Question écrite n° 25324 :
Le régime autonome de la Caisse nationale des barreaux français

15e Législature

Question de : M. Jean Lassalle
Pyrénées-Atlantiques (4e circonscription) - Non inscrit

M. Jean Lassalle alerte M. le haut-commissaire, auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites sur les graves conséquences des mesures prévues par le Gouvernement dans le cadre de la future réforme des retraites concernant le régime autonome de la CNBF (Caisse nationale des barreaux français). Alors que, après plusieurs mois d'attente des français, le Gouvernement s'apprête à présenter le projet général de cette réforme, le Conseil national des barreaux et les bâtonniers alertent le Gouvernement que les concertations avec leurs représentants ont été tardives et vaines et ils estiment que leur position n'a pas été entendue. En effet, de très nombreuses questions posées au Gouvernement et en particulier au haut-commissaires aux retraites sont restées sans réponses. Quant aux simulations faites sur les différents profils d'avocats et aux précisions sur les conséquences de la disparition de leur régime de retraite, les réponses apportées étaient contradictoires ou extrêmement approximatives. Ainsi, les avocats manifestent leur opposition à cette réforme en ce qui les concernent et ils tiennent à souligner ses effets dévastateurs sur leur régime : spoliation de leurs réserves, augmentation de leurs cotisations, baisse de leur rendement, perte de la solidarité vis-à-vis de leurs confrères aux revenus les plus faibles et surtout, perte de leur autonomie dans la gestion. En effet, alors qu'à l'époque de la création des caisses des indépendants et des professions libérales, elles se sont vues refuser l'intégration au régime universel, aujourd'hui le Gouvernement leur impose ce changement néfaste. Pourtant, ce régime autonome marche parfaitement bien, ne coûte rien au contribuable, est très solide et particulièrement solidaire vis-à-vis de régimes déficitaires, auxquels il verse en moyenne près de 90 millions d'euros par an (102 millions d'euros en 2020). De surcroît, le doublement du taux des cotisations sur l'intégralité de leurs revenus pour la moitié des avocats de France va mettre en péril un grand nombre d'entre eux. Cela va provoquer une explosion de leurs charges alors que ces avocats connaissent déjà des difficultés. Il est essentiel de rappeler l'existence et l'importance des avocats de proximité, qui défendent les plus faibles et qui sont particulièrement fragiles et exposés. Dans ce contexte d'urgence, il lui demande de revoir sa position et de reconsidérer ce projet, enfin de reprendre un dialogue et de tenir compte de la réalité de la profession d'avocat et des acquis de leur régime, afin de rétablir une justice et de restaurer une confiance en l'action de l'État.

