Encadrer l'usage d'armes explosives à large rayon d'impact en zones peuplées
Question de :
M. Jean-Luc Lagleize
Haute-Garonne (2e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés
M. Jean-Luc Lagleize alerte M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la position de la France vis-à-vis du processus diplomatique en cours qui visera à encadrer l'usage d'armes explosives à large rayon d'impact en zones peuplées. Les 1er et 2 octobre 2019 à Vienne, en Autriche, s'est tenue une première conférence internationale sur la protection des civils dans les conflits urbains. La présence exceptionnelle de 133 États lors de cette conférence a démontré l'intérêt majeur portée par la communauté internationale sur ce sujet. Lors de ces discussions, plus de 84 États se sont positionnés en faveur d'une déclaration politique internationale pour mettre un terme aux souffrances causées aux civils. Pour la première fois, la France s'est officiellement déclarée « favorable à travailler à une déclaration politique » sur le sujet. Il s'agit d'une première étape majeure qu'il convient de saluer. Toutefois, le Réseau international sur les armes explosives a exprimé sa plus vive préoccupation suite aux propositions de la France, recensées dans un document conjoint avec la Grande-Bretagne et l'Allemagne durant le premier cycle de négociations à Genève le 18 novembre 2019 aux Nations Unies. En effet, les propositions françaises ont vocation à renforcer la protection des civils en conflits urbains, mais semblent éluder l'enjeu spécifique de l'encadrement des armes explosives à large rayon d'impact en zones peuplées, enjeu pourtant au cœur de ce processus diplomatique. Pour la huitième année consécutive, lorsque des armes explosives à large rayon d'impact (obus, roquettes, artilleries, etc.) ont été utilisées en zones peuplées, plus de 90 % des victimes furent des civils. L'emploi d'armes explosives en zones peuplées entraîne également toute une série d'effets indirects : logements détruits, infrastructures vitales rasées, régions contaminées par des armes n'ayant pas explosé à l'impact, provoquant le déplacement forcé de millions d'individus. C'est pour cette raison qu'il est impératif que l'enjeu humanitaire causé par l'usage d'armes explosives à large rayon d'impact en zones peuplées soit inclus dans la future déclaration politique, ainsi que la nécessité d'une assistance aux victimes d'armes explosives via une aide humanitaire adéquate, sur le court et long-terme (réadaptation, soins de santé), au-delà de l'angle « stabilisation et reconstruction ». Alors que les discussions sur le fond d'une déclaration politique ambitieuse se poursuivent, il semble impératif de veiller à ce que la recherche de consensus n'amenuise pas la portée historique de cette déclaration. Il l'interroge donc sur la position de la France vis-à-vis du processus diplomatique en cours qui visera à encadrer l'usage d'armes explosives à large rayon d'impact en zones peuplées.
Réponse publiée le 17 mars 2020
La France reconnaît les graves préoccupations humanitaires liées à l'emploi excessif et indiscriminé d'armes explosives dans les zones où les civils sont présents en grand nombre. Un usage disproportionné ou indiscriminé d'armes explosives est, en effet, de nature à provoquer des victimes civiles et la destruction d'infrastructures essentielles, empêchant durablement le retour des populations déplacées et le rétablissement de conditions de vie normales. La France salue la mobilisation de la communauté internationale visant à renforcer la protection des civils lors de conflits armés en zones habitées. Elle a activement participé aux premières consultations relatives à la "protection des populations civiles lors d'opérations militaires en milieu urbain" qui se sont ouvertes à Vienne en octobre dernier et qui se sont poursuivies à Genève en novembre 2019 et février 2020. Comme elle l'a annoncé lors de la conférence de Vienne, la France entend participer à l'élaboration d'une déclaration politique qui permette d'améliorer réellement la protection des civils. A cette fin, elle formule des propositions concrètes, ancrées notamment dans l'expérience opérationnelle de ses forces armées, pour concourir à une application plus effective des principes du droit international humanitaire, tout en tenant compte des défis inhérents à la conduite d'opérations militaires en milieu urbain. Il faut réaffirmer avec force les principes fondamentaux du droit international humanitaire qui prohibe – quelle que soit la munition utilisée et quel que soit le milieu d'intervention – les attaques contre la population civile, les personnes civiles et les biens de caractère civil et qui impose l'application des principes de distinction, de précaution et de proportionnalité dans la conduite des hostilités. Ces principes, s'ils étaient universellement respectés par toutes les parties au conflit, Etats mais également acteurs non-étatiques, limiteraient efficacement et durablement les pertes, les dommages et incidents causés par les conflits armés en zone urbaine et permettraient, ainsi, de réduire les souffrances civiles. C'est dans cet esprit que, lors des consultations organisées par l'Irlande en novembre dernier, la France a diffusé un document conjoint avec ses partenaires allemand et britannique, et prononcé à titre national une intervention qui appelle à la mise en œuvre par les Etats de mesures concrètes concourant à un emploi maîtrisé de la force - en matière d'organisation de la chaîne de commandement, de règles d'engagement, de ciblage, de formation des forces armées - et visant à protéger les populations civiles et leur cadre de vie. Enfin, cette déclaration politique doit ouvrir la voie à un renforcement de la coopération - dont la formation et l'échange de savoir-faire techniques et tactiques - entre les Etats et les forces armées. La mise en œuvre, la promotion et le partage des meilleures pratiques dans ces domaines contribueront à mieux traduire les principes du droit international humanitaire sur le terrain, dans la réalité des opérations militaires et à répondre aux préoccupations humanitaires que nous observons sur le terrain.
Auteur : M. Jean-Luc Lagleize
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 28 janvier 2020
Réponse publiée le 17 mars 2020