Question de : M. Bruno Bilde
Pas-de-Calais (12e circonscription) - Non inscrit

M. Bruno Bilde interroge M. le ministre de l'action et des comptes publics sur la situation préoccupante de la profession de buraliste. Dans de nombreuses petites communes, le bureau de tabac est le dernier commerce de proximité du centre-ville. Il fait partie de l'histoire, reflet d'un certain mode de vie à la française. Pourtant, face aux dérives de la politique de santé, au développement du commerce parallèle et au silence coupable du Gouvernement, les buralistes pourraient bientôt disparaître. L'augmentation régulière du prix du paquet de cigarettes n'a fait diminuer le nombre de fumeurs qu'à la marge. Les consommateurs ont modifié leur mode d'approvisionnement en se reportant de plus en plus vers le marché parallèle. Ce phénomène touche massivement les régions frontalières, mais s'étend à l'ensemble du territoire national. Une récente étude a permis de constater que 45 % des paquets de cigarettes en circulation dans la ville d'Auxerre étaient de provenance étrangère. La disparition des frontières, l'absence de contrôles douaniers et l'impunité des passeurs et des revendeurs ont fait exploser le marché de contrebande. Pas plus qu'il n'existe de frontières, il n'existe d'harmonisation européenne des prix. En Allemagne, le paquet de cigarettes est 50 % moins coûteux qu'en France ; le tabac à rouler est lui quatre fois moins cher. L'État et les buralistes sont les victimes de l'explosion du commerce illicite. Pour l'État, cela représente un manque à gagner fiscal qui se chiffre en milliards d'euros. Pour les buralistes, la situation est particulièrement dramatique. Tous les jours, un à deux buralistes baissent définitivement le rideau et le processus s'accélère. En 20 ans, ce sont 10 000 bureaux de tabac qui ont disparu, soit un tiers des points de vente. Depuis 2019, les saisies de tabac de contrebande ont progressé de 78 %, mais cette augmentation n'est que proportionnelle à l'explosion du marché parallèle. Les quelques saisies de quantité importante sont largement médiatisées ; mais cela revient à vider la mer avec une cuillère. L'unique réponse apportée aux buralistes par le Gouvernement est de les enjoindre à diversifier leurs activités et de rénover leur espace de vente pour le rendre plus attractif. Ceci est l'illustration d'une méconnaissance de l'activité des buralistes et des ressorts de la grave crise qu'ils traversent. Le fonds de transformation mis en place pour accompagner financièrement la rénovation du local commercial est un échec. Seuls 500 dossiers ont été déposés dont seulement une centaine a été effectivement mise en œuvre. La part prise en charge par le fond est de seulement 30 % des dépenses globales. Les buralistes qui nécessiteraient le plus cette aide sont par définition les plus fragiles et donc ceux qui ont le moins de capacité d'emprunts. Et comment demander aux buralistes de s'endetter lourdement si leurs perspectives d'avenir sont si menacées ? Au péril économique s'ajoute l'ensauvagement dont sont victimes de plus en plus de commerçants. Le tabac étant un produit de recel idéal et les buralistes représentant une cible facile, les braquages ont augmenté de manière exponentielle ces dernières années. Rien qu'en janvier 2020 ce sont 29 braquages et 10 cambriolages. Ces attaques constituent des chocs psychologiques qui impactent lourdement les victimes. Il lui demande quelles mesures d'urgence il compte mettre en place pour soutenir financièrement la profession de buraliste et comment il entend lutter efficacement contre le développement du marché parallèle qui l'affecte très lourdement.

