France pénalisée par l'euro
Question de :
M. José Evrard
Pas-de-Calais (3e circonscription) - Non inscrit
M. José Evrard attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur une étude allemande (réalisée par le Centre de politique européenne) de l'euro qui aurait largement pénalisé la France. Ce constat est encore plus vrai pour l'Italie et dans une moindre mesure pour le Portugal, la Belgique et la France. Les grands bénéficiaires de l'euro seraient l'Allemagne et la Hollande. Il y a là pour les pourfendeurs de la monnaie unique, la confirmation des risques pris par les gouvernements précédents en s'engageant dans celle-ci. Ainsi pour la France, sur une période couvrant les années 1999 à 2017, le manque à gagner se situerait à 3 600 milliards d'euros soit 56 000 euros par habitant. Si les méthodes de l'étude ne sont pas exemptes de critiques, l'ampleur des chiffres édités situe l'ordre de grandeur de la perte. Cela représente près d'une fois et demie le PNB de l'année 2019, c'est-à-dire dans un ordre de grandeur qui épargnerait la dette colossale des finances publiques. La France ne se serait pas suffisamment réformée, conclut l'étude. Elle pondère de cette façon le désastre pour justifier aussitôt le bien-fondé des réformes engagées par le Président de la République, réformes dont une grande majorité de Français ne veut pas entendre parler ce qui constitue une difficulté ultime et insurmontable. Il n'est, semble-t-il, pas venu à l'esprit des rédacteurs de l'étude que la France en se tenant à l'écart de la zone euro connaîtrait aujourd'hui moins de difficultés, dans la mesure où union européenne et euro constituent les piliers de la doxa. Il lui demande si ses services confirment ou contestent l'étude allemande et les mesures immédiates comme à moyen terme qui seraient à prendre.
Réponse publiée le 25 août 2020
L'étude citée se fonde sur une méthodologie très contestable : elle estime ce qu'il se serait passé si l'euro n'avait pas été mis en place en assimilant les pays de la zone euro à des portions d'autres pays. Selon l'étude, l'économie française serait ainsi similaire à un mélange à parts à peu près égales entre l'Australie (important pays exportateur de matières premières et n'ayant pas connu de récession depuis plus de 25 ans) et le Royaume-Uni (économie flexible aux gains de productivité très faibles depuis le début de la crise). L'économie allemande est quant à elle comparée au Japon pour 1/3 (où le PIB par tête est en baisse tendancielle du fait du vieillissement), au Bahreïn (pays d'1,5 million d'habitants et exportateur de pétrole) et au Royaume-Uni pour environ Œ chacun et à la Suisse pour 10%. En outre, les résultats de cette étude paraissent disproportionnés : prétendre que l'euro seul est la raison d'une éventuelle perte de l'équivalent de 2 années de PIB en 20 ans pour la France (3 600 milliards d'euro) paraît en effet peu crédible. En tout état de cause, l'introduction de l'euro a protégé le pouvoir d'achat des ménages et a favorisé l'accès au crédit pour les ménages et les entreprises qui ont par ailleurs bénéficié de marchés plus transparents et d'échanges commerciaux renforcés, comme l'a rappelé par exemple le président de la banque centrale européenne Mario Draghi le 25 décembre 2018 dans un discours donné à Pise en Italie. L'euro a ouvert une période de stabilité des prix avec une inflation très modérée : celle-ci a atteint 1,4% en moyenne entre 2002 et 2016, contre 2,1% entre 1986 et 2001. En outre, l'introduction de l'euro s'est également accompagnée d'une baisse marquée des taux d'intérêt auxquels les ménages peuvent emprunter pour acheter leurs logements par exemple : les taux des nouveaux prêts immobiliers en France sont ainsi d'environ 1,5 % à fin 2018 alors que l'inflation en France a atteint 1,8 %, selon les données publiées par la banque centrale européenne (BCE) et l'INSEE sur leurs sites internet respectifs. Malgré ceci, des insuffisances demeurent dans l'architecture économique et financière de la zone euro, malgré les mesures importantes décidées en réponse à la crise économique et financière. L'euro n'a pas en particulier permis de faire converger les niveaux de vie : depuis 2000, le niveau de PIB par habitant a augmenté de 14% au global en zone euro, avec une hausse similaire en France et en Espagne, mais il a bondi de + 22 % en Allemagne contre seulement + 8% au Portugal et une baisse de 3% en Italie. Il est donc vrai que l'Allemagne, pays traditionnellement exportateur, a relativement plus profité de l'introduction de l'euro que d'autres pays mais c'est surtout du fait des réformes structurelles qu'elle a menées au début des années 2000. La voie à suivre est désormais celle des discussions européennes en cours, à l'image de l'initiative des ministres Olaf Scholz et Bruno Le Maire pour un budget de la zone euro pour la convergence et la compétitivité, initié lors de la déclaration de Meseberg en juin 2018 et qui a donné lieu à un accord historique lors du sommet zone euro de décembre. Pour que l'appartenance à la zone euro donne tous ses effets, le Gouvernement cherche ainsi à corriger des insuffisances dans l'architecture actuelle de la zone euro. Cela passe ainsi par la mise en place d'un budget spécifique à la zone euro, par le renforcement du partage des risques entre pays (via l'approfondissement de l'union bancaire, de l'union des marchés de capitaux), par l'établissement d'une fonction de stabilisation macroéconomique pour aider les pays à absorber les chocs, et enfin par le renforcement de la coordination des politiques économiques et une plus grande harmonisation sociale et fiscale. Ainsi, le ministre de l'économie a récemment proposé un contrat de croissance à nos partenaires européens axé sur quatre priorités : (i) la réduction des dettes publiques dans les pays où elle est élevée et la mise en œuvre de réformes structurelles destinées à soutenir la croissance potentielle ; (ii) l'utilisation des marges budgétaires, là où elles existent, pour renforcer la demande interne à la zone euro (via des mesures en faveur des ménages et soutenant l'investissement) ; (iii) la conduite d'une politique monétaire permettant d'assurer une inflation maîtrisée ; et (iv) le renforcement de l'architecture de la zone euro, avec la mise en place d'un budget spécifique, d'une véritable union des marchés des capitaux et d'un marché bancaire européen pleinement intégré.
Auteur : M. José Evrard
Type de question : Question écrite
Rubrique : Union européenne
Ministère interrogé : Économie et finances
Ministère répondant : Économie, finances et relance
Dates :
Question publiée le 25 février 2020
Réponse publiée le 25 août 2020