15ème législature

Question N° 262
de M. José Evrard (Non inscrit - Pas-de-Calais )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > santé

Titre > La situation sanitaire dans le Pas-de-Calais

Question publiée au JO le : 27/03/2018
Réponse publiée au JO le : 04/04/2018 page : 2314

Texte de la question

M. José Evrard attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur la situation sanitaire dans l'ancien bassin minier, la liaison avec sa désindustrialisation et l'abandon par les pouvoirs publics des services de soins et hospitaliers.

Texte de la réponse

SITUATION SANITAIRE DANS LE PAS-DE-CALAIS


M. le président. La parole est à M. José Évrard, pour exposer sa question, n°  262, relative à la situation sanitaire dans le Pas-de-Calais.

M. José Evrard. Madame la ministre des solidarités et de la santé, selon un sondage publié dans Le Figaro du 26 mars, les Français constatent une dégradation sensible de leur système de santé. La population de l'ancien bassin minier du Pas-de-Calais, notamment du territoire lensois, est particulièrement touchée par cette évolution négative.

Cet affaissement du système de santé s'effectue dans un contexte de déliquescence d'un territoire où l'emploi se raréfie, où la population se transforme et se fragilise, tant sur le plan physique que psychique, et où les anciennes solidarités de classe se diluent.

L'ancien bassin minier, où vit 1,2 million de personnes, connaît en effet depuis la fin des années quatre-vingt un déclin qui semble inexorable. Le taux de chômage, supérieur à la moyenne nationale, y est de 13 %, atteignant même 20 % dans certaines de ses zones, tandis que le taux de pauvreté se situe à 23,1 %, contre 18,2 % au niveau régional et 14,5 % au niveau national.

À partir de 1945, les luttes des mineurs et de leurs élus ont permis de mettre en place un modèle sanitaire original, constitué d'un réseau de centres médicaux de pointe, qui, adjoint au système de santé publique, assurait aux populations de l'ancien bassin minier à la fois prévention et soins performants.

L'arrêt de l'exploitation charbonnière et la fermeture des usines ont tout remis en cause. Quant à la réindustrialisation de l'ancien bassin minier, elle n'a pas été à la hauteur des enjeux.

Depuis l'explosion de ce modèle, une partie de la population, en augmentation, présente un état de santé dégradé. Les indicateurs de santé des hommes et des femmes du bassin minier sont très anormalement médiocres. Le constat est connu : la surmortalité dans le bassin minier par rapport à la moyenne régionale est particulièrement nette pour certaines maladies respiratoires, pour les maladies de l'appareil circulatoire et pour la plupart des cancers. À titre d'exemple, la mortalité des hommes par cancer y est 74,5 % plus élevée que la moyenne française.

Alors que dans un tel contexte, un soin particulier devrait être accordé à l'ancien bassin minier, un véritable plan de démolition du réseau médical et du service public de santé est appliqué. Je suis sensible à l'action des syndicats qui alertent l'opinion sur ce sujet.

Les fermetures de lits et les suppressions de postes se multiplient au fil des sévères coupes budgétaires imposées à l'hôpital public, alors même que les besoins de la population s'accroissent. Le plan triennal pour les années 2015 à 2017 de l'ancienne ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, a imposé des économies de 3 milliards d'euros sur trois ans. L'actuel gouvernement persiste : 1,6 milliard d'euros sont réclamés pour 2018.

Pour continuer de fonctionner, les hôpitaux s'endettent de façon inquiétante. En 2018, ils connaîtront un déficit historique de 1,5 milliard d'euros, soit une multiplication par trois en deux ans.

La création du futur pôle hospitalier à Lens apparaît sous-dimensionnée. Son ouverture est conditionnée à la réduction drastique des déficits des hôpitaux publics, entraînant des restructurations forcées sous couvert de mutualisation, des fermetures de services, des suppressions massives de lits, ainsi qu'une accélération des transferts d'activités entre établissements du groupement hospitalier de territoire – GHT –, selon une recommandation de l'Union européenne, pour aboutir finalement à une baisse de la qualité des soins, à de plus mauvaises conditions de travail des personnels, dans l'objectif de privatiser la santé.

La situation dans le bassin minier exige un plan d'une ampleur exceptionnelle pour restaurer la santé de la population et éviter une catastrophe humaine. En conséquence, je vous demande, madame la ministre, de bien prendre la mesure des enjeux de santé sur ce territoire. N'est-il pas urgent de décréter un plan ambitieux pour la santé, afin de ne pas ajouter du malheur au malheur que cette région connaît déjà ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le député, il est tout à fait exact que l'état de santé d'une population est en grande partie corrélé à sa situation socio-économique. Les indicateurs de santé de ce territoire, bien qu'en amélioration, restent effectivement préoccupants.

Au-delà de l'effet mécanique qui pourrait résulter de la hausse générale du niveau social de la population, l'amélioration des indicateurs de santé à long terme – on parle en effet là de générations – sur ce territoire passe par des changements significatifs des comportements, et donc par un investissement majeur dans les champs de la prévention et de la promotion de la santé.

En partenariat avec les acteurs locaux, l'État a décidé de se mobiliser de manière ambitieuse dans le cadre de l'engagement pour le renouveau du bassin minier. Le projet de reconstruction du centre hospitalier de Lens a abouti à l'annonce d'un financement de l'État de 102 millions d'euros. La projection du nombre de lits, qui est en effet en baisse, n'en correspond pas moins aux besoins actuels et futurs de l'hôpital en tant qu'établissement public de santé de recours pour le bassin minier du Pas-de-Calais dans le cadre du GHT de l'Artois.

L'objectif des GHT est en effet d'offrir à la population une meilleure organisation et une meilleure gradation des soins afin d'en garantir la qualité et la sécurité, mais aussi de consolider les activités et favoriser l'attractivité du territoire aux yeux des équipes médicales.

La réduction du nombre de lits, qui n'est pas spécifique au bassin minier, n'est pas le signe d'une diminution de l'offre, mais plutôt celui d'une politique volontariste de développement des soins ambulatoires qui entraîne la réduction des durées moyennes de séjour.

L'ARS est porteuse d'une stratégie très ambitieuse pour ce territoire. Dans le cadre du nouveau plan régional de santé, qui identifie le bassin minier dans son ensemble comme prioritaire, nous souhaitons déployer une stratégie commune avec l'assurance maladie, pour augmenter la participation aux dépistages des cancers – cancer du sein, cancer colorectal, et bientôt, cancer du col – sur des cantons ciblés, en croisant le taux de défaveur sociale et le taux actuel de participation pour chacun des dépistages. Nous comptons également déployer un programme d'actions de prévention et de promotion de la santé pour réduire le tabagisme, en particulier dans le Lensois et le Valenciennois.

Par ailleurs, la médiation en santé sera développée.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Agnès Buzyn, ministre . Monsieur le député, je n'ai pas le temps de faire la liste de toutes nos actions, mais je peux vous assurer que nous avons fait du bassin minier une action prioritaire de l'ARS.