Surtaxe douanière sur les produits français aux États-Unis
Question de :
Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe
Eure (3e circonscription) - La République en Marche
Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur la menace d'augmentation des droits de douane sur les produits français aux États-Unis. Le 11 juillet 2019, la France adoptait définitivement la mise en place d'une taxe sur les géants du numérique à hauteur de 3 % de leur chiffre d'affaires, censée rapporter 650 millions d'euros en 2020. C'est une mesure qui a été perçue comme une volonté de nuire à l'économie américaine par les États-Unis qui ont menacé en représailles d'augmenter de 100 % les droits de douane sur les produits français. Le 31 mai 2018, les États-Unis avaient déjà annoncé la mise en place de nouveaux tarifs douaniers sur les importations d'acier et d'aluminium à destination du territoire américain. Le 18 octobre 2019, ils imposaient avec l'autorisation de l'OMC, une nouvelle augmentation des droits de douane de 25 % sur les importations en provenance de l'Union européenne. La menace visant les produits français, suite à la mise en place de la taxe sur les géants du numérique, apparait tout à fait plausible. Si elle devait être mise à exécution, 63 produits seraient potentiellement sanctionnés, ce qui représenterait près de 2,4 milliards de dollars de produits français (principalement cosmétiques, maroquinerie, porcelaine, vins pétillants, produits laitiers). Sur l'année 2018, les États-Unis ont importé 52,4 milliards de dollars de produits français. À l'été 2019, en marge du G7 à Biarritz, la France avait assuré que la taxe sur les géants du numérique serait provisoire, le temps qu'une décision globale soit prise par l'OCDE qui s'est emparée du sujet, l'objectif étant d'aboutir à une taxe internationale. Dans l'attente de cet hypothétique accord, la France a depuis annoncé le report du paiement des deux premiers acomptes de 2020, qui devaient être prélevés en avril et en novembre au titre de la taxe GAFA. Aussi, elle souhaiterait connaître l'état des négociations en cours pour que cette taxe soit appliquée sans risquer de nuire aux échanges commerciaux entre la France et les États-Unis.
Réponse publiée le 25 août 2020
Le 2 décembre 2019, le Représentant au Commerce américain avait conclu à l'issue de son enquête sur la taxe numérique française qu'elle avait un caractère « discriminatoire, déraisonnable et restrictif pour le commerce américain ». Sur la base de cette conclusion, il avait proposé que soient adoptées plusieurs mesures pour répondre aux effets négatifs de cette taxe sur l'économie américaine dont l' « imposition de droits, pénalités ou de toute autre restriction sur les biens ou services français ». Etaient notamment envisagées deux mesures : (i) l'imposition de droits de douane supplémentaires pouvant aller jusqu'à 100 % contre certains produits français dont le montant des exportations vers les Etats-Unis s'élevait à 2,4 Mds USD en 2018 ; (ii) l'imposition de pénalités financières et de restrictions sur le commerce de services depuis la France, sans plus de précisions, l'objectif de l'administration étant d'annuler l'impact prétendu sur l'économie américaine estimé à 500 M €. Ces propositions de mesures ont fait l'objet d'une procédure de consultation publique ouverte jusqu'au 14 janvier 2020, ce qui permettait, en théorie, à l'administration américaine d'adopter des mesures contre les exportations françaises dès le mois de février 2020. La France a contesté vigoureusement les conclusions de l'administration américaine mais a privilégié la voie de la négociation. A la suite de nombreux échanges entre les exécutifs français et américain, un accord a été trouvé lors du forum de Davos en janvier 2020. Selon cet accord, la France s'est engagée à suspendre jusqu'en décembre 2020 le prélèvement des acomptes dus au titre de la taxe sur les services numériques et les Etats-Unis se sont engagés à ne pas imposer de sanctions sur les exportations françaises au titre de la section 301 dans ce même laps de temps. A ce titre, aucune sanction envisagée par les autorités américaines dans ce cadre n'est à ce jour activée. L'objectif de cette trêve est in fine de trouver un accord à l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) d'ici la fin de l'année. En effet, notre priorité pour le moment est de trouver une solution à l'OCDE pour élaborer des principes multilatéraux de taxation qui répondent aux enjeux fiscaux posés par la digitalisation de l'économie. Le fait que l'United States Trade Representative (l'USTR) impose ou non des sanctions est lié, sur le fond, à notre capacité à trouver une solution globale à l'OCDE. Au cours des derniers mois, le Gouvernement a travaillé intensivement pour atteindre cet objectif, formulé des propositions, pris en compte les observations de l'administration américaine, appuyé le secrétariat de l'OCDE à proposer un compromis efficace, qui permette une juste taxation du numérique sur le lieu de consommation par les utilisateurs. A ce titre, les discussions avec le Trésor américain restent actives. Les Etats-Unis ont en effet fait de l'élaboration d'une taxation internationale une priorité de leur présidence du G7 en 2020. Le Gouvernement sera bien sûr attentif à ce que leurs propositions soient sérieuses et permette de dégager une vraie solution. Dans l'hypothèse cependant où aucun accord n'était trouvé à la fin de l'année à l'OCDE et que l'USTR décidait malgré tout d'imposer des sanctions contre les exportations françaises, le Gouvernement a déjà échangé à plusieurs reprises avec le Commissaire européen chargé du commerce et convenu que, contestant la légalité des sanctions américaines, le Gouvernement envisagerait toutes les options possibles, y compris d'éventuelles mesures de rééquilibrage et porterions en tout état de cause le cas devant l'Organe de règlement des différends de l'OMC. Par ailleurs et comme cela a déjà été entrepris pour les secteurs soumis aux sanctions tarifaires dans le cas du contentieux Airbus-Boeing, des mesures d'accompagnement seraient, le cas échéant, mises en place pour les filières impactées.
Auteur : Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe
Type de question : Question écrite
Rubrique : Commerce extérieur
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Économie, finances et relance
Dates :
Question publiée le 4 février 2020
Réponse publiée le 25 août 2020