15ème législature

Question N° 281
de Mme Isabelle Valentin (Les Républicains - Haute-Loire )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Travail
Ministère attributaire > Travail

Rubrique > formation professionnelle et apprentissage

Titre > Réforme de l'apprentissage

Question publiée au JO le : 10/04/2018
Réponse publiée au JO le : 18/04/2018 page : 2969

Texte de la question

Mme Isabelle Valentin attire l'attention de Mme la ministre du travail sur la réforme de l'apprentissage. Elle a annoncé le 16 novembre 2017 la tenue d'une concertation sur une réforme de l'apprentissage. La réforme devrait permettre d'atteindre trois objectifs : l'augmentation des contrats d'apprentissage qu'elle estime trop faibles dans un pays comme la France ; la possibilité de permettre à de jeunes apprentis d'avoir un emploi rapidement et la possibilité de confier aux entreprises la responsabilité de l'apprentissage puisque le travail se fait évidemment au sein des entreprises. Si le constat est partagé, que les entreprises méritent d'être beaucoup plus concertées et au cœur des politiques d'apprentissage, son orientation pour cette réforme de l'apprentissage lui semble contraire à l'intérêt même des apprentis. En effet il ne s'agit pas de confier la taxe d'apprentissage aux entreprises, mais aux branches professionnelles et retirer la responsabilité aux régions. Aussi, elle lui demande quel sera le financement pour les investissements dans les CFA ; pour les transports, restaurants, hébergements des apprentis ; pour l'acquisition du premier matériel des apprentis ; de même, qui gérera leur orientation ? Elle lui demande enfin comment elle voit la mutualisation des plateaux techniques entre lycées professionnels et CFA.

Texte de la réponse

RÉFORME DE L'APPRENTISSAGE


M. le président. La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour exposer sa question, n°  281, relative à la réforme de l'apprentissage.

Mme Isabelle Valentin. Madame la ministre du travail, vous avez annoncé, le 16 novembre dernier, la tenue d'une concertation sur la réforme de l'apprentissage. Alors que près de 20 % des jeunes de 15 à 24 ans sont demandeurs d'emploi, il y aurait 300 000 postes non pourvus sur le marché du travail, ce qui est consternant. Un lycéen sur trois est aujourd'hui scolarisé dans la voie professionnelle scolaire, soit 700 000 élèves. Cette voie, c'est celle de l'excellence, et nous nous devons de la développer. Aujourd'hui, l'alternance constitue un atout majeur pour former des jeunes qualifiés, qui seront, demain, les piliers de nos entreprises.

Si nous partageons le constat que les entreprises méritent d'être beaucoup plus consultées et au cœur des politiques d'apprentissage, l'orientation de cette réforme nous semble contraire à l'intérêt même des apprentis. Cette réforme, c'est une recentralisation de l'une des premières politiques décentralisées ; c'est simplement la privatisation de l'apprentissage, confié aux branches professionnelles. Le financement au contrat présente un risque majeur, particulièrement en matière d'aménagement du territoire, puisqu'il ne tient pas comptes des disparités locales. Ce nouveau dispositif engendre une grande complexité, puisque près de 700 branches se substitueront à l'interlocuteur unique qu'était la région. Seules les formations suivies par un nombre important d'apprentis seront pérennes.

Dans le même sens, la gouvernance proposée est éloignée des réalités des territoires et des entreprises, alors que la région est la mieux placée pour adapter l'offre de formations professionnelles aux besoins des entreprises du territoire. Pour les régions, la réforme de l'orientation est aussi la clé principale pour réussir à revaloriser et développer l'apprentissage en France. C'est aussi une attente forte des jeunes et des familles. La faiblesse actuelle du système a été unanimement dénoncée par les Français.

Madame la ministre, quel financement prévoyez-vous pour les écoles de production, les centres de formation d'apprentis – CFA –, les transports, la restauration et l'hébergement des apprentis, et l'acquisition de leur premier matériel ? Comment envisagez-vous la mutualisation des plateaux techniques entre lycées professionnels et CFA ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la députée, nous sommes d'accord sur le premier des deux points que vous avez abordés : l'importance de développer massivement l'apprentissage, alors qu'1,3 millions de jeunes, en France, ne se projettent pas dans l'avenir, n'ayant ni emploi ni formation. Dans quelques semaines, j'aurai le plaisir et l'honneur de présenter le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Nous aurons beaucoup de temps pour discuter de ces sujets, et j'espère pouvoir vous convaincre.

