Question au Gouvernement n° 2575 :
Réforme des retraites

15e Législature

Question de : M. Jean-Christophe Lagarde
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants

Question posée en séance, et publiée le 15 janvier 2020


RÉFORME DES RETRAITES

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le Premier ministre, des millions de Français souffrent de cette grève, qui n'a que trop duré ; elle est aujourd'hui minoritaire, et elle met en danger de nombreuses petites et moyennes entreprises, des commerçants, des artisans – bref, des emplois. Pourtant, le cœur du projet de réforme, c'est-à-dire l'instauration d'un système par points, est une bonne chose ; pour notre part, nous l'appelons de nos vœux depuis vingt ans. Cela aboutira à une plus grande équité et une plus grande lisibilité, et cela permettra de mieux tenir compte des nouvelles formes de carrière, plus accidentées. En résumé, c'est une réforme que nous voulons voir aboutir.

Dans le cadre de la discussion engagée après l'élection présidentielle est venue se poser la question du financement. Ce week-end, vous avez pris une sage décision : celle de tendre la main aux syndicats réformistes en vue d'atteindre l'équilibre financier en matière de retraites – ce qui ne me semble pas d'ailleurs aussi urgent qu'on le dit : on peut fort bien trouver, de manière responsable, une solution d'ici à la fin de l'année ou au début de l'année 2021. Vous avez, dans cette perspective, appelé à la réunion d'une conférence de financement.

Monsieur le Premier ministre, je voudrais savoir si les partenaires sociaux seront libres de faire dans ce cadre des propositions. On ne parle actuellement – qu'on appelle cela « âge pivot », « âge d'équilibre » ou autrement – que de la possibilité de travailler deux ans de plus. Au lieu de travailler plus à la fin de sa vie, ne pourrait-on pas envisager de travailler plus tout au long de sa vie, de manière à équilibrer le régime de retraites tout en partant quand même à 62 ans ?

Je voudrais savoir si la question des régimes spéciaux excédentaires sera mise sur la table dans le cadre de la conférence de financement, telle que vous la concevez ?

Je voudrais savoir si, dans l'hypothèse où les partenaires sociaux proposeraient, à l'instar des sociaux-démocrates suédois, une part, fût-elle minime, de capitalisation afin de rassurer les jeunes qui croient qu'ils n'auront pas de retraite, vous feriez preuve d'esprit d'ouverture.

Enfin, je voudrais savoir si vous seriez favorable à la tenue dans cet hémicycle, après les élections municipales – afin que l'on sorte des postures politiciennes –, d'un débat exclusivement consacré au financement des retraites, puisque celui-ci ne pourra pas avoir lieu dans le cadre de l'examen du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Lagarde, je note une fois de plus l'attachement que vous montrez au projet de système universel par répartition et par points, et je m'en félicite. Je pense en effet qu'un régime permettant à chacun, quels que soient son statut et son métier, d'avoir le même type de cotisations et les mêmes droits que tout le monde facilitera la mobilité professionnelle et améliorera la lisibilité du futur niveau de pension – bref, constituera en soi un véritable progrès, tout en créant de nouveaux droits, ce qui est bien évidemment précieux.

Quelles seront les marges de manœuvre dont disposera la conférence de financement, sur laquelle se sont accordé un certain nombre d'organisations syndicales et patronales ? Ses missions seront au nombre de deux.

La première sera de proposer des mesures en vue de revenir à l'équilibre financier en 2027 – ce qui revient, si vous me permettez de vous le faire remarquer, monsieur le président Lagarde, à proposer des mesures s'appliquant dans le système actuel, celui-ci n'étant pas, à l'heure actuelle, équilibré. Un délai de sept ans pour revenir à l'équilibre, c'est, je crois – mais je parle sous le contrôle de ceux qui connaissent la question encore mieux que moi – ce qui avait été retenu dans le cadre de la réforme de 2010. Il ne me semble donc pas incongru d'imaginer qu'en sept ans, on soit en mesure de revenir à l'équilibre.

Sa deuxième mission sera de concevoir tous les instruments susceptibles d'être utilisés à cette fin, mais avec deux limites. D'abord, nous ne voulons pas que les pensions baissent.

M. Maxime Minot. C'est faux !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Cela semble évident, mais, comme vous le savez, ce qui va sans dire va mieux en le disant. Ensuite, parce que nous nous battons pour redonner de la compétitivité à l'économie française et que nous pensons que cela joue un rôle important en la matière, nous ne voulons pas qu'il y ait une hausse du coût du travail.

Ces deux limites étant fixées – et ceux qui ont accepté de participer à la conférence de financement se sont engagés à les respecter –, plusieurs instruments pourront être utilisés. Je ne veux pas préjuger de leur nature, même si j'estime – je l'ai indiqué tout à l'heure, mais c'est ce que j'ai toujours dit et je ne vois pas pourquoi je changerais d'avis – que ce « cocktail de mesures », pour reprendre une expression que l'on utilise parfois, comprendra nécessairement une mesure d'âge. Il reste qu'il revient aux organisations syndicales et patronales de discuter des modalités de retour à l'équilibre à l'horizon 2027.

Après 2027, c'est-à-dire dans le cadre du pilotage du futur système de retraites, les instruments seront fixés par les organes de gouvernance de ce système. Toutefois, l'ensemble de ceux qui se sont inscrits dans la démarche qui a été lancée samedi par le courrier que vous avez mentionné reconnaissent qu'il y aura, au titre de ces instruments, la fixation d'un âge d'équilibre, c'est-à-dire d'un âge qui servira de référence pour un départ à taux plein, et qui donnera une indication collective tout en tenant compte des parcours professionnels de chacun, indépendamment des statuts ou des métiers.

En résumé, nous sommes en train de créer les conditions d'un retour à l'équilibre à l'horizon 2027 – ce qui est important –, ainsi que les conditions du pilotage du futur système par les organes de gouvernance.

Vous aurez bien entendu l'occasion de débattre de tout cela au fond – il est naturel, et normal, de procéder de la sorte. Le Parlement sera saisi de l'ensemble de ces questions dans le cadre de l'examen du texte – c'est indispensable. Si j'ai bien compris, monsieur le président Lagarde, vous me demandez si l'on pourrait prévoir en sus, avant l'examen du projet de loi, un débat au Parlement sur les conditions du retour à l'équilibre. Je crois que le plus sage serait de respecter l'engagement pris auprès des partenaires sociaux en organisant cette conférence de financement, laquelle aura, je le répète, deux missions : d'une part, préparer les conditions d'un retour à l'équilibre en 2027, d'autre part, émettre des recommandations quant à ce que pourraient être les relations financières et les équilibres financiers à long terme. Lorsque ses propositions nous aurons été soumises, nous pourrons bien évidemment nous en inspirer.

Quoi qu'il en soit, le Parlement sera nécessairement saisi des modalités du retour à l'équilibre,…

M. Maxime Minot. La preuve que non !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . …soit dans le cadre d'une demande d'habilitation, soit, le cas échéant, un peu plus tard, dans le cadre de l'examen des propositions émises par la convention de financement ou par le Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Christophe Lagarde

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Retraites : généralités

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 janvier 2020

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