15ème législature

Question N° 263
de M. Dominique Potier (Nouvelle Gauche - Meurthe-et-Moselle )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Porte-parole du Gouvernement
Ministère attributaire > Porte-parole du Gouvernement

Rubrique > impôts et taxes

Titre > optimisation et fraude fiscales

Question publiée au JO le : 09/11/2017
Réponse publiée au JO le : 09/11/2017 page : 4493

Texte de la question

Texte de la réponse

OPTIMISATION ET FRAUDE FISCALES


M. le président. La parole est à M. Dominique Potier, pour le groupe Nouvelle Gauche.

M. Dominique Potier. Monsieur le Premier ministre, dans le débat sur l'optimisation et la fraude fiscales, certains Tartuffes opposent le légal et le moral ; comme si notre première mission n'était pas de rendre illégal ce qui est profondément immoral. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes NG, GDR et FI.) Il y a les hypocrites et ceux qui ne le sont pas, et je vous fais crédit de faire partie des seconds.

Tout a été dit sur l'optimisation fiscale, sur l'effondrement civique, la concurrence déloyale et l'affaiblissement de la puissance publique qu'elle provoque. Passée l'émotion, il faut agir. Or ce que nous avons entendu jusqu'à présent ne nous satisfait pas totalement.

Nous voulons donc contribuer à la recherche de solutions. L'expérience qui est la nôtre, et à laquelle je vous remercie d'avoir rendu hommage hier, dans cet hémicycle, nous a appris deux ou trois choses dont j'aimerais vous faire part.

La limite imposée par la règle européenne de l'unanimité et la constitutionnalité posent problème. La première peut être dépassée par la voie juridique davantage que par la voie fiscale, car elle ne requiert qu'une majorité qualifiée. Y êtes-vous prêt ?

S'agissant de la constitutionnalité, j'ai fait l'expérience, en tant que rapporteur pour avis de la loi dite Sapin 2, d'une opposition qui s'appuyait sur l'argument systématique de la liberté d'entreprise. Celle-ci, inscrite dans notre Constitution après la Révolution française, était un droit donné aux sociétés pour résister à l'absolutisme ; mais au XXIe siècle, force est de constater que ce droit en est devenu l'instrument même.

Êtes-vous prêt à repenser la Constitution pour que l’État de droit consacre de vraies libertés, celle de l'épargnant lorsqu'il entend placer son argent, celle du salarié avec lequel il veut coopérer et celle du citoyen avec lequel il veut s'engager ? Y êtes-vous prêt, enfin et peut-être surtout, au nom du respect dû à ceux qui entreprennent sans opposer l'esprit d'entreprise et l'éthique ? Si vous vous engagez sur la voie d'une telle révision, vous serez soutenu par une large majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe NG et sur plusieurs bancs des groupes GDR et FI.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.

M. Sébastien Jumel. Pas d'échappatoire !

M. Stéphane Peu. Ne faites pas une réponse comme tout à l'heure !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Je veux saluer, monsieur le député, votre engagement constant et celui de la précédente majorité dans la lutte contre la fraude fiscale. L'aspect légal ressortit évidemment au Parlement, qui est libre de s'associer aux travaux de réflexion sur de nouveaux mécanismes. Ceux-ci permettront de lutter contre ce que certains appellent parfois « optimisation fiscale », mais qui, à mon sens, relève plutôt de pratiques que la loi pourrait condamner.

Je ne puis laisser dire que peu a été fait. Notre administration est très mobilisée. Je ne veux pas vous abreuver de chiffres, mais près de 47 331 demandes de renseignements ont été formulées par la France en 2016, et 580 000 données transmises.

M. Sébastien Jumel et M. Stéphane Peu . Et 3 000 postes de contrôleur fiscal en moins !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État. Suite à la révélation des « Panama papers », la France a diligenté 411 contrôles et formulé 299 demandes de renseignements auprès des États hébergeant des structures offshore. C'est sans doute insuffisant au regard du volume des affaires,…

M. Stéphane Peu. Oui !

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État . …mais beaucoup plus que ce qu'ont fait toutes les administrations étrangères, puisque la France, à elle seule, a ouvert 15 % des dossiers.

En ce domaine, notre logique et notre pratique sont celles de la tolérance zéro. Ainsi, nous avons d'ores et déjà annoncé la fermeture, le 31 décembre 2017, du service de traitement des déclarations rectificatives.

N'ayons pas peur d'aller plus loin – et je suis certain que le Parlement sera heureux de participer à ce débat qui l'intéresse – en nous inspirant, par exemple, de pratiques anglo-saxonnes telles que le « name and shame », qui présente des avantages. Je l'ai dit, nous accueillerons favorablement toute proposition utile, comme la déchéance automatique des droits civiques en cas de fraude aggravée. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)