Question écrite n° 25152 :
Privatisation du contrôle routier et multiplication des radars mobiles

15e Législature

Question de : M. Bruno Bilde
Pas-de-Calais (12e circonscription) - Non inscrit

M. Bruno Bilde interroge M. le Premier ministre sur le déploiement massif des radars mobiles privatisés dans 7 régions françaises d'ici la fin de l'année 2020. En effet, dans le prolongement des directives du Gouvernement contenues dans le projet de loi de finances, la délégation interministérielle à la sécurité routière a indiqué que 60 véhicules appartenant à des entreprises sélectionnées par l'État pour effectuer le contrôle des usagers de la route, commenceront à circuler en janvier 2020 dans les régions Bretagne, Pays de la Loire et Centre-Val de Loire. À la fin de l'année, les « flasheuses roulantes » privées seront visibles dans les Hauts-de-France, la Nouvelle-Aquitaine, la Bourgogne-Franche-Comté et le Grand-Est. La privatisation totale du contrôle routier embarqué est envisagée à l'horizon 2022 avec le remplacement des forces de l'ordre par 220 véhicules gérés par des sociétés spécialisées et conduits par des chauffeurs privés. Dans la seule région des Hauts-de-France, 34 voitures seront mises en circulation ces prochains mois dont 6 pour l'Aisne, 10 dans le Nord, 7 dans l'Oise, 7 dans le Pas-de-Calais et 4 dans la Somme. Au-delà du désengagement inquiétant des services de l'État, cette « uberisation » des contrôles radars constitue un nouveau coup dur pour les automobilistes et les motards déjà traqués, matraqués et ponctionnés depuis des années par des politiques de répression aveugles et inefficaces. Inévitablement, ce nouveau mode opératoire va entraîner une multiplication des contrôles et donc mécaniquement une augmentation du nombre de verbalisations. L'expérimentation en Normandie a démontré, pour le mois de juillet 2019, que les 27 radars embarqués en service, à raison de 6 heures de circulation quotidiennes, de jour comme de nuit, la semaine comme le week-end ou les jours fériés, représentaient 30 % des heures de contrôle réalisées dans toute la France. Avec cette politique du chiffre, le Gouvernement a décidé d'intensifier le matraquage des conducteurs et de leur livrer une chasse impitoyable qui aura pour conséquence de faire chuter leur pouvoir d'achat sans régler le problème de la mortalité sur les routes de France. Les radars embarqués seront en outre accompagnés par une armée de 1 200 radars tourelles dont le système est homologué pour calculer la vitesse dans les deux sens de circulation et intercepter les franchissements de feux. Dans un futur proche, ces collecteurs d'impôts dernière génération, seront capables de détecter les dépassements par la droite et identifier un automobiliste qui ne porte pas sa ceinture ou utilise son téléphone. Les Français en ont assez d'être harcelés sur les routes, ils ne supportent plus d'être persécutés dès qu'ils prennent le volant, ils ne veulent plus être considérés comme des « vaches à lait » par un État qui, par facilité et lâcheté, préfère leur faire les poches plutôt que de s'attaquer aux véritables causes de la mortalité routière avec des mesures de fermeté et de bon sens. Si les délinquants de la route, la consommation d'alcool ou de stupéfiants au volant et les excès de vitesse importants doivent être réprimés sans faiblesse, 96 % des PV des radars concernent de petits dépassements de vitesse qui ne représentent, pour l'immense majorité d'entre eux, aucun danger. En revanche, la multiplication des petites verbalisations pourrit le quotidien des usagers de la route avec leurs cortèges d'amendes et de pertes de points. Comme les totems de l'étranglement fiscal, les radars ont été pris pour cibles au début du mouvement des « Gilets jaunes » et un grand nombre d'entre eux ont été mis hors service, dégradés ou bâchés. Cette crise a mis en lumière l'escroquerie des radars en matière de sécurité routière au regard de la baisse du nombre de victimes de la route en décembre 2018 au moment où 60 % des radars n'étaient pas en état de fonctionner. De même, malgré l'installation de plus de 4 400 dispositifs de contrôle, la France possède un taux de mortalité (48 morts par million d'habitants) sur les routes bien supérieur à certains de ses voisins européens qui comptent beaucoup moins de machines comme la Suède (1 717 radars pour 32 morts par million d'habitants) ou le Danemark (14 radars pour 30 morts par million d'habitants). En France comme ailleurs, la politique du « tout radar » a démontré son absurdité. Il est grand temps d'arrêter de gaspiller l'argent public pour vider les poches de Français qui n'ont pas d'autre choix que d'utiliser leur véhicule pour aller travailler. Dans la ruralité, un permis de conduire est aussi un permis de travail. D'autres politiques doivent être préconisées pour renforcer la sécurité des usagers de la route et faire reculer la mortalité comme la réfection du réseau, notamment départemental, responsable de 40 % des accidents mortels. À ce titre, il est urgent de décréter un moratoire sur toutes les installations de radars, de limiter le parc existant aux axes particulièrement accidentogènes et de consacrer les 339,5 millions d'euros d'investissements dans les radars prévus dans le cadre de la loi de finances pour 2020 à un grand plan de renouvellement de l'infrastructure routière. La question qui se pose est partagée par des millions de Français : quand va-t-on arrêter d'utiliser la sécurité routière pour remplir les caisses de l'État ? Il lui demande quelle est la position du Gouvernement sur cette question.