Réponse publiée le 3 novembre 2020

Le Gouvernement a engagé une politique de santé publique ambitieuse en matière de lutte contre le tabagisme. Cela passe par une hausse régulière de la fiscalité sur les produits du tabac, adoptée par le Parlement fin 2017, qui s'achèvera en novembre 2020. Il en résulte un accroissement du différentiel de prix avec nos partenaires européens, notamment avec les pays limitrophes. Ainsi avec l'Allemagne le différentiel de prix est de 36 %. Le Gouvernement travaille donc de manière active avec les États membres et la Commission européenne afin d'harmoniser par le haut la fiscalité sur les tabacs et d'introduire de véritables limites quantitatives dans le transport de tabac entre États membres par les particuliers, dans le cadre de la révision de la directive 2011/64/UE du Conseil du 21 juin 2011. Le Gouvernement a proposé, dans le cadre de la loi de finances rectificative un amendement qui a été adopté par l'Assemblée nationale et le Sénat le 23 juillet 2020. Cet amendement prévoit   la modification des seuils de présomption de détention de tabacs manufacturés à des fins commerciales, mentionnés à l'article 575 I du code général des impôts (CGI). Ces seuils sont ainsi abaissés à deux cents cigarettes, cent cigarillos, cinquante cigares et deux-cent cinquante grammes de tabac à fumer. Ils s'appliquent à toute personne introduisant des tabacs manufacturés en France, quelle que soit sa provenance, à l'exception de la principauté d'Andorre pour laquelle les seuils prévus par l'article 13 de l'accord entre la Communauté économique européenne et la principauté du 28 juin 1990 continuent de s'appliquer. Par cette mesure, le Gouvernement souhaite peser dans les négociations européennes, afin d'harmoniser par le haut la fiscalité sur les tabacs et d'introduire, dans le cadre de la révision de la directive 2011/64/UE du Conseil du 21 juin 2011, des limites quantitatives impératives de transport de tabacs manufacturés par les particuliers entre États membres. Il s'agit, d'une part, de faire de la lutte contre le tabagisme un objectif européen afin que ce combat ne passe pas uniquement par une augmentation isolée la fiscalité nationale et, d'autre part, de protéger le réseau des buralistes. En parallèle, le ministre chargé des comptes publics a demandé à l'administration des douanes d'entreprendre un plan de renforcement de lutte contre le commerce illicite du tabac. Celui-ci conduit à intensifier les contrôles mis en œuvre par les services douaniers sur l'ensemble des vecteurs de contrebande de tabacs, dont les autocars, le fret express, mais également la vente à la sauvette. Dans ce cadre, des contrôles renforcés sont menés dans les zones frontalières mais également dans les zones urbaines, sur des lieux de vente de cigarettes préalablement identifiés. Des actions de contrôles conjoints douane-police et douane-gendarmerie sont ainsi proposées localement au préfet de région. Dans ce domaine, les saisies sont remarquables. Ce sont ainsi plus de 360 tonnes de tabac de contrebande qui ont été saisies par les douanes en 2019 sur tout le territoire national, soit une augmentation de 49 % par rapport à l'année précédente. Par ailleurs, le Protocole d'accord conclu le 2 février 2018 avec la Confédération des buralistes pour la période 2018-2021 renforce le soutien à l'activité des buralistes les plus fragiles, notamment dans les zones rurales et frontalières, par le biais de la pérennisation des aides existantes (remise compensatoire, complément de remise), la création d'un filet de sécurité économique pour les débitants dont le chiffre d'affaires trimestriel tabac diminuerait de plus de 15 % (remise transitoire), mais également avec l'augmentation de la prime de diversification des activités de 2 000 à 2 500 euros. Il s'agit d'un effort budgétaire conséquent, qui permet en outre de soutenir la profession quant aux risques encourus en matière de sécurité. Dans le cadre du Protocole d'accord, l'administration des douanes octroie ainsi une aide dédiée à tous les débits de tabac en vue de l'acquisition et l'installation de matériels destinés à les sécuriser. L'aide à la sécurité peut atteindre 15 000 € par débit, par période de quatre ans, pour financer des équipements de sécurité (vidéosurveillance, coffre-fort, rideaux métalliques, etc.).  Il convient cependant de renforcer encore la lutte contre le tabagisme, en application de la politique de santé publique décidée par le Gouvernement. C'est pourquoi, le ministre a créé l'aide à la transformation en faveur des buralistes dont l'activité doit se diversifier et se détacher progressivement de la vente de tabac. Le chiffre d'affaires moyen de l'activité tabac des buralistes a augmenté de 4,9 % entre 2018 et 2019, signe de la bonne santé économique globale du monopole de vente au détail de tabacs manufacturés. Afin de garantir un avenir à ce réseau de proximité apprécié des Français, nos efforts doivent désormais porter sur l'évolution du métier de buraliste vers celui de commerçant d'utilité locale. Grâce aux nouvelles prestations offertes, dont par exemple l'encaissement des créances fiscales, amendes et prestations locales de services publics, les buralistes pourront ainsi renforcer leur contribution à la vie des territoires tout en sécurisant leur activité économique.

Données clés

Auteur : M. Bruno Bilde

Type de question : Question écrite

Rubrique : Commerce et artisanat

Ministère interrogé : Action et comptes publics

Ministère répondant : Comptes publics

Dates :
Question publiée le 25 février 2020
Réponse publiée le 3 novembre 2020

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