Déclaration d'une adolescente sur l'islam
Question de :
M. José Evrard
Pas-de-Calais (3e circonscription) - Non inscrit
M. José Evrard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les prolongements des déclarations d'une jeune fille à propos de l'islam. Sur Instagram, une adolescente a donné son avis concernant l'Islam. Elle a repris, en quelque sorte, ce qui fût dit, il y a plusieurs mois, par un écrivain célèbre et prix Goncourt. Depuis, elle fait l'objet d'intimidations et de menaces d'agressions, certaines allant jusqu'à envisager son homicide. Le président de l'office du culte musulman, fraichement élu, considère, lui, « qu'elle l'a bien cherché ». Ce qui augure mal cette nouvelle présidence d'un organisme dont on cherche encore l'utilité. La vie de l'adolescente est à ce point bouleversée qu'elle ne peut plus suivre sa scolarité. Les pouvoirs publics, loin de protéger cette jeune compatriote, ne semble pas avoir pris les mesures qui s'imposent devant ce qu'il faut bien appeler un déchaînement sinon inhabituel et contraire aux mœurs françaises. On n'a rien constaté d'équivalent lorsqu'un « humoriste » sur la radio de service public a insulté celui qui est à l'origine de la religion chrétienne. De plus, comme pour donner raison à ceux qui veulent inscrire le blasphème dans le droit français, un procureur a ouvert une enquête visant cette jeune compatriote pour « incitation à la haine raciale ». Il lui demande s'il ne serait pas temps qu'elle rappelle à son administration que certes, la France est un pays de droit, mais aussi, et, avant une tout, une république qui a mis la liberté sur tous les frontons publics.
Réponse publiée le 4 mai 2021
Le garde des Sceaux entend rappeler l'attachement indéfectible de la France à la défense de la liberté d'expression, ainsi que l'engagement du ministère de la justice dans la lutte contre toutes les formes de haine. La liberté d'expression ne saurait en effet souffrir d'autres restrictions que celles prévues par la loi. S'agissant de l'affaire particulière évoquée présentement, et qui a été largement relayée par les médias, il est nécessaire de préciser qu'en application de l'article 1er de la loi du 25 juillet 2013, il n'appartient pas au ministre de la justice de donner quelque instruction que ce soit aux parquets dans le cadre de dossiers individuels, ni d'interférer dans les procédures judiciaires, en raison des principes constitutionnels de séparation des pouvoirs et d'indépendance de l'autorité judiciaire. Il est toutefois possible d'indiquer que le procureur de la République de Vienne a classé sans suite les poursuites à l'encontre de Mila du chef de provocation à la haine. En effet, la jurisprudence française opère une application stricte du délit de provocation publique à la haine ou à la violence prévu par l'article 24, 7° de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, de sorte qu'en l'absence de propos incitant à discriminer, à commettre des violences ou incitant à la haine à l'encontre d'une personne ou d'un groupe de personnes, aucune poursuite ou condamnation pénale n'est possible. En posant cette limite permettant de garantir le débat public, la Cour de cassation s'assure que le droit à la liberté d'expression de chacun est préservé et que le délit de blasphème, supprimé de notre droit pénal, ne soit pas réintroduit dans les faits. L'évolution des modes d'expression des actes et propos haineux, à la faveur notamment du développement de l'internet et des réseaux sociaux a, de manière générale, entraîné une nécessité d'adaptation des dispositifs judiciaires. La lutte contre la haine en ligne constitue ainsi l'un des piliers du plan national de lutte contre le racisme et l'antisémitisme pour la période 2018-2020. Son traitement nécessite une centralisation des acteurs, tant judiciaires que policiers, indispensable dans ce contentieux très technique. Le ministère de la justice a d'ailleurs diffusé une circulaire de lutte contre les discriminations, les discours et comportements haineux le 4 avril 2019 pour appeler l'attention des procureurs sur la nécessité d'apporter à ces faits une réponse pénale ferme et empreinte de pédagogie. Par ailleurs, la loi Avia a conféré à la juridiction parisienne une compétence nationale concurrente à celle des autres juridictions pour les délits de harcèlement sexuel ou moral, aggravés par le caractère discriminatoire dès lors qu'ils sont commis par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne, et font l'objet d'une plainte en ligne. Outre ce dispositif, la circulaire du garde des Sceaux du 24 novembre 2020 a institué un pôle national de lutte contre la haine en ligne au tribunal judiciaire de Paris. Ce pôle centralise depuis le 1er janvier 2021 le traitement des affaires significatives de cyber-harcèlement, de haine en ligne, de provocation et d'apologie du terrorisme, selon des critères de saisine tenant à la complexité de la procédure ou au fort trouble à l'ordre public engendré par les faits. La loi du 23 mars 2019 a consacré la plainte en ligne qui nécessite encore des développements techniques préalables. Une équipe dédiée au développement de la plainte en ligne, composée de représentants de la police nationale, de la gendarmerie nationale et du ministère de la justice a été constituée au mois de février 2020. Enfin, le projet de loi confortant les principes de la République, en cours d'examen au Parlement, dans son article 18, crée un délit de mise en danger par diffusion et informations personnelles. Ce délit incrimine plus particiculièrement les propos haineux tenus sur les réseaux sociaux qui, sans constituer des provocations directes d'un crime ou d'un délit poursuivent en réalité les mêmes objectifs.
Auteur : M. José Evrard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Religions et cultes
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 4 février 2020
Réponse publiée le 4 mai 2021