Question de : M. José Evrard
Pas-de-Calais (3e circonscription) - Non inscrit

M. José Evrard interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la position du commissaire européen au marché intérieur et à l'industrie, désigné par la France, qui déclare à propos de la régulation des réseaux sociaux par les plateformes : « ... on ne peut plus fonctionner avec l'idée que ce qui n'est pas interdit est autorisé ». Énoncé ainsi ce principe installe tout acteur de la vie économique, sociale et culturelle et tout commentateur de celles-ci dans l'incertitude juridique la plus totale. Il semble que l'incertitude juridique devienne la règle commune du monde actuel mais nul décideur n'était encore allé si loin. Ainsi le citoyen français qui, à la différence de l'anglo-saxon, avant chaque action à entreprendre, s'interroge sur son droit à l'engager, sera dans l'obligation d'en demander la permission. Il lui restera à savoir à qui faire la démarche, ce qui, en France, n'est pas une mince affaire. On apprend désormais que ce que la loi n'interdit pas peut néanmoins être interdit. Par qui ? Le juge ? Est-ce la finalité de « l'état de droit » ? Cet « état de droit », produit de l'Union européenne et de sa Commission, qui s'est déjà substitué à la République. En réalité, le principe énoncé renforce l'opinion d'un grand nombre d'opposants qui considèrent que l'on est entré en dictature. En effet, si une dictature, c'est un régime où une personne ou un clan décident des lois, c'est-à-dire un régime d'arbitraire, on est en plein dedans avec des conceptions de ce type. Alors que la liberté est à promouvoir pour déclencher les initiatives afin de faire en sorte que ce pays se dégage du chômage et de la misère, il est des dirigeants politiques, souvent professant un libéralisme volontariste, qui envisagent de la limiter, voire la détruire. L'opinion ressent plus ou moins fortement que des forces sont à la manœuvre pour faire admettre l'injustifiable. Il lui demande si elle envisage de condamner les propos tenus par le commissaire européen et, le cas échéant, de rendre publique cette condamnation.

Réponse publiée le 22 septembre 2020

La liberté d'expression est garantie mais elle n'est pas absolue et des limitations sont nécessaires afin d'assurer le respect de l'ordre public, que ce soit dans la presse écrite ou sur internet qui, comme tout média, peut être également véhicule de propagande haineuse. Le droit pénal prévu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse veille au respect de la liberté de la presse tout en réprimant les abus qui découleraient de son exercice. Les réseaux sociaux, comme tout autre support de transmission d'information, sont soumis aux mêmes limitations. Il existe en effet une véritable responsabilité pénale des auteurs et des éditeurs de propos haineux, dans la presse et en ligne sur internet. Les messages circulant sur internet relèvent, au plan pénal, des mêmes catégories juridiques que ceux diffusés par la voie de l'écrit ou d'un moyen audiovisuel en application de la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle et de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance en l'économie numérique dite LCEN. Les réseaux sociaux sont par ailleurs considérés comme des prestataires techniques, en tant qu'hébergeurs, puisqu'ils assurent une activité de mise à disposition du public d'informations par le biais de services de communication en ligne. S'ils n'ont pas une obligation légale de surveillance des contenus mis en ligne par des tiers, ils doivent néanmoins concourir activement à la lutte contre ces contenus lorsqu'ils tombent sous le coup de la loi. La LCEN met ainsi en place un régime de responsabilité de ces prestataires techniques lorsque des personnes utilisent leurs services pour diffuser en ligne des contenus litigieux et que les prestataires n'organisent pas le signalement de tels contenus ou ne les retirent pas quand ils en ont connaissance. Enfin, si dans sa décision du 18 juin 2020, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution plusieurs dispositions de la loi Avia visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dont celle relative à l'obligation faite aux grands opérateurs de retirer dans un délai contraint les contenus haineux, le texte prévoit toujours qu'une juridiction, désignée par décret, disposera d'une compétence nationale concurrente à celle résultant du droit commun en matière de haine en ligne dès lors que la plainte en ligne sera opérationnelle.

Données clés

Auteur : M. José Evrard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 10 mars 2020
Réponse publiée le 22 septembre 2020

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