Application à Mayotte de l'article 884 du code de procédure pénale
Question de :
M. Mansour Kamardine
Mayotte (2e circonscription) - Les Républicains
M. Mansour Kamardine alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences de l'application aux justiciables du département de Mayotte de l'article 884 du code de procédure pénale. En effet, l'article 884 du code de procédure pénale est similaire à l'article 706-71 du code de procédure pénale. Or par décision du 30 septembre 2019 le Conseil constitutionnel a déclaré non conforme à la Constitution les dispositions de l'article 706-71 du code de procédure pénale. Aussi, si le législateur a anticipé pour l'ensemble du territoire national en abrogeant cette disposition, il l'a maintenue s'agissant de Mayotte, sans doute par erreur. En effet, le maintien de l'application d'une telle disposition aux justiciables du département de Mayotte est attentatoire à l'État de droit républicain et à la Constitution qui dispose que les décisions du Conseil constitutionnel sont opposables à l'ensemble des institutions de la République, y compris à la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion qui est compétente pour Mayotte. C'est pourquoi il lui demande de lui préciser : les motifs qui s'opposeraient à l'abrogation, sous le sceau de l'urgence s'agissant de Mayotte, de l'article 884 du code de procédure ; les initiatives et délais qu'elle entend prendre pour sortir le droit applicable à Mayotte d'une législation par ordonnance pour rejoindre le droit commun.
Réponse publiée le 26 janvier 2021
L'article 884 du Code de procédure pénale permet le recours à la visioconférence pour les audiences de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion statuant sur l'appel d'une ordonnance du juge de l'instruction ou du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Mamoudzou. Cette disposition, qui s'applique à l'ensemble des audiences devant la chambre de l'instruction, et pas uniquement à celles concernant la détention provisoire, est justifiée par l'éloignement géographique de Mayotte de l'île de la Réunion et par les difficultés qui résulterait de l'obligation d'y transférer les personnes mises en examen à Mamoudzou pour leur permettre de comparaître physiquement devant la chambre de l'instruction. Dans deux décisions du 20 septembre 2019 et du 30 avril 2020, le Conseil constitutionnel, tout en reconnaissant le bien-fondé de la possibilité de recours à la visioconférence qui a pour objectifs, expressément rappelés par le Conseil, d'éviter les difficultés et les coûts occasionnés par les extractions, et de contribuer ainsi à la bonne administration de la justice et au bon usage des deniers publics, a estimé que devaient être revues une partie des dispositions de l'article 706-71 du code de procédure pénale, applicables sur le territoire métropolitain, permettant ce recours pour certaines audiences relatives à la détention provisoire de personnes mises en examen en matière criminelle, et ayant été détenues depuis plus de six mois sans avoir pu comparaître physiquement devant un juge compétent pour apprécier le bien- fondé de la détention. Ces décisions ne justifient cependant nullement de revenir sur les dispositions spécifiques de l'article 884 concernant Mayotte, qui, au regard des objectifs de la visioconférence rappelés par le Conseil constitutionnel, sont justifiées par la situation particulière de cette collectivité. Il n'y avait donc pas lieu de de modifier l'article 884 du code de procédure pénale. Pour autant, il était souhaitable que les personnes détenues à Mayotte en matière criminelle puissent effectivement comparaître physiquement au moins tous les six mois devant un juge chargé d'apprécier le bien-fondé de leur détention. C'est pourquoi la loi du 24 décembre 2020 sur le Parquet européen, la justice environnementale et la justice pénale spécialisée est venue, à la suite d'un amendement déposé par le ministre de la justice, insérer dans le code de procédure pénale un article 883-2 prévoyant que, dans le département de Mayotte, la première demande de mise en liberté formée par un mis en examen détenu en matière criminelle depuis plus de six mois doit être examinée par le juge des libertés et de la détention non pas sur dossier, mais à la suite d'un débat contradictoire en présence de l'intéressé, ce qui permettra de respecter le principe posé par le Conseil constitutionnel, selon lequel la personne détenue en matière criminelle doit pouvoir comparaître au moins une fois tous les six mois devant un juge sans recours à la visio-conférence.
Auteur : M. Mansour Kamardine
Type de question : Question écrite
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 24 décembre 2019
Réponse publiée le 26 janvier 2021