page : 10660
Réponse publiée au JO le : 28/01/2020 page : 599

Texte de la question

M. Luc Carvounas interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les revendications portées par les agriculteurs dans le cadre de leurs récentes mobilisations. À l'appel des syndicats, des centaines d'agriculteurs ont convergé vers Paris le 27 novembre 2019 afin de faire entendre leur colère et d'interpeler le Gouvernement sur leurs nombreuses inquiétudes. Ceux-ci pointent notamment du doigt les insuffisances de la loi sur l'agriculture et l'alimentation, pourtant censée rééquilibrer les relations entre producteurs et industriels. En dépit d'une volonté affichée de faire cesser la guerre des prix avec les géants de la distribution, les nouvelles dispositions ne permettraient toujours pas d'assurer un revenu décent aux agriculteurs. Par ailleurs, les producteurs font part de leurs vives inquiétudes quant aux divers accords de libre-échange ratifiés par l'Union européenne ou par la France, comme le CETA. Ces traités pénalisent fortement les agriculteurs qui doivent faire face à des acteurs étrangers aux cahiers des charges, aux réglementations sanitaires et donc aux coûts de production bien moindres. Il l'interroge donc sur les mesures qu'il entend proposer afin de répondre aux revendications des agriculteurs. Il souhaite notamment savoir s'il envisage de garantir aux producteurs un « revenu minimum décent » leur permettant d'assurer leur subsistance.

Texte de la réponse

Les dispositions de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous doivent permettre de faire cesser la destruction de valeur et permettre une meilleure répartition de la valeur ajoutée tout au long de la filière et en particulier pour le producteur. Il revient désormais au producteur ou à son organisation de producteurs de faire une proposition de contrat et donc une proposition de prix ou de formule de prix à son acheteur, qui dans ce cas devra obligatoirement prendre en compte des indicateurs de coûts de production et leur évolution, ainsi que des indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires sur les marchés. La proposition de contrat devient le socle de la négociation et doit être annexée au contrat signé. Toute réserve de l'acheteur sur cette proposition doit être motivée. Il n'est en revanche pas possible de fixer un revenu ou un prix plancher car cela serait contraire au droit de la concurrence et à la liberté contractuelle prévus par le droit européen. En effet, le règlement européen n° 1308/2013 sur l'organisation commune de marché unique précise que tous les éléments des contrats de livraison des produits agricoles doivent être librement négociés entre les parties et que le droit de la concurrence s'applique, sous réserve de stipulation contraire dans le règlement ce qui n'est pas le cas en la matière. Le principe dit de « la cascade », qui permet que tout au long de la chaîne d'approvisionnement les contrats avals indiquent les indicateurs prévus au contrat amont ou, lorsque les indicateurs ne sont pas indiqués dans le contrat amont, les indicateurs des prix des produits agricoles concernés, renforce par ailleurs la responsabilisation tout au long de la filière s'agissant du prix payé à la production agricole. Par ailleurs, le dispositif d'interdiction de cession à un prix abusivement bas a été étendu par ordonnance à l'ensemble des produits agricoles et des denrées alimentaires afin de dissuader les acheteurs d'acquérir des produits à un prix qui ne permet pas à l'amont d'en tirer un revenu équitable, et ce indépendamment des situations de crise conjoncturelle et en tenant compte des indicateurs de coûts de production. Le Gouvernement est particulièrement attentif au respect des dispositions de la loi, dont les dispositifs de contrôle et de sanctions relatifs aux relations contractuelles entre le producteur et son premier acheteur ont été renforcés. Un premier comité de suivi des négociations commerciales a été convoqué le 10 décembre 2019 afin de rappeler l'importance de la répartition de la valeur jusqu'à l'amont. Le Gouvernement a rappelé à cette occasion à chacun ses responsabilités. Enfin, les accords de libre-échange constituent des relais de croissance utiles pour nos filières en leur ouvrant de nouveaux marchés, particulièrement lorsque la consommation européenne tend à baisser. La France est favorable aux accords de libre-échange et au commerce, pour autant que les accords signés soient équilibrés et respectent les filières sensibles. Le Gouvernement a pris des engagements en ce sens dans l'axe 3 de son plan d'action relatif au CETA (AECG, accord économique commercial et global entre la France et le Canada). La France pousse par ailleurs l'Union européenne à avancer sur trois sujets : la réciprocité sanitaire, l'information du consommateur, et le renforcement de la compétitivité et de la durabilité de nos filières agricoles. Elle insiste sur le fait qu'une politique agricole commune répondant à des standards exigeants ne peut se concevoir sans une régulation sociale, environnementale et sanitaire des échanges avec les autres pays.