15ème législature

Question N° 27451
de Mme Jeanine Dubié (Libertés et Territoires - Hautes-Pyrénées )
Question écrite
Ministère interrogé > Armées
Ministère attributaire > Mémoire et anciens combattants

Rubrique > archives et bibliothèques

Titre > Accès aux documents classifiés versés dans les archives

Question publiée au JO le : 17/03/2020 page : 2067
Réponse publiée au JO le : 28/07/2020 page : 5112
Date de changement d'attribution: 07/07/2020

Texte de la question

Mme Jeanine Dubié interroge Mme la ministre des armées sur la restriction de l'accès des chercheurs aux archives du service historique de la défense. En effet, depuis le 1er janvier 2020, le service historique de la défense restreint la communication de documents sous le motif d'absence d'une mesure de déclassification. Cette nouvelle politique est justifiée par l'application de l'instruction générale interministérielle 1300 (IGI 1300), datant de 2011, rendue nécessaire par les modifications issues de la loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions relatives à la défense et du décret n° 2010-678 du 21 juin 2010 relatif à la protection du secret de la défense nationale. L'IGI 1300 impose en particulier la mise en œuvre d'une procédure de déclassification préalable à toute communication au public. De fait, l'application de l'IGI 1300 s'avère très difficile à mettre en œuvre pour les archivistes comme pour les autorités émettrices des documents, posant des problèmes de responsabilités et de moyens humains à mettre en œuvre pour déclassifier les documents. Cela se traduit par des délais souvent très longs de mise à disposition aux chercheurs, voire à son impossibilité. Comme l'écrit un collectif d'historiens dans le journal Le Monde du 13 février 2020 : « ces mesures portent un coup d'arrêt brutal à la recherche sur des sujets essentiels pour la connaissance historique et le débat public dans notre démocratie », elles représentent « une atteinte très sérieuse à la réputation internationale de la France dans le domaine de la recherche historique ». De plus, l'IGI 1300 entre en contradiction avec les dispositions du code du patrimoine qui - depuis la loi du 15 juillet 2008 relative aux archives - imposent le libre accès à tout documents relatif à des faits de plus de cinquante ans. Cela pose de nombreux problèmes, notamment vis-à-vis des chercheurs ayant exploité des documents antérieurement communiqués - sans application de l'IGI 1300 - et qui ont déjà donné lieu à des publications. Aussi, elle lui demande de lui indiquer quelles mesures sont prévues pour articuler l'application du code de la défense avec celle du code pénal et du code du patrimoine - s'agissant du secret de la défense nationale - afin de rendre le travail des archivistes et des historiens possible.

Texte de la réponse

Les archives publiques sont, en vertu de l'article L. 213-1 du code du patrimoine, « communicables de plein droit », le cas échéant à expiration des délais prévus à l'article L. 213-2. Ce principe ne saurait être remis en cause par des dispositions de niveau réglementaire. Ainsi, les difficultés rapportées par certains chercheurs pour accéder aux documents d'archives classifiés ne trouvent pas leur origine dans les dispositions, réglementaires, de l'instruction générale interministérielle n° 1300 relative à la protection du secret de la défense nationale mais bien dans celles, législatives, du code pénal. Depuis 1994, en effet, sont protégés par le secret de la défense nationale, en vertu de l'article 413-9 du code pénal, l'ensemble des documents intéressant la défense nationale ayant « fait l'objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès  ». Cette définition du secret, strictement formelle, fait obstacle à une déclassification « automatique » ou de facto. Un document marqué d'un timbre de classification est, en effet, au sens de l'article 413-9 précité, un document ayant fait l'objet d'une mesure de classification. Sa divulgation est donc, quelle que soit son ancienneté, de nature à exposer tant les archivistes y ayant donné accès que les chercheurs y ayant accédé à des poursuites pénales, du chef des délits prévus aux article 413-10 à 413-12 du code pénal, usuellement qualifiés de « compromission ». La sécurité juridique de l'ensemble des acteurs impose que tout document classifié, même communicable « de plein droit » en vertu des dispositions du code du patrimoine, fasse, avant communication, l'objet d'une mesure de déclassification. Celle-ci se traduit notamment par l'apposition, sur le document, d'un timbre de déclassification. Cette opération doit, par ailleurs, permettre à l'administration de déterminer la date de départ du délai de 50 ans susmentionné. Si ce délai, en effet, court à compter de la date d'émission du document quand ce dernier est isolé, il trouve, en revanche, son origine, quand le document demandé est inclus dans un dossier, à la date d'émission du document le plus récent inclus dans le dossier. Afin d'alléger les procédures de déclassification, un mode opératoire permettant au directeur du service historique de la défense de déclassifier les documents "au carton" et non plus document par document a été expérimenté pour les documents émis avant le 27 octobre 1946. Donnant satisfaction, ce dispositif va être étendu prochainement pour tous les documents émis avant le 1er août 1954. Soyez assuré que le Gouvernement, soucieux de faciliter les travaux des chercheurs et historiens, étudie actuellement toutes les mesures envisageables en termes financiers et matériels, pour que l'exigence de déclassification formelle, gage de sécurité juridique pour les chercheurs et l'administration, ne constitue pas un frein à leurs travaux, qu'il s'agisse par exemple d'une classification pour une durée prédéterminée, de mesures de déconcentration des décisions de demandes d'accès dérogatoires ou encore de déclassification de fonds d'archives. Une augmentation des moyens du service historique de la défense a d'ores et déjà été mise en oeuvre afin d'accélérer substantiellement les procédures dans le respect de la loi qui s'impose à tous.