Réponse publiée le 23 mars 2021

Il doit être rappelé que seule la conduite des voitures radars fait l'objet d'une mesure d'externalisation. L'opérateur privé, titulaire d'un marché d'externalisation relatif à la conduite des voitures radars n'est donc compétent ni pour paramétrer les radars ni pour choisir les itinéraires qui restent de la compétence exclusive des services de l'État. Il n'y a donc aucun désengagement de l'État. Au 31 décembre 2020, cette mesure d'externalisation de la seule conduite des voitures est effective dans 4 régions métropolitaines : la Normandie, la Bretagne, les Pays de la Loire et le Centre Val de Loire, elle sera étendue, au plus tard à la fin du 1er trimestre 2021 à 4 nouvelles régions : les Hauts de France, la Nouvelle Aquitaine, la Bourgogne-Franche-Comté et le Grand Est. Les titulaires de ces 4 marchés ont été désignés le 19 octobre 2020 à l'issue d'une procédure de mise en concurrence. Les missions de contrôle qui leur seront confiées seront, à la demande des préfets de département, réalisées sur les axes les plus accidentogènes. L'objectif de cette mesure d'externalisation est en effet d'augmenter les heures de contrôle sur ces axes. L'objectif est atteint puisqu'il est observé qu'en moyenne les véhicules radars à conduite externalisée contrôlent 5h30 par jour. Contrairement à certaines craintes exprimées, l'augmentation importante du nombre d'heures de contrôle ne se traduit toutefois pas par une forte hausse des verbalisations. En effet, seuls 10 % des véhicules contrôlés sont en infraction, ce qui témoigne du respect des règles par l'immense majorité de nos concitoyens. En ce qui concerne les radars tourelles, l'urgence a dicté de les implanter en remplacement des radars fixes détruits lors de l'épisode de vandalisme, observé notamment entre novembre 2018 et mars 2019. En effet, 25 % du parc des radars a été détruit durant cette période et cette situation militait pour un remplacement rapide. Aussi, la décision a été prise de reporter à 2021 le déploiement des radars tourelle en mode leurre, à savoir 5 cabines posées mais une seule contenant un radar qui est régulièrement déplacé d'une cabine à l'autre. Contrairement aux inquiétudes, cette multiplication de cabines leurres n'a pas pour but d'augmenter le nombre de radars qui reste stable. De même, les voitures radars à conduite externalisée remplacent, nombre pour nombre, les voitures radars qui étaient conduites par les forces de l'ordre. L'objectif n'est pas d'augmenter le nombre de radars mais de permettre de mieux controler tous les axes accidentogènes. La vitesse reste en effet la principale cause des accidents et elle est aussi un facteur aggravant pour tout accident de la route. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de maintenir un contrôle vigilant des excès de vitesse. En tout état de cause, il doit être rappelé que la décision d'implanter un radar n'est jamais prise pour des considérations d'intérêts financiers mais uniquement pour contribuer à la réduction du nombre de morts et de blessés sur nos routes et en fonction des risques d'accidents dûment constatés.

Données clés

Auteur : M. Bruno Bilde

Type de question : Question écrite

Rubrique : Sécurité routière

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Intérieur

Dates :
Question publiée le 10 décembre 2019
Réponse publiée le 23 mars 2021

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