Question de : Mme Alexandra Valetta Ardisson
Alpes-Maritimes (4e circonscription) - La République en Marche

Mme Alexandra Valetta Ardisson interroge Mme la ministre des armées sur les relations sino-russes. La République populaire de Chine est un grand acheteur de systèmes antimissiles antiaériens russes. Le pays a acquis une centaine de dispositifs depuis 2014, ce qui le place en tant que partenaire particulier de Moscou dans le domaine de la défense. Les deux armées conduisent également des exercices en commun (patrouille inédite de quatre avions militaires chinois et russes menée au large de la Corée du Sud et du Japon en juillet 2019, exercice russe Vostok 2018 au cours duquel était invitée la Chine et réunissant 300 000 soldats). Les deux États coopèrent aussi au sein de l'organisation de coopération de Shanghai. Est-ce qu'il s'agit là de signaux d'un partenariat durable entre la Chine et la Russie? Ce rapprochement est-il un enjeu sécuritaire et/ou un sujet d'inquiétudes pour la France et ses partenaires européens? Elle souhaiterait connaître sa position et son analyse à ce sujet.

Réponse publiée le 10 novembre 2020

Depuis plus de quinze ans, la Chine et la Russie ont bâti une relation stratégique solide fondée sur une compréhension mutuelle, un agenda international convergent et une volonté partagée de promouvoir un « monde multipolaire », c'est-à-dire en opposition à la domination perçue de l'Occident. À Moscou en particulier, cette logique de rapports de force se double d'un arrière-plan idéologique : le thème de « l'eurasianisme », censé fonder la spécificité russe, est utilisé par le régime pour justifier la réorientation du pays vers l'Asie et la Chine, présentées comme une alternative à l'Occident. Partiel, marginal culturellement, et surtout déséquilibré économiquement au détriment de la Russie, ce « basculement asiatique » espéré par la Russie possède surtout une valeur en termes de signalement stratégique. Leur coopération dans le domaine militaire a en effet pris une nouvelle ampleur, avec plusieurs ventes d'armes russes à la Chine (les systèmes les plus modernes déployés dans les forces russes : avions Sukhoi-35, missiles antiaérien S-400), et une volonté affichée de mener des exercices militaires conjoints, et à grande échelle. Certains de ces exercices ont d'ailleurs eu lieu aux frontières de l'Europe, comme les exercices navals en Méditerranée orientale, puis en mer Baltique en juillet 2017. Ce rapprochement n'est pas une alliance et n'a sans doute pas vocation à en devenir une, compte tenu de l'asymétrie des situations, de la convergence partielle des intérêts, et des méfiances héritées de l'histoire. Il n'en constitue pas moins un sujet d'attention pour le ministère des armées, car la nouvelle entente entre Moscou et Pékin peut générer des nouveaux défis sécuritaires dans notre environnement immédiat. Ces deux puissances représentent chacune des enjeux sécuritaires spécifiques pour la France et les pays européens. Si elle demeure une menace militaire, la Russie n'est pas un ennemi, et la France cherche à relancer avec elle un processus politique de dialogue stratégique de confiance et de sécurité, avec la volonté de la rapprocher à terme de l'Europe. La Chine, à l'inverse, ne constitue pas une menace militaire pour la France et l'Europe, mais elle représente un défi stratégique majeur, qu'il s'agisse d'influence, de contrainte ou de contestation de l'ordre international fondé sur le droit. À moyen terme, l'extension des activités militaires chinoises à travers l'océan Indien et en Afrique pourrait d'ailleurs devenir un enjeu plus opérationnel pour les armées françaises. La perspective d'une combinaison, ou d'une coordination plus poussée, des ambitions russes et chinoises, constitue donc un défi stratégique majeur capable d'affecter les intérêts français, et de contraindre notre liberté d'action comme celle de nos partenaires. Bien qu'elle ne soit pas encore une source d'inquiétude, cette coopération constitue un enjeu sécuritaire significatif qu'il convient d'appréhender comme tel, au niveau national et européen.    

Données clés

Auteur : Mme Alexandra Valetta Ardisson

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Armées

Ministère répondant : Armées

Dates :
Question publiée le 17 décembre 2019
Réponse publiée le 10 novembre 2020

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