Question au Gouvernement n° 2661 :
Retraite des avocats

15e Législature

Question de : M. Julien Aubert
Vaucluse (5e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 5 février 2020


RETRAITE DES AVOCATS

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. J'associe à cette question mon collègue Olivier Dassault, qui défend le barreau de Beauvais comme moi celui d’Avignon et de Carpentras.

M. Sébastien Jumel. Il défend surtout les barreaux de chaise !

M. Julien Aubert. En effet, monsieur le Premier ministre, ma question concerne les avocats. J'étais avec eux hier pour protester contre votre réforme des retraites. Au-delà des avocats, c'est la question des indépendants et des professions libérales car votre projet de loi risque d’avoir un impact désastreux sur leur future carrière.

Votre projet actuel, sous couvert d’universalité, veut en réalité uniformiser des carrières et professions objectivement différentes, en mettant dans le même sac salariés et libéraux, en confondant régimes spéciaux et caisses autonomes, en mettant sur le même plan des régimes déficitaires et des régimes excédentaires.

Dans le système que vous imaginez, les avocats percevant moins de 40 000 euros par an, soit la moitié de la profession, verront leur taux de cotisation doubler pour une pension qui baisserait d’un tiers : qui veut payer plus pour gagner moins ? En faisant cela, vous allez étrangler financièrement des milliers d’avocats, ceux qui font vivre l'aide juridictionnelle et qui assurent une mission de proximité d’accès au droit pour nos compatriotes les plus modestes.

La réponse à ce malaise est pour le moins fumeuse : on parle de baisse des cotisations hors retraite, c’est-à-dire de la CSG. On parle aussi d’utiliser une partie des réserves accumulées par les avocats. Quand on sait que toutes les professions libérales sont concernées par cette hausse massive, on note la désinvolture. Non seulement vous les cocufiez mais en plus vous leur demander de payer la chambre !

M. Erwan Balanant. Quelle classe !

M. Julien Aubert. Il est urgent de sortir de cette grève sans précédent des barreaux. Ma question est donc simple : quand allez-vous proposer une sortie raisonnable et respectueuse de leurs droits ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Agnès Thill applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Fabien Di Filippo. Ministre de l'injustice !

Un député du groupe LR . Démission !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député Aubert, l'élégance de votre question n'a d'égale que l'inexactitude de vos propos. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Maxime Minot. Un peu moins de condescendance ! Voulez-vous que nous parlions du blasphème ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . La mobilisation des avocats contre le projet de réforme des retraites trahit une inquiétude de la profession dont nous avons absolument conscience et c'est bien pour répondre à ces inquiétudes que le Gouvernement a fait un certain nombre de propositions. Elles supposent évidemment d'entrer dans le régime universel des retraites, ce que les avocats refusent par principe. Or nous pensons qu'il s'agit d'un progrès,…

M. Maxime Minot. Pipeau ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . …d'un véritable élément de justice sociale et c'est pourquoi nous souhaitons qu'ils puissent l'intégrer.

Nous voulons toutefois prendre en compte les particularités de leur profession. Dans ce cadre, nous avons fait au moins trois propositions que je vous livre ici. Premièrement leurs pensions ne baisseront pas. Nous avons fait plusieurs simulations, notamment pour un revenu de 32 000 euros, qui est inférieur au revenu médian. Nous pouvons affirmer que les pensions ne baisseront pas.

Plusieurs députés du groupe LR . C'est faux !

Mme Valérie Boyer. Jusqu'à quand ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Deuxièmement, et je tiens à le dire ici, les avocats pourront conserver une caisse propre et assurer la gestion de leurs réserves. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Fabien Di Filippo. Rendez l'argent !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . C'est un point qui, je crois, est important pour eux.

Un troisième élément est également important, c'est celui sur lequel vous insistez ; il s'agit des cotisations. Nous proposons des dispositifs de transition…

Mme Valérie Boyer. Nous y voilà !

M. Damien Abad. C'est bien là que le bât blesse !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . …vers le système universel pour ne pas mettre en péril l'économie des cabinets.

M. Jean-Luc Reitzer. Encore une usine à gaz !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . Nous avons fait dans ce cadre plusieurs propositions sur les cotisations et contrairement à ce que j'entends encore trop souvent, je le dis ici clairement devant vous, non, nous ne demanderons pas aux avocats de doubler l'effort pour financer leurs retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

Avec M. le Premier ministre, je reçois à nouveau les avocats ce soir. Nous leur redirons cela très clairement, en leur faisant des propositions et en leur donnant des garanties. (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Madame la ministre, l'euphémisation de votre réponse ne cache pas la brutalité de votre méthode. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Les avocats savent lire, ils ont très bien compris.

La brutalité de la réforme de la carte judiciaire, qui va se terminer sans doute par la disparition de certains juges pour les départements qui ont le malheur d'avoir un député LR d'après Le Canard enchaîné, conjuguée avec la baisse des…

M. le président. Merci, monsieur le député.

Données clés

Auteur : M. Julien Aubert

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Retraites : régimes autonomes et spéciaux

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 février 2020

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