15ème législature

Question N° 267
de M. Alain Bruneel (Gauche démocrate et républicaine - Nord )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Titre > Situation de la justice en France et à Douai

Question publiée au JO le : 10/04/2018
Réponse publiée au JO le : 18/04/2018 page : 2988

Texte de la question

M. Alain Bruneel alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des tribunaux de Douai, sur l'organisation judiciaire territoriale et sur les moyens alloués à la justice.

Texte de la réponse

TRIBUNAUX DE DOUAI


M. le président. La parole est à M. Alain Bruneel, pour exposer sa question, n°  267, relative aux tribunaux de Douai.

M. Alain Bruneel. Madame la ministre, la semaine dernière, dans cet hémicycle, j'ai eu l'occasion de demander au Gouvernement s'il entendait la colère des Français, et notamment celle des métiers de la justice. Sans prétention aucune, je n'ai pas eu de réponse à la hauteur de ma question. Pourtant dans l'ensemble des juridictions, la colère est toujours aussi forte. Avocats, magistrats, greffiers, personnels administratifs : tous plaident contre la réforme annoncée de la justice. Les conclusions rendues dans le cadre des chantiers de la justice préconisent de nouvelles méthodes de travail cherchant, je cite, à garantir « un maillage de la justice irriguant l'ensemble des territoires, une organisation géographique plus lisible et un meilleur accès au droit et au juge ». À la lecture du projet de loi de programmation pour la justice, j'y vois plutôt un effondrement du système juridictionnel au détriment, encore une fois, des justiciables et des territoires les plus fragiles.

Certes, à propos des tribunaux d'instance et de grande instance, vous n'employez pas le terme de fermeture, lui préférant celui de fusion. Or les tribunaux d'instance sont des juridictions de proximité, rapides, clairement identifiées et proches des justiciables. Ces futurs lieux, vidés de leurs compétences premières, deviendront des « super-tribunaux », mais sans avoir pour autant plus de moyens ni d'effectifs. Vous proposez également la dématérialisation. Le règlement des petits litiges sera totalement déshumanisé et se passera parfois sans audience, sans aucune possibilité d'avoir accès au juge. Aujourd'hui, les tribunaux d'instance ont des délais de traitement de six mois contre quinze mois dans les tribunaux de grande instance, et un taux d'appel de 6 % seulement. Alors ma question sera simple : pourquoi s'en prendre à ce qui fonctionne ?

Autre point de désaccord, la spécialisation des tribunaux et des cours d'appel pouvant intervenir à n'importe quel moment par décret, après avis des chefs de cour. Pour étayer mon propos, je prendrai l'exemple d'un couple entamant une procédure de divorce à Douai, mais qui, pour le traitement de la liquidation de leur communauté de vie, devra peut-être aller à Dunkerque ou dans une autre ville pour s'adresser à un tribunal spécialisé en la matière. Pardonnez-moi, madame la ministre, mais je n'y vois ni simplification ni proximité pour les justiciables.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je voudrais brièvement réaffirmer ici mon ambition pour la justice, qui sera le fil rouge de la loi de programmation. Il s'agit de garantir une justice à la fois plus proche, plus efficace et plus rapide pour les justiciables – qui se trouvent au centre de toute la réforme. C'est pourquoi je répète devant vous, monsieur le député, que tous les tribunaux d'instance seront maintenus dans le plein exercice de leurs compétences, qui sera garanti par décret, avec affectation correspondante de magistrats. Cela montre notre volonté de garantir la proximité de la justice pour le justiciable. Les tribunaux de grande instance seront également maintenus dans le plein exercice de leurs compétences. Simplement, dans les départements où il y en a plusieurs, si des chefs de cour souhaitent répartir les compétences spécialisées de façon à réaliser un maillage équilibré sur le territoire, nous pourrons examiner ces propositions de terrain. Attention, je ne parle pas du divorce, mais de compétences de faible volume, très complexes et très techniques. Il n'y a là rien qui éloigne le justiciable de ses juges ; au contraire, cette possibilité doit rendre la justice plus rapide et plus efficace, vu que les affaires seront traitées par des magistrats parfaitement au fait des dossiers.

Enfin, monsieur le député, je ne vous ferai pas l'injure de penser que vous êtes opposé à la numérisation de la justice, processus qui touche l'ensemble des administrations. Là encore, il s'agit, non d'éloigner le justiciable, mais au contraire de rendre la justice plus accessible en permettant aux professionnels du droit et aux citoyens d'accéder partout à leur dossier en ligne, et en accélérant le traitement des affaires. Il ne faut pas diaboliser chacune des mesures qui seront proposées, mais en mesurer l'impact exact. Or cet impact est construit à l'aune du justiciable et des exigences que celui-ci est en droit d'avoir envers le service public de la justice.

M. le président. La parole est à M. Alain Bruneel.

M. Alain Bruneel. J'ai bien entendu votre réponse, madame la ministre, mais permettez-que mes craintes demeurent. La dématérialisation peut supprimer le contact humain avec le justiciable et ce que vous proposez – mais j'ai peut-être mal compris – me semble éloigner de plus en plus le citoyen de la justice. La spécialisation peut également être facteur d'éloignement, surtout dans un département aussi grand que celui du Nord.