Suicides au travail dans la grande distribution
Question de :
Mme Caroline Fiat
Meurthe-et-Moselle (6e circonscription) - La France insoumise
Question posée en séance, et publiée le 22 janvier 2020
SUICIDES AU TRAVAIL DANS LA GRANDE DISTRIBUTION
M. le président. La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme Caroline Fiat. Monsieur le Premier ministre, je veux vous parler de Maxime. Il avait 35 ans. Il travaillait dans la grande distribution. Broyé par le management, il a mis fin à ses jours par arme à feu, samedi 11 janvier dernier, sur son lieu de travail.
Maxime a rejoint les 300 à 400 personnes qui se suicident chaque année là où elles travaillent. La grande distribution appelle notre attention à ce sujet. Les dirigeants de ces grands groupes maltraitent les paysans en achetant à prix trop bas leurs productions (Applaudissements sur les bancs du groupe FI) ; ils maltraitent leurs salariés en imposant un management dangereux et inhumain.
Avant Maxime, en 2018, l'émission « Envoyé spécial » mettait en avant la responsabilité d’une enseigne bien connue en France attestant de la responsabilité de l’entreprise dans le suicide de l’un de ses salariés.
La grande distribution, si elle a simplifié les modes de consommations en plein cœur des Trente glorieuses, est devenue une machine à broyer. Elle broie les salariés, les consommateurs, les petits artisans et les paysans.
Vous avez poursuivi un objectif d’allégement du code du travail. Cette course à l’amaigrissement des lois et des normes a provoqué une lourdeur irrespirable au travail. Le droit du travail doit évoluer pour redonner aux salariés de véritables droits permettant de prévenir et d’éviter ces drames.
Monsieur le Premier ministre, je ne vous interroge pas sur une des conséquences du mal-être au travail c’est-à-dire sur des problèmes personnels, mais je vous demande de répondre à ce qui les cause. Quelles solutions concrètes proposez-vous face à ces drames que vous ne pouvez pas méconnaître et encore moins ignorer ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.
M. Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement. Madame Fiat, je vous remercie pour votre question et pour le ton avec lequel vous l'avez abordée, car le suicide est un sujet suffisamment grave pour ne pas nourrir entre nous de vaines polémiques ou des débats caricaturaux.
Le suicide – vous ne l'avez pas dit, mais je pense que nous tomberons aussi d'accord à ce propos – est un sujet qui touche à l'intime. Par ailleurs, ses causes étant souvent multiples, il s'avère parfois difficile de déterminer les motivations et de repérer ceux qui peuvent avoir des tendances suicidaires.
Vous avez évoqué le cas d'une personne qui était employée dans un hypermarché de votre département ; c'est évidemment un drame humain inqualifiable. Je pense évidemment à sa famille et à ses collègues – le décès étant survenu en plein magasin, on en imagine les conséquences pour ces derniers.
Pour ce qui est de ce cas, les équipes du ministère du travail sont intervenues rapidement après le drame, notamment pour participer aux réunions avec les représentants du personnel et, bien sûr, pour enquêter sur les conditions de travail. L'employeur a été entendu sur les mesures prises pour lutter contre les risques, y compris psychosociaux, auxquels sont exposés les salariés. Soyez assurée de la détermination du ministère du travail pour établir la responsabilité des différents acteurs.
La responsabilité de l'État, vous l'avez rappelé, est de faire appliquer la loi – c'est ce que nous nous efforçons de faire. Celle des entreprises et des employeurs, qu'ils soient publics ou privés, est de s'y conformer mais aussi, quand des tensions apparaissent ou des difficultés individuelles se font jour, d'y répondre et de les traiter, avec les représentants du personnel ou les organisations syndicales. La responsabilité collective, enfin, est de veiller à chaque salarié, au-delà même du cadre de la loi ; j'ose espérer que nous partageons ce souci. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme Caroline Fiat. Je ne veux pas polémiquer. Le temps est en effet au deuil, notamment pour les proches. Mais ce cas n’est pas anodin, il relève d’une inconséquence politique. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas réagir, alors que notre système social est en berne. Il faut sortir de l’idéologie néolibérale et de l’obsession du chiffre pour mettre l’humain au cœur de l’emploi. Jamais, depuis le XIXe siècle, le mal-être au travail n’a été aussi important. Votre gouvernement porte une responsabilité sociale sans précédent ; engagez-le à se saisir des enjeux de l'époque ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Jean-Paul Dufrègne applaudit également.)
Auteur : Mme Caroline Fiat
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Travail
Ministère interrogé : Relations avec le Parlement
Ministère répondant : Relations avec le Parlement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 janvier 2020