15ème législature

Question N° 27539
de M. Stéphane Peu (Gauche démocrate et républicaine - Seine-Saint-Denis )
Question écrite
Ministère interrogé > Ville et logement
Ministère attributaire > Ville et logement

Rubrique > logement

Titre > Instauration d'un fichier recensant les locataires « mauvais payeurs »

Question publiée au JO le : 17/03/2020 page : 2120
Réponse publiée au JO le : 30/06/2020 page : 4618

Texte de la question

M. Stéphane Peu interroge M. le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement, sur le projet de mise en place par la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) d'un fichier, baptisé Arthel, recensant les locataires en défaut de paiement. Ce fichier, selon les nombreuses déclarations du président de la FNAIM sur le sujet, serait alimenté et consulté par les acteurs de l'immobilier. Ainsi, il ambitionnerait de recenser toutes les personnes ayant rencontré des incidents de paiement quel qu'en soit le motif, quelle qu'en soit la manière et la durée, en y faisant figurer entre autres les noms du locataire, le type de bail, le montant de l'impayé. Si ce projet de fichier venait à se concrétiser, il s'agirait ni plus ni moins d'une « liste noire des locataires » comportant un risque sérieux d'atteinte à la vie privée des personnes concernées faisant de surcroît courir un risque manifeste de discrimination et de stigmatisation. En effet, au regard des multiples difficultés que rencontrent déjà les concitoyennes et les concitoyens pour se loger dignement, ce fichier constituerait un obstacle supplémentaire dans l'application réelle de leur droit au logement. Certes l'initiative a été reportée à la suite de l'examen par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), mais elle inquiète toujours autant les locataires et les associations œuvrant pour le droit au logement car ce fichier reviendra à l'ordre du jour dans quelques mois après une consolidation des garanties relatives au traitement des données. Alors, si les initiateurs de ce projet le justifient par la nécessité de renforcer les liens de confiance entre les propriétaires et les locataires, il est important de rappeler que le taux moyen d'impayé dans le parc privé est estimé à 2 % (soit un taux dérisoire) dont la cause principale réside dans les montants très élevés des loyers qu'il conviendrait de réguler. Dans l'attente, il souhaiterait que soit portée à sa connaissance sa position et celle du Gouvernement quant à l'instauration d'un tel fichier.

Texte de la réponse

Afin d'assurer un meilleur fonctionnement du marché immobilier locatif, et en particulier lutter contre la vacance des logements, le Gouvernement est attaché à renforcer la confiance entre les bailleurs et les locataires. À cet égard, la question des impayés de loyers constitue un facteur important, qu'il convient toutefois de nuancer : ainsi que le relève la question posée, le taux des loyers impayés dans le parc privé demeure limité. Le traitement de ces impayés, qui résultent souvent d'accidents de parcours, peut s'effectuer par le développement d'outils, qui, en permettant de tenir compte de ces situations, renforcent de manière effective et efficace la confiance entre propriétaires et locataires. Tel est le cas de la garantie Visale, développée en lien avec Action Logement, des garanties des loyers impayés proposées par certaines compagnies d'assurance ou des contrats en garantie totale, d'ores et déjà offerts par certaines agences immobilières. En outre, le Gouvernement étudie actuellement les propositions formulées par le député Mickaël Nogal dans son rapport Louer en confiance. Au regard de ces éléments, et compte tenu de l'importance que revêt l'accès au logement, le ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement, a fait part de son opposition à tout projet de création d'un fichier des incidents de paiement dans le secteur du logement locatif. En tout état de cause, la création d'un tel fichier est soumise aux obligations relatives aux traitements de données à caractère personnel posées par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Informée du projet évoqué par la question, la Commission nationale de l'informatique des libertés (CNIL) a souligné la nécessité de s'assurer du caractère proportionné des données collectées, de respecter le principe de licéité du traitement, de délimiter les personnes ayant accès aux données et de définir de manière précises les règles relatives à la durée de conservation. Elle a également indiqué qu'une attention toute particulière devait être apportée aux droits des personnes concernées, notamment leur parfaite information et les mécanismes d'effacement (droit à l'oubli). À l'issue d'échanges entre la CNIL et la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM), cette dernière a indiqué suspendre son projet. Le Gouvernement restera attentif à ce que les solutions proposées pour renforcer la confiance entre bailleurs et locataires soient respectueuses des droits de chacun et ne portent pas atteinte de manière excessive à la possibilité d'accéder à un logement.