Rubrique > fonctionnaires et agents publics
Titre > Pour les enseignants, de la carotte et du bâton
M. François Ruffin interpelle M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse sur la revalorisation des rémunérations : des primes pour l'encadrement, mais quoi pour les enseignants ? Par un arrêté du 1er décembre 2019, M. le ministre a augmenté les plafonds des primes accordées aux cadres administratifs de ses services : secrétaires généraux, recteurs, directeurs académiques (DASEN). Pour le complément indemnitaire, il l'a remonté de 8 820 euros à 12 940 euros, soit plus de 50 % ! Quant à l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE), son plafond est relevé de 2 000 euros, pour atteindre 51 760 euros. C'est généreux de sa part et assez rare. M. le ministre n'est pas coutumier, en effet, des augmentations : il a même débuté au ministère en reportant celle de 300 euros bruts annuels obtenue par les enseignants lors du mandat précédent. C'était, dit-il désormais, une manière de reculer pour mieux sauter : il a annoncé une revalorisation sonnante et trébuchante des professeurs de 10 milliards d'euros, dont 500 millions dès 2021. Comment expliquer une évolution aussi radicale ? Pour compenser, semble-t-il, en partie, la réforme des retraites, qui pourrait leur faire perdre jusqu'à 900 euros sur leur pension mensuelle. Le Conseil d'État a averti sur la faiblesse juridique de cet engagement. C'est la carotte, donc, pour que le monde enseignant ne renâcle pas et qui va avec le bâton. Car M. le ministre lie cette revalorisation à une « évolution » du métier d'enseignant. Qui refuserait d' « évoluer » ? Le Président de la République a lui-même déjà annoncé que cette « évolution » se répercuterait sur leur temps de travail, et notamment sur leurs vacances. Or, qui tiendra ce bâton ? Les secrétaires généraux, les recteurs et les DASEN : ceux dont il vient d'augmenter les primes ; ceux qui exercent sur les enseignants une autorité hiérarchique, et qui seront chargés demain de leur imposer les réformes que M. le ministre leur dictera. Ce sale boulot en vue, il faut qu'ils en soient d'avance bien récompensés. Alors qu'une directrice d'école, Christine Renon, s'est suicidée, mettant en cause, explicitement, l' « évolution » de son métier, alors qu'un enseignant du secondaire sur cinq souffrirait de burn-out, alors que l'inscription aux concours chute. Bref, le système éducatif craque sous les missions supplémentaires, les horaires toujours plus lourds, et le mépris constant. Relever les primes des secrétaires généraux, recteurs et autres DASEN n'a réclamé aucune négociation, aucune contrepartie. Il lui demande pourquoi il n'en fait pas de même avec les enseignants et pourquoi les infantiliser, eux, avec carotte et bâton.