Réponse publiée le 10 mars 2020

La Caisse nationale des barreaux français (CNBF) a été créée en 1948 en tant que section professionnelle de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales et est devenue autonome en 1954. Elle gère le régime d'assurance vieillesse de base en annuités, le régime d'assurance vieillesse complémentaire en points et le régime invalidité-décès des avocats dès leur inscription au barreau qu'ils exercent une activité non salariée ou salariée. Les régimes de base et complémentaires de la CNBF sont aujourd'hui excédentaires, mais cela est dû à la situation démographique actuelle de la profession d'avocat et non au mode de gestion de la caisse. En effet, d'après la CNBF, celle-ci compte aujourd'hui 5,1 cotisants pour 1 retraité (droits directs), alors qu'au régime général cette proportion est deux fois plus faible. Ce ratio démographique permet à la CNBF de servir des prestations d'un bon niveau, alors que les taux de cotisation sont parmi les plus faibles des travailleurs indépendants. Toutefois, le rapport démographique des affiliés de la CNBF est amené à décroitre au cours des décennies à venir : déjà sur une pente fortement décroissante (en 2006, 8,9 cotisants pour 1 retraité de droit direct ; en 2015 6 cotisants pour 1 retraité de droit direct), celui devrait atteindre 2,7 cotisants pour 1 retraité en 2040 de droit direct et 1,2 cotisant pour 1 retraité en 2060 de droit direct, d'après les projections de la CNBF. Avec la décroissance de la ration démographique, les excédents des régimes gérés par la CNBF diminueront aussi : d'après les projections de la CNBF, le régime de base serait en déficit en 2043 et ne serait plus en mesure d'honorer le paiement de l'ensemble des prestations en 2057, du fait de l'épuisement des réserves cette année-là. Un jeune avocat qui prête serment aujourd'hui et qui envisage de prendre sa retraite au cours des années 2060 est donc assuré de ne pas pouvoir obtenir des prestations du régime de base aussi généreuses que celles servies aux avocats honoraires aujourd'hui. Pour le régime complémentaire des avocats, la situation est similaire, même si les échéances sont plus lointaines : le régime sera déficitaire à partir de 2059 et ne sera plus en mesure d'honorer l'ensemble de ses engagements en 2086, d'après les projections de la CNBF. Cet horizon plus lointain est le fait des efforts demandés aux jeunes générations d'avocats, pour lesquelles la CNBF a prévu d'augmenter les cotisations et de baisser leur rendement, à horizon 2029. A cette date, un euro cotisé rapportera environ 25 % de droits en moins qu'aujourd'hui. Le régime de retraite de base des avocats participe au mécanisme de la compensation démographique, qui conduit les régimes bénéficiant d'une bonne santé démographique à financer une partie des déficits des régimes souffrant d'une situation démographique dégradée. C'est à ce titre que le régime de base des avocats a versé 96 M€ en 2019, principalement au régime de base des agriculteurs, qui compte plus de retraités que de cotisants. Ce mécanisme, qui est un mécanisme démographique et non un effort de solidarité, est commun à l'ensemble des régimes de retraite de base et n'est donc pas spécifique au régime des avocats. Le Gouvernement a eu de nombreux échanges avec les représentants des avocats au sujet de la réforme des retraites.  Le Gouvernement a pris des engagements clairs sur 3 aspects : le montant des cotisations, le niveau des pensions et le maintien de la CNBF. S'agissant des cotisations, il n'y aura aucun effort de charge imposé par la réforme des retraites jusqu'en 2029. Grâce au changement d'assiette sociale (avec un abattement de 30 %), l'impact du système universel sera d'un maximum de 5,4 points de hausse de cotisation pour les avocats d'ici 2040. Afin d'éviter ces hausses de cotisations pour les avocats les plus vulnérables, le Gouvernement a proposé plusieurs dispositifs possibles : le maintien d'un mécanisme de solidarité interne à la profession (amendement n° 42467 déposé par le Gouvernement) ou l'utilisation d'une partie des réserves de la CNBF. Ce dispositif de solidarité pourra prendre en charge toute a hausse de cotisation pour les avocats dont le revenu est inférieur à 80 000€. S'agissant du niveau des pensions, les projections effectuées et transmises aux représentants des avocats confirment que les avocats percevront une pension supérieure à celles du système actuel de la CNBF :  - de 13 % pour un avocat qui perçoit un revenu de 32 000 euros - de 24 % pour un avocat qui perçoit un revenu de 40 000 euros - de 11 % pour un avocat qui perçoit un revenu de 80 000 euros. Enfin, le Gouvernement s'est engagé à ce que les avocats conservent une caisse qui restera l'interlocuteur unique de la profession. La CNBF pourra gérer l'ensemble des dossiers de retraites de l'ensemble des avocats. Elle continuera de gérer l'ensemble des réserves financières qui resteront toujours sous le contrôle de la profession. Les réserves de la CNBF resteront donc à la disposition de la profession et ne seront pas absorbées par le régime universel. 

Données clés

Auteur : M. Jean Lassalle

Type de question : Question écrite

Rubrique : Retraites : régime général

Ministère interrogé : Retraites

Ministère répondant : Retraites

Dates :
Question publiée le 17 décembre 2019
Réponse publiée le 10 mars 2020

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