En la matière, il existe beaucoup de freins : orientation, code du travail, rigidité de la formation… Je n'entrerai pas dans tous les détails de la réforme. Un de ces freins donc, aujourd'hui, est bien le financement. Aujourd'hui en effet, tout l'argent de l'apprentissage ne va pas à l'apprentissage. Ainsi, sur les 235 millions d'euros transférés en 2016 par l’État à la région Auvergne-Rhône-Alpes, que vous connaissez bien, la région n'en a dépensé que 195 millions. La situation est similaire dans d'autres régions.

Le financement actuel ne permet pas, donc, que tout l'argent de l'apprentissage lui soit dévolu. Afin d'y remédier, il faut bâtir quelque chose de plus simple, garantissant surtout qu'à chaque fois qu'un jeune signe un contrat d'apprentissage avec une entreprise, le financement de la formation soit assuré. Tel est l'objet de la réforme.

Nous voulons donc passer d'un système de financement à la subvention d'équilibre à un financement au coût du contrat afin de permettre aux centres de formation d'apprentis de se développer sans entraves et d'être encouragés à aller chercher des jeunes et des entreprises. Ils seront en effet certains de bénéficier d'un financement supplémentaire pour chaque jeune alors qu'aujourd'hui, quel que soit le nombre de jeunes, la subvention ne peut pas augmenter.

Vous l'avez dit : il convient également de traiter les questions de l'investissement et de l'aménagement du territoire.

En matière d'investissement, ce sont les régions qui sont compétentes et elles le resteront dans le projet de loi que je défendrai. Aujourd'hui, près de 200 millions proviennent de la TICPE – taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Ils seront maintenus dans le nouveau système. Ce sont les régions qui sont compétentes, aussi bien en ce qui concerne les lycées professionnels que les CFA. C'est une bonne chose, vous l'avez souligné, car cela permet de créer des campus, des plateaux techniques communs, afin de favoriser la mutualisation et donc de bien user de l'argent public. En outre, cela rapproche les CFA des lycées, ce qui est une bonne chose puisque nous voulons aussi créer des passerelles entre le statut scolaire et celui d'apprentissage. De ce point de vue-là, il n'y aura pas de changement. Le financement de l'hébergement, la restauration des apprentis ne changeront pas.

En revanche, et c'est une nouveauté, une dotation de 250 millions sera transférée de l'État aux régions afin que, en plus du coût au contrat garantissant l'essentiel pour tous les CFA, 20 % de financements supplémentaires soient attribués à des CFA, notamment en zones rurales ou en quartier prioritaire de la ville, qui auraient des besoins complémentaires, et cela en tenant compte de l'importance de l'équilibre en matière d'aménagement du territoire. Nous sommes en effet d'accord sur un point : il importe de disposer d'une offre de proximité partout sur le territoire.

Au total, il y aura plus d'argent pour l'apprentissage, le financement sera plus fluide, plus direct pour les CFA. Je compte sur les régions pour poursuivre leurs efforts d'investissements structurants. Il n'y a ni centralisation – l'État ne récupère aucune compétence – ni privatisation : l'apprentissage relève des pouvoirs publics, notamment des régions, mais aussi des entreprises s'agissant du contrat.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Valentin, très brièvement.

Mme Isabelle Valentin. Il est vrai que la mobilité de nos apprentis est l'un des freins principaux. Nous tenons donc à ce qu'il y ait des CFA un peu partout. En Auvergne-Rhône-Alpes, nous avons mis beaucoup d'argent, beaucoup plus que ce que nous recevons…

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Non, c'est faux.

Mme Isabelle Valentin. …à la fois dans l'investissement et le fonctionnement. Nous en rediscuterons lors des débats, puisque je dispose des chiffres.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Moi aussi.

M. le président. Merci. Nous aurons l'occasion d'en reparler. Je rappelle simplement, madame la ministre, que le délai global de six minutes intègre une éventuelle réponse du parlementaire au ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Bien, monsieur le président !