15ème législature

Question N° 2623
de M. Philippe Vigier (Libertés et Territoires - Eure-et-Loir )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > retraites : généralités

Titre > Réforme des retraites

Question publiée au JO le : 29/01/2020
Réponse publiée au JO le : 29/01/2020 page : 433

Texte de la question

Texte de la réponse

RÉFORME DES RETRAITES


M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, le Parlement n'est pas une chambre d'enregistrement des décisions de l'exécutif. Il y a deux semaines seulement, je vous le disais avec force au nom du groupe Libertés et territoires.

Depuis, nous avons appris dans quelles conditions nous allions examiner la réforme des retraites : engagement de la procédure accélérée, délai de dépôt d'amendement limité à cinq jours, rédaction prévue de vingt-neuf ordonnances, qui priveront l'Assemblée nationale d'un débat sur des pans entiers de ce projet de loi.

M. Patrick Hetzel. C'est surréaliste !

M. Philippe Vigier. Depuis, en outre, le Conseil d'État a rendu un avis sans concession : délais de saisine insuffisants, étude d'impact bâclée,…

M. Adrien Quatennens. Truquée, même !

M. Philippe Vigier. …projections financières lacunaires, entorse au principe d'égalité, inconstitutionnalité des engagements pris de revaloriser les salaires des enseignants et renoncement à la promesse de créer un régime universel de retraite.

Mme Laurence Dumont. Reconnaissez que ça fait beaucoup !

M. Philippe Vigier. J'ajoute que les négociations sur la pénibilité sont toujours en cours, et que nous n'avons, à ce stade, aucune visibilité sur cette question fondamentale.

Monsieur le Premier ministre, il n'est pas acceptable de rabaisser ainsi le Parlement. En nous privant d'un vrai débat, vous prenez le risque d'aggraver la défiance des Françaises et des Français.

Une réforme des retraites est pourtant indispensable, comme nous l'avons dit, afin de lutter contre les injustices qui frappent les femmes, ceux qui exercent des métiers pénibles, ceux dont la carrière est hachée, ou encore certaines professions indépendantes – je pense en particulier aux agriculteurs.

Vous êtes au pouvoir, et avez donc le devoir de créer les conditions de la confiance, en améliorant l'étude d'impact, comme vous y enjoint le Conseil d'État, en associant les groupes parlementaires à la rédaction des vingt-neuf ordonnances, et en laissant le dialogue social aller jusqu'à son terme sur le financement et la pénibilité.

Comment comptez-vous faire, monsieur le Premier ministre, pour garantir un débat approfondi et sincère au Parlement, sans modifier le calendrier prévu pour l'examen de ce texte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Vigier, voulons-nous instaurer un système universel de retraite ? La réponse est oui.

M. Adrien Quatennens. Vous ne le faites pas !

M. Sébastien Jumel. Il ne sera pas universel !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Nous nous y sommes engagés et considérons que la refonte des quarante-deux régimes de retraites existants au sein d'un système véritablement universel par répartition – j'insiste sur le mot – et par points est une bonne nouvelle.

Si certains s'y opposent – et c'est une opinion respectable –, nous pensons, pour notre part, que c'est une excellente réforme, puissamment redistributive, qui garantira le financement des retraites à long terme et même – je sais que de tels sujets ne sont pas à la mode, mais je fais fi de la mode, car je veux parler des choses sérieuses – que cette réforme constituera un progrès considérable dans la prise en compte des transformations…

M. Jean-Paul Lecoq. Les dégradations, vous voulez dire !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . …actuelles et futures du monde professionnel. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR.)

Je le dis avec beaucoup de sincérité et de tranquillité : nous avons collectivement intérêt à améliorer nos systèmes actuels, en fondant un système universel de retraite par répartition et par points.

Vous m'interrogez, monsieur le président Vigier, sur la qualité des informations qui seront fournies aux parlementaires et sur la qualité du débat qui en résultera. Je le redis volontiers : l'étude d'impact pour ce projet de loi, déjà transmise à l'Assemblée nationale, est très complète.

M. Patrick Hetzel. Pas du tout !

M. Damien Abad. Quelle insincérité !

M. Thibault Bazin. Où sont les projections ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Peut-être l'avez-vous lue in extenso. De nombreuses questions subsistent, et c'est bien naturel, parce qu'une refondation aussi complète s'appuie forcément sur des projections financières, lesquelles reposent sur des hypothèses économiques : tout le système est affecté dès que l'on modifie un paramètre.

Les questions, évidemment, sont nombreuses. Je n'ai jamais pensé que cette réforme serait simple, parce que le sujet est complexe. Cela étant, je le dis de manière détendue et sincère : je suis certain que cette assemblée, grâce aux informations dont elle dispose, et aux compléments qui résulteront du débat public, est en mesure d'examiner ce texte de loi…

M. Adrien Quatennens. Un texte à trous !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . …qui compte moins de soixante-dix articles, dans de bonnes conditions, et de prendre le temps d'évoquer point par point…

M. Alain Bruneel. « Point par point »… Ça ne manque pas d'ironie !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . …l'impact et l'organisation du système futur. En effet, monsieur le président Vigier, il ne s'agit pas de discuter des conditions de gestion du système actuel, mais de construire le système futur, et la transition vers celui-ci.

La discussion parlementaire sera passionnée – c'est évident, et c'est tant mieux –, mais aussi sereine – du moins, je l'espère.

M. Adrien Quatennens. Pour cela, il faudrait retirer le texte !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Cela dépendra de l'attitude qu'adoptera le Gouvernement au cours de la discussion, mais aussi, reconnaissez-le, de la manière dont cette assemblée traitera le sujet. Qu'elle s'en empare dans le détail, ou globalement,…

M. Thibault Bazin. Et les ordonnances, est-ce que l'on pourra s'en emparer ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre . …mais pas en prenant des postures, ou en multipliant des incidents, (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LR, SOC, GDR et FI), qui nous écarteraient du véritable objectif de la nation : garantir un système universel de retraite, viable, durable, solide, équitable, plus juste que les systèmes actuels, qui, vous le savez aussi bien que moi, sont marqués par une diversité de situations confinant bien souvent à l'injustice.

M. Patrick Hetzel. Tout ça, ce sont des approximations, et vous le savez !

M. Adrien Quatennens. Il faut retirer le texte !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Notre objectif est de faire mieux.

M. Maxime Minot. Qui paiera ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre . Je suis sûr que le débat parlementaire permettra d'aboutir à un excellent texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)