Cumul des mandats
Question de :
Mme Valérie Lacroute
Seine-et-Marne (2e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 4 mars 2020
CUMUL DES MANDATS
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Lacroute.
Mme Valérie Lacroute. Monsieur le Premier ministre, l'utilisation de l'article 49, alinéa 3, en pleine crise du coronavirus et en pleine campagne des municipales marquera de manière indélébile ce quinquennat. Comment les Français peuvent-ils accepter votre refus de débattre d'un texte aussi important que ce projet de loi de réforme des retraites ?
M. Pierre Cordier. Eh oui !
Mme Valérie Lacroute. Comment les parlementaires que nous sommes, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent, peuvent-ils accepter ce mépris envers leur travail ?
M. Thibault Bazin. Elle a raison !
Mme Valérie Lacroute. Le recours à une procédure aussi exceptionnelle que la délibération secrète en conseil des ministres…
M. Thibault Bazin. Scandaleux !
Mme Valérie Lacroute. …témoigne d'un véritable cynisme envers la représentation nationale et nos concitoyens.
Mme Virginie Duby-Muller. Exactement !
Mme Valérie Lacroute. Mais après tout, monsieur le Premier ministre, comment vous en vouloir ? Vous vous occupez à la fois des retraites, d'une crise sanitaire mondiale et d'une campagne électorale – on vous a vu débattre un mercredi soir alors que votre porte-parole avait juré que votre campagne aurait lieu uniquement le week-end.
Plusieurs députés du groupe LR . Très juste !
M. Pierre Cordier. On ne peut pas tout faire !
Mme Valérie Lacroute. Les Français sont inquiets et attendent légitimement que le chef du Gouvernement soit totalement mobilisé au service de l'intérêt national. Ils attendent que le Premier ministre privilégie son pays, non son parti.
Monsieur le Premier ministre, il s'agit peut-être de la dernière question que j'adresse au Gouvernement, parce que je ferai le choix du cœur, le choix du local, comme d'autres collègues dans cet hémicycle.
M. Jean-Paul Lecoq. Moi aussi !
Mme Valérie Lacroute. Si nous sommes élus maires, la loi nous imposera de renoncer à notre mandat de député. Ce n'est pas le cas pour les membres du Gouvernement, puisque rien ne les empêche d'être à la fois ministre et maire. Pourquoi une telle différence de traitement ?
M. Pierre Cordier. C'est injuste !
Mme Valérie Lacroute. Les Français ont besoin d'élus non pas amateurs, mais expérimentés ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. Laurent Furst. Très bien !
Mme Valérie Lacroute. Par mesure d'équité, envisagez-vous de permettre au maire, l'élu préféré des Français, de siéger à nouveau dans l'hémicycle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme Frédérique Meunier. Le nouveau monde, ce sont les privilèges !
Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Stéphane Peu. Ça va être imputé sur les comptes de campagne !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous avez dit, madame la députée, que cette question était peut-être la dernière que vous posiez dans cet hémicycle, tout du moins pour un temps.
M. Jean-Pierre Door. On le lui souhaite !
Mme la présidente. Je vous souhaite bon courage pour les élections municipales dans votre commune, comme je le fais systématiquement à tous ceux qui se présentent aux suffrages de leurs concitoyens. Bonne chance et bon courage !
M. Fabien Di Filippo. Elle vient de perdre 5 ou 10 points dans les sondages !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Car, comme vous, je considère que se soumettre au suffrage universel, dans une démocratie, ce n'est pas rien. Et je ne comprends pas que l'on puisse reprocher à des responsables politiques de se soumettre au suffrage universel alors qu'ils exercent une fonction. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Plusieurs députés du groupe LR . Ce n'est pas ce qu'elle a dit !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous savez parfaitement que c'est ce qu'implique votre question.
M. Maxime Minot. Arrêtez ces mensonges, ce n'était pas la question !
M. Thibault Bazin. Consacrez-vous à votre poste de Premier ministre !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . De même qu'il ne me viendrait pas à l'esprit de vous critiquer pour ce choix, je trouve curieux que l'on veuille faire en sorte que des responsables politiques ne puissent…
M. Pierre Cordier. Mais Valérie Lacroute n'est pas Premier ministre !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Pas encore, mais cela viendra peut-être ! Ne la dénigrez pas : elle en a toutes les qualités ! (Sourires.)
M. Fabien Di Filippo. Ce serait une bonne nouvelle ! Elle ne pourrait que faire mieux que vous !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . Je suis certain, madame Lacroute, que le fait que des responsables politiques se soumettent au suffrage universel est une bonne chose.
Mme Valérie Lacroute. Mais oui !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous dites – et je vous entends – que vous préférerez votre mandat local à un mandat national. C'est parfaitement votre droit,… (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Pierre Cordier. Et vous ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. …et c'est d'ailleurs ce que j'avais fait moi-même en ne me présentant pas aux élections législatives lorsque j'étais maire du Havre, parce que je jugeais – comme vous demain, peut-être – plus intéressant, plus propice à l'accomplissement, plus épanouissant de présider aux destinées de sa ville que de participer au travail législatif. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
Mme Sylvie Tolmont. Il ose tout !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. C'est le choix que j'avais fait, et peut-être est-ce celui que vous ferez ; nous aurons alors eu la même appréciation. (Mme Sandra Marsaud applaudit. - Exclamations sur les bancs des groupes LR et SOC.)
Sur le fond, soyons clairs. Il n'y a aucune utilisation de moyens publics dans la campagne des ministres aux élections municipales.
M. Stéphane Peu. Ça coûte combien, dans les comptes de campagne ?
Mme Sylvie Tolmont. Répondez !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Il n'y a aucun membre du Gouvernement qui soit maire, président de conseil départemental ou président de conseil régional.
M. Thibault Bazin et plusieurs députés du groupe LR . Darmanin, premier adjoint !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. J'ai dit avec beaucoup de clarté quelle était la règle qui s'appliquait et qui continuerait de s'appliquer : les membres du Gouvernement ne peuvent pas présider un exécutif local ; c'est la règle que nous avons fixée. (« Et Darmanin ? » sur les bancs du groupe LR.) C'est cette règle qui explique que les ministres qui étaient élus locaux et qui présidaient des exécutifs locaux aient cessé leurs fonctions dès lors qu'ils étaient nommés au Gouvernement. Je le répète, nous continuerons d'appliquer cette règle. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Je regrette que vous n'écoutiez pas ma réponse,…
Mme la présidente. S'il vous plaît, mes chers collègues !
M. Édouard Philippe, Premier ministre . …car, de mon côté, j'ai pris beaucoup de plaisir à vous la donner. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Nadia Essayan applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Lacroute.
Mme Valérie Lacroute. Je ne vous ai pas senti très à l'aise dans votre réponse, monsieur le Premier ministre.
M. Frédéric Reiss. Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais !
Mme Valérie Lacroute. Je ne vous ai intenté aucun procès. Il s'agissait simplement de souligner qu'il est bien dommage que les maires, élus préférés des Français, ne puissent plus siéger dans l'hémicycle, alors que les ministres ont en ce domaine le choix du roi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Stéphane Baudu applaudit également.)
Auteur : Mme Valérie Lacroute
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Élus
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mars 2020