15ème législature

Question N° 25967
de Mme Josiane Corneloup (Les Républicains - Saône-et-Loire )
Question écrite
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > lieux de privation de liberté

Titre > Parcours de santé des détenus

Question publiée au JO le : 21/01/2020 page : 377
Réponse publiée au JO le : 01/02/2022 page : 705
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

Mme Josiane Corneloup attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur l'urgence à mettre en place un parcours de santé pluridisciplinaire et individuel pour prendre en charge la fragilité et les différentes pathologies des détenus et plus particulièrement celles des femmes. La contrôleure générale des lieux de privation de liberté dans un avis du 22 novembre 2019 dresse un constat accablant de la prise en charge des détenus atteints de troubles mentaux. On constate aujourd'hui que 11,9 % de la population carcérale a plus de 50 ans et que ce vieillissement s'accompagne de handicap et de perte d'autonomie accélérée par rapport à une population classique. En outre, l'accès aux droits sociaux liés à la perte d'autonomie et au handicap demeure trop difficile pour les détenus. En conséquence, elle lui demande si un effort particulier et des moyens dédiés seront alloués pour l'adaptation des locaux et l'organisation de la détention aux contraintes nouvelles générées par ces situations. Elle souhaite également qu'un point d’étape sur les 28 mesures pour les personnes placées sous main de justice dans la stratégie santé 2019-2022 lui soit communiqué.

