15ème législature

Question N° 2544
de M. Éric Woerth (Les Républicains - Oise )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > retraites : généralités

Titre > Réforme des retraites

Question publiée au JO le : 08/01/2020
Réponse publiée au JO le : 08/01/2020 page : 41

Texte de la question

Texte de la réponse

RÉFORME DES RETRAITES


M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Monsieur le Premier ministre, les Français ont peur de votre réforme des retraites parce qu'ils n’y comprennent rien, et leur peur est indexée sur cette incompréhension. Face à la contestation, vous multipliez les concessions, si bien que nous risquons aujourd’hui de passer d’un système universel pour tous à un système catégoriel, c’est-à-dire le contraire de votre objectif initial.

M. Damien Abad. Tout à fait !

M. Éric Woerth. Par ailleurs, si l’on en croit vos déclarations, vous accepteriez l'idée de séparer l’organisation des retraites de leur financement. C’est évidemment inséparable, et vous le savez bien !

M. Maxime Minot. Cela va de soi !

M. Éric Woerth. La réforme telle que vous la concevez aujourd'hui coûtera très cher, sans doute une dizaine de milliards d’euros. Si vous renoncez à l’âge pivot, vous renoncerez à la seule mesure de financement.

M. Maxime Minot. Eh oui !

M. Éric Woerth. Ce serait alors une déroute pour notre système de retraite. Garantir son équilibre est la première des justices ! (M. Marc Le Fur applaudit.)

La vérité, c’est que l’âge pivot était déjà une demi-mesure, qui visait à baisser hypocritement le montant des pensions sans le dire. Vous auriez dû avoir le courage de reculer l'âge légal de départ à la retraite. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) Cela aurait été plus clair pour les Français et plus efficace pour le système de retraite.

Après deux ans de discussions, je note que vous n’êtes toujours pas prêts concernant le sujet crucial du financement. Or ne pas financer notre système, c’est en donner la clé aux marchés financiers. Si vous renoncez à l’âge pivot, que seriez-vous prêt à accepter ? Une augmentation des cotisations vieillesse, une diminution des pensions de retraite, ou les deux ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Permettez-moi, avant de répondre à la question du président Woerth, d'adresser mes meilleurs vœux à la représentation nationale.

Vous m'interrogez, monsieur Woerth, sur la réforme des retraites que nous proposons, qui vise à créer un système universel, équitable et responsable. Un système universel, tout d'abord.

M. Jean-Luc Reitzer. Il ne l'est déjà plus !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Tout le monde – j'insiste, tout le monde – relèvera du système universel.

M. Loïc Prud'homme. Pas les policiers et les gendarmes !

M. Christian Jacob. Combien y aura-t-il d'exceptions ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je le répète : tout le monde relèvera du système universel, quels que soient le statut et le métier exercé. Toutes les Françaises et tous les Français intégreront ce système universel, qui leur permettra d'acquérir des points à chaque rémunération, et qui permettra de financer les pensions des retraités actuels. Ce sera un système par répartition, auquel nous sommes tous ici attachés. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) En clair, ce sera un système universel. Toutes les discussions qui ont lieu concernant les transitions vers ce système ou la prise en compte de sujétions particulières s'inscrivent toutes dans la logique d'un système universel, c'est-à-dire applicable à toutes les Françaises et à tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Claude Goasguen. C'est faux !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ensuite, c'est un système qui garantit des progrès en matière d'équité. Oui, il comporte des avancées sociales auxquelles je nous crois tous attachés, monsieur Woerth.

M. Laurent Furst. Pour y être attachés, encore faudrait-il le financer !

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Dire aux Françaises et aux Français, aux agriculteurs, aux artisans, aux commerçants qui ont travaillé et cotisé toute leur vie qu'ils pourront bénéficier – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui – d'un minimum contributif de 1 000 euros à partir de 2022, voilà un progrès social, et je suis persuadé, monsieur Woerth, que vous le savez et que vous le voterez ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Troisième point : l'un des progrès que nous proposons – il y en a bien d'autres, mais je souhaite aller au bout de la question que vous avez posée, monsieur Woerth –, et qui est un aspect essentiel de la réforme, c'est la responsabilité. J'estime que nous devons garantir l'équilibre du système futur ainsi que la remise à l'équilibre du système en vigueur.

M. Frédéric Reiss. Comment fait-on ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Au demeurant, permettez-moi d'observer que si celui-ci, avec ses quarante-deux régimes,…

M. Adrien Quatennens. Pas quarante-deux !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . … n'est pas à l'équilibre, c'est peut-être parce que certaines mesures, qui ont pourtant produit leurs effets, n'ont pas été suffisantes pour en garantir l'équilibre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.– Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

Vous le savez comme moi, mesdames et messieurs les membres du groupe Les Républicains !

Par ailleurs, il faut garantir l'équilibre du système futur.

M. Damien Abad. Avec l'âge pivot ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre . C'est une question de responsabilité. J'y suis aussi attentif que vous, monsieur Woerth, et que la plupart des membres de cette assemblée.

Plusieurs députés du groupe FI . Ce n'est pas vrai !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Je me permets de rappeler que j'ai mis sur la table une proposition issue du rapport de M. Delevoye, …

M. Patrick Hetzel. Où est-il passé, M. Delevoye ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre . … consistant à inciter nos concitoyens à travailler plus longtemps – mais pas tous !

M. Ugo Bernalicis. Uniquement les fainéants !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Vous savez très bien, monsieur le président Woerth, que, grâce à la proposition consistant à introduire un âge d'équilibre de départ en retraite, plus de 25 % de nos concitoyens bénéficieront d'une mesure de grande justice, qui leur permettra de ne pas attendre d'avoir 67 ans pour partir en retraite sans décote.

Il s'agit d'une mesure de justice. Je suis bien persuadé que, pour celles et ceux ayant travaillé tout au long de leur vie mais dont la carrière a été hachée, l'adoption d'un âge pivot constitue un véritable progrès et une véritable mesure de justice sociale, permettant de garantir l'équilibre du système futur et la remise à l'équilibre du système actuel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Monsieur le président Woerth, j'ai toujours dit – je ne change pas de discours – que j'étais attaché à l'équilibre du système de retraite, qu'il devait être garanti, et que j'étais ouvert au dialogue avec les organisations syndicales et patronales, ainsi qu'à toute proposition de leur part permettant de revenir à l'équilibre et de garantir l'équilibre futur.

M. Frédéric Reiss. Pas sur l'âge pivot !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Je continue à tenir ce discours. Le projet de loi qui sera soumis au Conseil des ministres le 24 janvier prochain comporte cette disposition, car il est nécessaire de garantir l'équilibre du système. Toutefois, si les organisations syndicales et patronales formulent une meilleure proposition, plus intelligente, et sur laquelle ils s'entendent, alors nous la reprendrons à notre compte.

Mme Valérie Lacroute. À quoi donc ont servi les deux années de débats ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre . C'est aussi cela, faire confiance au dialogue social :…

Mme Mathilde Panot. Comme vous l'avez fait pour la réforme de l'assurance chômage ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre . … faire confiance au dialogue social pour formuler des propositions et garantir aux Français que le système futur sera à l'équilibre. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Je n'ai pas le même temps de parole que M. le Premier ministre pour lui répondre, le débat est donc inégal. J'ai bien compris que tout le monde relèvera du même système, mais différemment.

M. Patrick Hetzel. Excellent !

M. Éric Woerth. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous dire clairement en quelle année les cheminots partiront en retraite à 62 ans, comme tous les Français ? Les cheminots ont le droit de le savoir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. Pierre Cordier. Très bonne question !