Question au Gouvernement n° 2514 :
réforme des retraites

15e Législature

Question de : M. Damien Abad
Ain (5e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 18 décembre 2019


RÉFORME DES RETRAITES

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Le droit de grève oui, le droit de bloquer les Français non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Monsieur le Premier ministre, face à la crise sociale actuelle, les Français en ont ras-le-bol ! Ras-le-bol de galérer en permanence pour pouvoir se rendre à leur travail librement ; ras-le-bol de voir chaque jour notre nation se déchirer un peu plus ; ras-le-bol de constater que le service minimum dans les transports est une réalité partout en Europe, sauf en France.

Même si certains syndicats ont une part de responsabilité dans cette crise sociale, vous ne pouvez, en tant que chef du Gouvernement, fuir la vôtre. Votre responsabilité tient d'abord à votre propre attitude, qui a consisté à entretenir le flou et la confusion en brouillant les pistes. C'est l'échec de votre méthode, qui préfère les postures à l'exigence de clarté (M. Philippe Vigier applaudit), les faux-semblants au devoir de vérité, et qui cristallise les angoisses depuis des mois. C'est l’échec d'un haut-commissaire censé incarner la réforme et finalement contraint de démissionner. C'est l’échec de votre double langage, qui condamnera les Français à la double peine : ils n'auront ni la paix sociale immédiate, ni le sauvetage des retraites à long terme.

Votre deuxième responsabilité est celle du calendrier de la réforme. 1993, 2003, 2010 : aucun de vos prédécesseurs n'avait annoncé une réforme des retraites à dix jours des fêtes de Noël. Il s'agit d'un choix particulièrement cynique et destiné à gagner la bataille de l'opinion à tout prix, quitte à sacrifier le chiffre d'affaires des commerçants et le Noël des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. Thibault Bazin. Quel cynisme !

M. Damien Abad. Enfin, votre principale responsabilité est de préparer une réforme injuste et non financée, qui provoquera une baisse généralisée des pensions de retraite.

À en croire vos ministres, qui se succèdent à la tribune médiatique, et vos députés, qui rencontrent en catimini le leader de la CFDT, la reculade n'est pas loin. Allez-vous donc reculer et perdre la face en renonçant encore un peu plus à l'équilibre financier du système de retraites ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Thibault Bazin. Nous demandons une réponse claire : oui ou non ?

M. le président. La moindre des choses est de laisser M. le Premier ministre répondre à votre président de groupe !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Comme vous, monsieur le Président Abad, je sais les conséquences pénibles que la grève qui a été engagée et que les manifestations qui se déroulent aujourd'hui peuvent avoir sur nos compatriotes.

M. Olivier Marleix. Le calendrier, vous l'avez choisi !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Je vois parfaitement les difficultés qu'éprouvent ceux de nos concitoyens qui, pour aller travailler, se lèvent beaucoup plus tôt ; doivent affronter en Île-de-France des bouchons considérables ;…

M. Thibault Bazin. Pas qu'en Île-de-France !

M. Éric Straumann. Sortez de Paris !

M. Luc Carvounas. Répondez à la question !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . …doivent marcher ; doivent accomplir des efforts supplémentaires à ceux qu'ils fournissent dans leur travail. Je souhaite, monsieur Abad, leur rendre hommage.

M. Thibault Bazin. Pas d'hommage, le déblocage !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Car s'il est vrai que le droit de grève et le droit de manifester sont des droits constitutionnels, il est également vrai que le droit de se rendre à son travail, lorsque l'on souhaite travailler, doit être garanti. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Or ce que nous démontrent un très grand nombre – un nombre immense ! – de Françaises et de Français, c'est justement leur attachement à l'idée d'aller travailler. Je souhaite donc leur rendre hommage et je suis certain que sur les bancs de cet hémicycle beaucoup de parlementaires désirent également rendre hommage à celles et ceux qui, en dépit des difficultés, vont travailler. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir – Mmes Laurence Trastour-Isnart et Brigitte Kuster applaudissent également.)

Dans la deuxième partie de votre question, vous évoquez des postures et des faux-semblants. Disons donc les choses clairement : nous voulons réformer le système français de retraite pour le rendre universel, ce qui implique la disparition des régimes spéciaux.

M. Damien Abad. À quelle date ?

M. Éric Straumann. C'est le haut-commissaire qui a disparu !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Êtes-vous contre ? Je ne crois pas, mais si vous l'êtes je vous invite à le dire, car je suis certain que beaucoup de nos concitoyens, et notamment vos électeurs, seront heureux de l'entendre.

Nous voulons créer un système universel de retraite, cela implique la suppression des régimes spéciaux ; cela crée un régime au sein duquel toutes les Françaises et tous les Français contribuent également aux pensions des retraités.

M. Jean-Paul Lecoq. Y compris les policiers et les militaires ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Ce système universel nous permet de créer de nouveaux droits comme, par exemple, le minimum contributif à 1 000 euros pour des Françaises et des Français qui n'y ont jamais eu droit, je pense notamment aux agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.) Je suis certain, monsieur Abad, que vous serez avec nous sur ce point de la réforme, loin des postures et des faux-semblants d'opposition que vous semblez parfois préférer.

Ce système universel nous permettra aussi de baisser l'âge auquel de nombreuses femmes et de nombreux hommes partent à la retraite, c'est-à-dire à 67 ans, afin de ne pas avoir à subir la décote. Je suis sûr, monsieur Abad, que loin des postures et des faux-semblants, sur ce point également, vous serez en accord avec la réforme.

Autrement dit, sur de très nombreux points, vous savez parfaitement que l'instauration de ce régime universel constituera un progrès et ira vers plus de justice sociale.

Et il est vrai que lorsque l'on s'attaque à un tel sujet, lorsque l'on dit qu'on ne va pas seulement modifier à la marge tel ou tel régime de retraite, qu'on ne va pas simplement imposer au régime général de nouvelles obligations sans parler des autres régimes, on se heurte, il est vrai, à un certain nombre d'oppositions.

Mme Laurence Dumont. À l'opposition de tous !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. À des oppositions démocratiques, qui sont parfaitement légitimes ; à des oppositions syndicales, qui sont également parfaitement légitimes.

Mme Laurence Dumont. À l'opposition de tous les syndicats !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Mais nous avons dit clairement quel était notre projet et, sur ce projet, ma détermination, celle du Gouvernement, celle de l'ensemble de la majorité, sont totales. Je le dis avec calme, sur la création de ce régime universel et sur la nécessité de faire prévaloir l'équilibre du futur système et la remise à l'équilibre du système actuel, ma détermination est totale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM – Protestations sur les bancs du groupe LR.)

Données clés

Auteur : M. Damien Abad

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Retraites : généralités

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 décembre 2019

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