Question au Gouvernement n° 2685 :
Retraite des avocats

15e Législature

Question de : M. Pierre Vatin
Oise (5e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 12 février 2020


RETRAITE DES AVOCATS

M. le président. La parole est à M. Pierre Vatin.

M. Pierre Vatin. Ma question s'adresse à madame la garde des sceaux. J'y associe mes collègues Olivier Dassault, Maxime Minot, et Éric Woerth, députés de l'Oise.

Madame la ministre, vous donnez des gages aux avocats. En leur proposant une diminution spécifique de CSG – contribution sociale généralisée –, vous rompez l'égalité des Français devant l'impôt : vous frisez donc d'ores et déjà l'inconstitutionnalité.

M. Maxime Minot. Eh oui !

M. Patrick Hetzel. Ce n'est pas le seul motif d'inconstitutionnalité du texte, d'ailleurs !

M. Pierre Vatin. Pour une mesure qui s'adresse aux avocats, c'est un comble ! À l'instar des experts-comptables, des pharmaciens, des médecins et de tant d'autres professions, le Gouvernement, dans son projet de réforme des retraites, maltraite les avocats comme il maltraite les Français.

Dois-je vous rappeler que plus de 95 % des 163 barreaux de notre beau pays ont reconduit leur mouvement en votant qui une grève illimitée, qui une grève reconductible, qui une grève du zèle ?

M. Patrick Hetzel. C'est du jamais vu !

M. Pierre Vatin. Cessez de chercher un bouc émissaire : ce ne sont pas les avocats qui paralysent la justice, c'est votre projet de loi relatif aux retraites. L'amendement concernant la CSG adopté hier en commission spéciale n'y a rien changé. Les avocats savent seulement que leurs cotisations de retraite vont doubler, que le montant de leur pension de base va baisser d'un tiers et que la valeur du fameux point de retraite ne saurait être garantie par des projections à quarante ans, formulées sur la base de simulations que vous savez utopiques, voire folkloriques.

Mme Emmanuelle Anthoine. C'est un scandale !

M. Pierre Vatin. Or le régime des avocats est excédentaire, mais aussi solidaire, comme le prouve le reversement de plus de 80 millions d'euros à la solidarité nationale en 2019.

M. Maxime Minot. Eh oui !

M. Pierre Vatin. Enfin, les avocats savent qu'avec cette réforme, leur indépendance sera compromise, puisqu'ils perdront la liberté d'exercer comme ils l'entendent – seuls ou au sein de cabinets étoffés. Leur liberté n'est-elle pas pourtant l'une des garanties de l'indépendance de la justice ?

Dès lors, ma question est aussi simple que la réponse que vous leur apportez est complexe et inadaptée : comptez-vous préserver, par cette réforme des retraites, un régime excédentaire et solidaire qui fonctionne et garantit l'indépendance des avocats ; ou bien les appauvrir ou les contraindre à perdre leur âme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Non, je ne maltraite pas les avocats. (« Si ! » sur les bancs des groupes LR et SOC.) Absolument pas.

M. Christian Hutin. C'est lamentable ! 60 % des cabinets vont disparaître !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . Je veux souligner ici qu'il est évident que le système universel de retraite défendu par le Gouvernement, conçu pour être un système juste et de solidarité, doit concerner tous les Français, quelle que soit leur profession – qu'ils soient salariés, indépendants, ou exercent une profession libérale.

Je comprends parfaitement les inquiétudes que peuvent ressentir certaines personnes, dont les avocats,…

M. Christian Hutin. Vous ne les écoutez pas ! 100 % des barreaux sont en grève !

M. le président. Monsieur Hutin !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. …face à des changements de situation. Nous devons évidemment les prendre en considération. C'est la raison pour laquelle nous avons construit des mécanismes de transition adaptés à chacune de ces professions. (Exclamations sur les bancs des groupes LR et SOC.)

M. Christian Hutin. Vous pouvez raconter ce que vous voulez, vous n'écoutez personne !

M. le président. Monsieur Hutin, pour la dernière fois…

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je me suis engagée, avec le Premier ministre, sur trois éléments, qui correspondent exactement à certaines demandes des avocats. Le premier concerne le maintien de la caisse de retraite, qui restera l'interlocuteur unique des avocats. Deuxièmement, il n'y aura aucune baisse des pensions.

M. Patrick Hetzel. Mais vous leur prendrez leurs réserves…

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Troisièmement, vous prétendez que les cotisations de retraite doubleront. Cette affirmation est inexacte, précisément parce que nous nous sommes engagés par voie d'amendement à introduire dans le texte une réduction de l'assiette de la CSG afin de diminuer ces cotisations.

M. Damien Abad. C'est inconstitutionnel, cela ne tient pas !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Nous sommes allés plus loin et nous avons proposé deux hypothèses aux avocats pour lisser la transition dans le temps – nous sommes même ouverts à d'autres scénarios : soit prolonger la phase de transition,…

M. Pierre Cordier. Ce n'est plus un régime universel, alors !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. …soit instaurer un système de solidarité interne à la profession, qui permettra de diminuer l'impact pour les cabinets aux revenus les plus modestes. (Protestations sur les bancs du groupe LR.)

C'est sur la base de ces hypothèses que j'ai téléphoné hier à la présidente du Conseil national des barreaux, pour fixer avec elle un nouveau rendez-vous de travail cette semaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

Données clés

Auteur : M. Pierre Vatin

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Retraites : régimes autonomes et spéciaux

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 février 2020

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