Texte de la réponse

Le ministère de la Justice s'attache à assurer de bonnes conditions de détention à toutes les personnes qui lui sont confiées en tenant compte des spécificités que leur garde présente. La feuille de route 2019-2022 pour la santé des personnes placées sous main de justice (PPSMJ) (feuille de route santé-justice), signée conjointement par le ministère de la Justice et le ministère des solidarités et de la santé le 2 juillet 2019, est ainsi destinée à améliorer la prévention, l'accès aux soins et le repérage du handicap et de la perte d'autonomie des PPSMJ. S'agissant de la prise en charge des femmes incarcérées, une enquête a été menée par la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) en 2016 afin de déterminer les principales difficultés qu'elles pouvaient rencontrer en matière sanitaire. Aussi, la feuille de route santé-justice a inscrit dans son axe 4 « Améliorer l'accès aux soins des PPSMJ détenues » une action visant à garantir aux femmes détenues un accès continu aux soins, notamment aux soins gynécologiques. Un plan national de lutte contre la précarité menstruelle en détention a été lancé. Depuis septembre 2020, un dispositif pérenne de distribution mensuelle de protections périodiques à titre gratuit est proposé à toutes les femmes détenues. Par ailleurs, les listes de produits proposés en cantine dans tous les établissements pénitentiaires accueillant des femmes ont été complétées par de nouvelles gammes de produits spécialisés (bio, hypoallergéniques) à prix coûtant. Des ateliers de conseil et de sensibilisation à l'hygiène menstruelle ont été mis en place à l'attention de la population pénale, dès l'automne 2020, en partenariat avec une association spécialisée. La nouvelle édition du groupe de travail sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans les parcours de peine, à l'origine de ces mesures, est consacrée à l'égalité d'accès aux structures de soins et à l'amélioration de l'offre de soins spécifiques, notamment gynécologiques. Une première réunion s'est tenue le 14 octobre 2021 afin de dresser un état des lieux et de déterminer les perspectives d'amélioration. Les travaux sur ces thématiques se poursuivent depuis lors. L'amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux constitue également un engagement conjoint du ministère de la justice et du ministère des solidarités et de la santé dans le cadre de la feuille de route santé-justice. A ce titre, un groupe de travail interministériel a rédigé un guide méthodologique relatif aux aménagements de peine et à la mise en liberté pour raison médicale, publié au bulletin officiel n° 2018-08 du 31 août 2018, afin d'accompagner et de favoriser leur mise en œuvre. La feuille de route santé-justice prévoit notamment la construction d'une deuxième tranche d'unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). Un comité de pilotage recentré, réunissant la direction générale de l'offre de soins, la DAP, les services déconcentrés et les professionnels de santé, a été lancé en avril 2021 et s'est réuni à plusieurs reprises afin d'identifier précisément les sites d'implantation de trois nouvelles UHSA, prévues en Normandie, en Occitanie et en Ile-de-France, et de définir le calendrier des travaux.  Les agences régionales de santé et les directions interrégionales des services pénitentiaires concernées réaliseront des demandes communes afin de faire valider la localisation de ces unités. La feuille de route santé-justice préconise enfin un renforcement de la formation des surveillants à la prise en compte des troubles mentaux. Des formations aux premiers secours en santé mentale ont ainsi été organisées dès 2020. Au 30 juin 2021, 30 sessions de formation s'étaient tenues, permettant la formation de 277 agents pénitentiaires. Un cahier des charges pour la mise en place d'actions de formations en « santé mentale et troubles du comportement » délivrées par le personnel des unités sanitaires et/ou des services médico-psychologiques régionaux aux personnels pénitentiaires, est en cours de préparation. Plusieurs travaux de recherches doivent permettre d'améliorer la connaissance de l'état de santé mentale des personnes détenues. Une étude portant sur la « Santé mentale de la population carcérale sortante », visant à mesurer la prévalence des troubles psychiatriques chez les sortants du milieu pénitentiaire, a été lancée en septembre 2020. Conduite pendant 18 mois, elle concerne 2 600 personnes dans vingt-six maisons d'arrêt tirées au sort. Cette étude comporte trois volets qui ont été lancés lors du dernier comité de pilotage le 26 mai 2021 : le premier sur les hommes, le deuxième sur les femmes et le dernier sur la situation en outre-mer. Aucune préconisation ou recommandation n'a encore été rendue à ce jour. Un marché est en cours de rédaction concernant une seconde étude intitulée « Prisons et santé mentale : état de santé mentale et facteurs associés à son évolution en milieu carcéral ». Ces deux recherches ont été intégrées à la feuille de route sante-justice. La DAP est également attentive à la prise en charge des personnes détenues en situation de perte d'autonomie en raison de leur âge ou d'un handicap. Il existe actuellement 472 cellules adaptées aux personnes à mobilité réduite (PMR) réparties dans 90 établissements pénitentiaires en France métropolitaine et en outre-mer. Tous les établissements neufs sont conformes aux dispositions de l'arrêté du 4 octobre 2010 relatif à l'accessibilité des personnes en situation de handicap dans les établissements pénitentiaires, lequel prévoit 3 % de cellules PMR par établissement. Les établissements existants sont progressivement mis aux normes en application de l'arrêté du 29 décembre 2016, relatif à l'accessibilité des établissements pénitentiaires existants aux personnes en situation de handicap. La planification s'étend jusqu'en 2027 dans le cadre du dispositif Agenda d'accessibilité programmée, l'enveloppe dédiée à la mise en accessibilité des établissements s'élevant à 32 M€ sur le quinquennat 2018-2022. Par ailleurs, la procédure de labellisation des quartiers arrivants dans laquelle l'administration pénitentiaire s'est engagée depuis 2008, vise notamment à améliorer le repérage des pathologies. Un examen médical a ainsi lieu dans les 48 heures suivant l'écrou par l'unité sanitaire. Afin de renforcer l'accès aux droits sociaux des détenus, les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) assistent les personnes détenues en situation de dépendance dans leurs démarches. Leur éligibilité à la prestation de compensation du handicap leur permet de financer un service d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD), qualifié pour intervenir en détention. En outre, les personnes âgées de plus de 60 ans bénéficient de services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), dès lors qu'elles justifient d'une prescription médicale. Plusieurs actions ont également été mises en œuvre afin d'améliorer le repérage des situations de handicap, de fragilité ou de perte d'autonomie des personnes détenues et l'accès aux aides à la vie quotidienne en détention (action 19 de la feuille de route santé-justice) : un modèle de protocole concernant l'accès aux dispositifs de compensation du handicap et de la perte d'autonomie des détenus vise à faciliter la conclusion des partenariats entre les services pénitentiaires, les établissements de santé, les conseils départementaux, les maisons départementales des personnes handicapées et les SAAD ; une enquête relative au handicap en détention, lancée en début d'année 2021, est en cours de finalisation et dotera l'administration d'un état des lieux à jour ; le développement des entreprises adaptées au sein des établissements pénitentiaires. Le suivi médical post-carcéral et la continuité des soins constituent en outre une priorité pour la DAP, conformément à l'axe 5 de la feuille de route santé-justice. Un guide méthodologique relatif à la prise en charge sanitaire des PPSMJ, publié le 10 janvier 2018, souligne ainsi la nécessité d'intégrer la continuité des soins à l'issue de leur période d'incarcération, de faciliter leur retour vers les systèmes de droit commun et de les inciter à prendre en charge leurs problèmes de santé. S'agissant de l'axe 2 destiné à développer la promotion de la santé des PPSMJ tout au long de leur parcours, la DAP a renouvelé en 2021 sa campagne d'appel à projets sur la promotion de la santé. Ainsi, 24 projets ont été sélectionnés pour un montant total de 109 516,05 €. En 2020, la DAP a maintenu sa participation au dispositif national intitulé « Mois Sans Tabac », prévu par l'action n° 7 de la feuille de route santé-justice visant notamment à réduire le tabagisme dans les lieux de privation de liberté. 15 structures ont participé à cette opération au cours de laquelle la créativité des personnes détenues et des personnels a été mise à l'honneur par des concours d'affiches. Dans le cadre de l'action n° 8 visant notamment à renforcer les actions de prévention du suicide à destination des personnes détenues, la formation existante en milieu pénitentiaire a été évaluée afin d'y apporter toute adaptation nécessaire. Afin d'améliorer le repérage des addictions en détention et de renforcer la coopération santé-justice sur les problématiques addictives, objet de l'axe 3 de la feuille de route, un guide pratique a été élaboré, portant sur les soins obligés en addictologie selon les recommandations de la Fédération Addiction. Enfin, s'agissant de l'axe 4 visant à améliorer l'accès aux soins des PPSMJ, le déploiement de la télémédecine a été initié sur l'ensemble des établissements pénitentiaires. Le Fonds pour la transformation de l'action publique participe au financement de ce projet à hauteur de 2,9 M€ sur un montant global s'élevant à 5,9 M€. Au regard du contexte de crise sanitaire, le calendrier du déploiement de la télémédecine au sein des unités sanitaires a toutefois dû être adapté : initialement prévu d'ici 2022, il se poursuivra jusqu'en 2023. Un chef de projet a été recruté au sein de la direction de l'administration pénitentiaire en mai dernier afin de superviser son déploiement.