15ème législature

Question N° 2521
de M. Serge Letchimy (Socialistes et apparentés - Martinique )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Économie et finances

Rubrique > politique extérieure

Titre > Franc CFA

Question publiée au JO le : 18/12/2019
Réponse publiée au JO le : 18/12/2019 page : 12366

Texte de la question

Texte de la réponse

FRANC CFA


M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Au cours des années 1960, la plupart des anciennes colonies africaines de la France ont accédé à l'indépendance. Mais, entre ces nouvelles nations et leur vieille métropole, un poison persiste – celui d'un esprit colonial et de pratiques maintenant domination, contrôle et manipulation.

M. Sébastien Leclerc. Il a raison !

M. Serge Letchimy. La « Françafrique » se porte bien ; de nombreux exemples le prouvent. Arrêtons-nous seulement sur cette fameuse monnaie, dite franc CFA – de la communauté financière africaine –, qui assure, depuis 1945, une stabilité macro-économique à l'Afrique francophone. Elle fut conçue conformément aux intérêts de l'ancienne métropole.

L'équation, mise en évidence par de nombreux économistes africains, est bien connue. Soumis au contrôle de la Banque de France et du ministère de l'économie et des finances, qui imposent le maintien d'une stricte parité avec l'euro, le franc CFA garantit à la France un accès aisé aux matières premières, une libre circulation des capitaux détenus par ses grandes entreprises et un puissant levier, à l'occasion, d'ingérence politique.

Tout cela cependant est rendu possible au prix du dépôt de 50 % des réserves de change auprès de la Banque de France, et d'une surévaluation monétaire qui asphyxie les exportations de ces pays, paralyse la production agricole, assèche le commerce interafricain et compromet en conséquence gravement les chances d'un développement économique autonome de cette partie de l'Afrique, malgré les richesses considérables dont ce continent dispose.

Le maintien de ce qui constitue bien une survivance coloniale va à l'encontre de notre capacité de relever ensemble les défis qui s'annoncent dans les domaines économique, social, environnemental et climatique. Quand comptez-vous y mettre un terme ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.

M. Pierre Cordier. On pourrait peut-être parler de la croissance ?

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. Je ne partage pas votre présentation du franc CFA. Celui-ci recouvre quinze États africains, un nom – franc CFA –, et trois principes : une parité de change fixe avec l'euro, une garantie de fourniture de devises et, effectivement, le dépôt d'une partie des réserves de change des États concernés au Trésor français. Quel intérêt y ont les États africains et qu'y ont-ils gagné ces dernières années ?

Premièrement, le franc CFA leur a apporté l'assurance de pouvoir financer des importations, ce qui pour beaucoup constitue une garantie économique. Deuxièmement, ils sont protégés de l'inflation, au contraire de nombre d'États africains – or vous conviendrez que l'inflation est un impôt sur les pauvres : bénéficier d'une stabilité monétaire qui protège de l'inflation constitue donc un atout.

Je constate que parmi ces quinze États, certains connaissent une croissance forte ; je n'en citerai que deux d'Afrique de l'ouest : la Côte d'Ivoire, où le Président de la République se rendra dans quelques jours, et le Sénégal, avec plus de 6 % de taux de croissance au cours des dix dernières années. On ne peut pas nous prétendre que le franc CFA asphyxie les États africains et constater que deux d'entre eux possèdent des taux de croissance parmi les plus élevés du continent.

Sommes-nous prêts, en accord avec le Président de la République, à engager une évolution en profondeur du franc CFA ? La réponse est oui ! Nous sommes prêts à des évolutions dans tous les domaines : les garanties, les dépôts au Trésor, le nom – nous sommes ouverts à sa transformation en profondeur.

Toutefois, monsieur le député, ce n'est pas à nous d'en décider : c'est aux États africains, et à eux seulement. S'ils font ce choix, le Président de la République et moi-même répondrons favorablement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. C'est parce qu'un vent de colère souffle dans les pays d'Afrique qu'aujourd'hui le franc CFA est remis en cause. Je répète que l'Afrique n'est pas une terre de défaite ; elle est une terre d'espérance ! Selon moi, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes doit être respecté avant toute autre considération. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)