Instex et le contournement de l'extraterritorialité des sanctions américaines
Question de :
M. Hugues Renson
Paris (13e circonscription) - La République en Marche
M. Hugues Renson interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur le mécanisme Instex (Instrument in support of trade exchanges). En effet, afin de contribuer à la préservation du JCPoA, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont fait de nombreux efforts, notamment via la création en janvier 2019 du mécanisme Instex, outil destiné à faciliter les transactions commerciales légitimes entre les acteurs économiques européens et l'Iran. Cet outil devait permettre de favoriser le commerce avec l'Iran en contournant l'extraterritorialité des sanctions américaines et en se concentrant sur les secteurs les plus essentiels pour la population iranienne (produits pharmaceutiques, dispositifs médicaux et produits agroalimentaires). Toutefois, le mécanisme s'avère aujourd'hui infructueux, les menaces de Washington dissuadant les entreprises européennes de recourir à la chambre de compensation. Il lui demande ainsi d'expliquer dans quelle mesure le mécanisme Instex n'a pas produit les résultats escomptés, à combien sont estimées les pertes commerciales engendrées par la fermeture du marché iranien pour les entreprises françaises et européennes depuis la reprise des sanctions américaines, et si le mécanisme de règlement des différends pourrait permettre de créer un espace de dialogue pour tenter de mettre en place Instex.
Réponse publiée le 8 septembre 2020
Le retour des sanctions américaines a rendu extrêmement difficile le commerce avec l'Iran pour nos entreprises, y compris pour les secteurs qui ne sont pas directement visés par les sanctions, notamment en raison d'un phénomène de sur-conformité. La France, le Royaume-Uni et l'Allemagne (E3) restent pleinement mobilisés en faveur du JCPoA et pour travailler avec l'Iran afin que ce dernier revienne au plein respect de ses engagements au titre de l'accord. Ensemble, les E3 ont créé Instrument in Support of Trade Exchanges (INSTEX) le 31 janvier 2019. L'objet de cette société est de fournir une solution aux opérateurs européens souhaitant commercer légitimement avec l'Iran. Les produits inclus dans la première phase de développement d'INSTEX, notamment des secteurs agroalimentaires et médicaux, correspondent à 69% de nos exportations vers l'Iran en 2018/2019. Les travaux sur l'opérationnalisation d'INSTEX posent les bases d'une réflexion globale sur la souveraineté économique européenne. En dépit d'un contexte international difficile, INSTEX a formalisé un dialogue avec la société miroir Special Trade and Finance Instrument STFI, en Iran, chargée d'assurer la partie compensation coté iranien. INSTEX est dotée d'une équipe opérationnelle et a amorcé un dialogue étroit avec des opérateurs européens intéressés par le marché iranien. Six pays (la Belgique, la Norvège, le Danemark, les Pays-Bas, la Finlande, et la Suède) ont annoncé en décembre dernier qu'ils rejoignaient INSTEX et le processus d'adhésion est d'ores et déjà finalisé pour les quatre premiers. INSTEX a par ailleurs finalisé le 26 mars 2020 sa première transaction, facilitant l'exportation médical de l'Europe vers l'Iran. Ces travaux d'opérationnalisation se poursuivent, tout comme le dialogue et la coordination entre les équipes d'INSTEX et de STFI côté iranien. Les efforts d'opérationnalisation d'INSTEX s'inscrivent dans le cadre de l'engagement résolu des E3 en faveur de la préservation du TheJoint Comprehensive Plan of Action JCPoA. La France, comme ses partenaires britannique et allemand, continue d'appeler l'Iran à revenir sans délai au plein respect de ses engagements nucléaires au titre du JCPoA. C'est pour ouvrir un espace de dialogue dans cette perspective, et au vu des graves conséquences des mesures iraniennes en matière de prolifération, que le mécanisme de règlement des différends du JCPoA a été déclenché par les E3 le 14 janvier 2020. Le contexte global pèse bien évidemment sur nos échanges commerciaux bilatéraux. Ainsi, nos exportations vers l'Iran ont été ramenées de 868 M€ à 376 M€ (-56%) entre 2018 et 2019 (1,5 Md€ en 2017). Les produits pharmaceutiques restent notre premier poste d'exportation. Par ailleurs, la valeur des échanges entre l'UE28 et l'Iran a été ramenée de près de 14 Mds€ en 2018 à 5,2 Mds€ en 2019, soit une baisse de 62,7% en glissement annuel (g.a). Si les ventes de l'Allemagne et de l'Italie avaient bien résisté en 2018 (respectivement -8% et -3% en g.a.), en 2019 leur recul est plus proche du niveau observé pour la France (-37% et -42%). Les meilleures performances commerciales de l'Allemagne et l'Italie s'expliquent par leurs spécialisations sectorielles, la taille et les stratégies industrielles de leurs opérateurs mais aussi des correspondances bancaires avec l'Iran plus résilientes.
Auteur : M. Hugues Renson
Type de question : Question écrite
Rubrique : Commerce extérieur
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Économie, finances et relance
Dates :
Question publiée le 4 février 2020
Réponse publiée le 8 septembre 2020