15ème législature

Question N° 276
de Mme Clémentine Autain (La France insoumise - Seine-Saint-Denis )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > enfants

Titre > protection des mineurs contre les violences sexuelles

Question publiée au JO le : 15/11/2017
Réponse publiée au JO le : 15/11/2017 page : 4841

Texte de la question

Texte de la réponse

PROTECTION DES MINEURS CONTRE LES VIOLENCES SEXUELLES


M. le président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour le groupe La France insoumise.

Mme Clémentine Autain. Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, je veux vous interroger sur une actualité qui nous a, je le crois, toutes et tous bouleversés ce week-end : un homme a été acquitté par la cour d'assises de Seine-et-Marne alors qu'il était accusé d'avoir violé une jeune fille de onze ans après l'avoir accostée en bas de son immeuble et emmenée dans un parc. Cette jeune fille a aujourd'hui vingt ans et a déposé plainte. Elle est mère d'une fille de sept ans née suite à ce rapport sexuel. Mais les jurés d'assises ont estimé qu'il n'y avait pas eu viol au sens de la définition juridique actuelle : une pénétration sexuelle obtenue par violence, contrainte, menace ou surprise. Ce verdict laisse donc à penser qu'une enfant de onze ans, une fillette en classe de CM2 ou en sixième, peut avoir librement consenti à ce rapport sexuel. À la domination d'un sexe sur l'autre s'ajoute donc l'asymétrie totale de l'âge et de la conscience.

Nous sommes bouleversés, mais c'est aujourd'hui le droit qui doit être bouleversé. Il faut créer un seuil de présomption de non-consentement et le porter à l'âge de la majorité sexuelle, quinze ans, pour qu'il y ait un âge en dessous duquel le discernement et le consentement ne puissent être invoqués.

M. Éric Woerth. Elle a raison !

Mme Clémentine Autain. Vous avez évoqué, madame la ministre, l'âge de treize ans. Mais pourquoi n'y aurait-il pas de cohérence entre ce seuil et celui de la majorité sexuelle ? Vous savez que la législation sur le viol a bougé dans l'histoire, souvent suite à des procès : je pense au procès d'Aix avec Gisèle Halimi et à la loi qui a suivi en 1980. Ce soir, une vingtaine d'associations appellent à manifester devant votre ministère. Saurez-vous les entendre, nous entendre, et proposer une loi protégeant les enfants et les jeunes de moins de quinze ans contre les violences sexuelles ? (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, oui, je crois que nous saurons vous entendre. J'ai évidemment, comme vous tous, été frappée par la décision de justice que vous évoquez. Je rappelle d'ailleurs que le parquet général a fait appel. La question aujourd'hui posée est en effet celle de l'établissement d'un seuil en deçà duquel le consentement du mineur est présumé ne pas exister. Beaucoup de pays européens ont établi une telle règle, avec des seuils d'âge qui varient entre treize ans et quinze ans.

M. Fabien Di Filippo. Pas en dessous de quinze ans !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Nous sommes en train de réfléchir au meilleur seuil possible, et nous en déciderons évidemment avec l'ensemble des parties prenantes. Mais établir un tel seuil ne revient pas du tout à remettre en cause le seuil de quinze ans qui existe déjà, vous l'avez rappelé, pour les infractions sexuelles et qui peut très bien rester établi à cet âge. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Nous pouvons envisager des seuils d'âge différents. La question devra en tout cas être posée.

Il me semble important, en toute hypothèse, de préserver le pouvoir d'appréciation du juge, c'est-à-dire d'établir peut-être une présomption qui ne serait pas irréfragable, car ce serait ainsi une manière de prendre en compte les circonstances précises de l'affaire. (Protestations sur les bancs du groupe FI.) Par ailleurs, Mme Schiappa et moi-même l'avons annoncé, nous voulons élever le seuil de prescription du viol sur mineur pour le passer de vingt ans à trente ans, comme l'a proposé la commission présidée par Flavie Flament et un magistrat. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC ainsi que parmi les députés non-inscrits et sur quelques bancs du groupe GDR.) Tout en ménageant l'apport des preuves, ce serait un progrès certain.

Enfin, il est extrêmement important de travailler sur nos pratiques, notamment s'agissant de l'écoute des jeunes. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM ainsi que sur quelques bancs du groupe LC.)