15ème législature

Question N° 2868
de M. Jean-Christophe Lagarde (UDI, Agir et Indépendants - Seine-Saint-Denis )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > outre-mer

Titre > Lutte contre l'épidémie et ses conséquences économiques outre-mer

Question publiée au JO le : 15/04/2020
Réponse publiée au JO le : 15/04/2020 page : 2756

Texte de la question

Texte de la réponse

LUTTE CONTRE L'ÉPIDÉMIE ET SES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES OUTRE-MER


M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nos collègues ultramarins ne pouvant rejoindre la métropole, c'est au nom de Philippe Dunoyer et Philippe Gomès, députés de la Nouvelle-Calédonie, et de Maina Sage et Nicole Sanquer, députées de la Polynésie française, que je m'adresse à vous, monsieur le Premier ministre.

La pandémie de Covid-19 a aussi atteint – à un degré moindre qu'en métropole, heureusement – les collectivités françaises du Pacifique. Cinquante-cinq cas ont été confirmés à ce jour en Polynésie, et dix-huit en Nouvelle-Calédonie. C'est pourquoi les institutions locales ont décidé, en lien avec l'État, de prolonger le confinement, jusqu'au 19 avril pour la Nouvelle-Calédonie et jusqu'au 29 avril pour la Polynésie.

Les conséquences de la pandémie dans ces territoires, terribles sur le plan économique, touchent le cœur même de leur principale activité : le tourisme pour la Polynésie, l'industrie du nickel pour la Nouvelle-Calédonie. Votre gouvernement a fait bénéficier ces collectivités de dispositifs nationaux, notamment l'accès au fonds de solidarité ainsi que la garantie de l'État aux prêts accordés aux entreprises. Aucun de ces deux territoires ne bénéficie toutefois de la prise en charge de l'indemnisation des régimes de chômage partiel décidée au niveau national, dans la mesure où ces collectivités, compétentes en la matière, ont instauré leur propre dispositif de chômage partiel.

Mes collègues appellent donc votre attention sur les deux problèmes suivants. Premièrement, sur le plan sanitaire, la Nouvelle-Calédonie, et sans doute la Polynésie française un peu plus tard, devraient s'engager dans une stratégie de déconfinement plus tôt que les autres régions françaises, y compris les départements d'outre-mer. Or ces collectivités ne disposent pas aujourd'hui de masques en nombre suffisant pour organiser ce déconfinement dans les conditions définies par le Président de la République hier soir. Pouvez-vous vous engager à leur donner les moyens matériels nécessaires à un déconfinement qui garantisse la sécurité sanitaire des populations ?

Deuxièmement, sur le plan économique, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française doivent signer prochainement les prêts de trésorerie garantis par l'État qui permettront notamment l'indemnisation des chômeurs. Mais, en raison de ces prêts, l'endettement de ces collectivités atteindra un niveau extrêmement élevé. Dès lors, elles ne pourront pas financer les plans de relance économique qui s'imposeront, puisque, contrairement à l'État, les collectivités locales ont l'obligation de présenter des budgets à l'équilibre. Au titre de la solidarité nationale, le Gouvernement peut-il s'engager à transformer ces prêts en concours financiers exceptionnels accordés à ces territoires ? La France peut-elle faire pour nos 600 000 concitoyens du Pacifique ce qu'elle fait déjà pour 70 millions de Français ?

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous m'interrogez sur les conséquences de l'épidémie de Covid-19 sur les territoires ultramarins du Pacifique : la Polynésie, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie. Tout d'abord, je précise qu'aucun de ces territoires ne se trouve, et c'est heureux, au stade 3 de l'épidémie. Même si des cas existent dans chacun de ces territoires, celle-ci a pu être contenue, ce qui est une excellente nouvelle. Dès le début de l'épidémie, nous avons pris soin, alors que la présence et la circulation du virus sur ces territoires étaient bien moins évidentes, de prendre des mesures de confinement afin de les préserver, puisque nous savons qu'ils sont intrinsèquement plus fragiles, compte tenu de l'éloignement et des faiblesses qu'on peut observer dans leur système hospitalier et, plus généralement, dans leur système de soins.

Cette épidémie a évidemment, comme c'est le cas dans le monde entier, un impact sur les économies locales, qui reposent essentiellement, en Polynésie, sur le secteur du tourisme et, en Nouvelle-Calédonie, sur l'industrie minière, en particulier celle du nickel.

Nous avons très tôt pris la décision – et comment aurait-il pu en être autrement ? – de faire jouer pleinement la solidarité nationale à l'égard de nos concitoyens d'outre-mer. C'est la raison pour laquelle nous avons accompagné les efforts des systèmes hospitaliers locaux, ce qui a consisté à augmenter leur capacité d'accueil. Nous avons ainsi reproduit dans les territoires ultramarins, quel que soit leur statut, la stratégie développée au niveau national. De la même façon, nous essaierons de fournir le maximum d'équipements nécessaires aux territoires d'outre-mer, tout en respectant une spécificité : comme vous le savez, la compétence étant souvent attribuée aux territoires, l'État peut les soutenir mais non les remplacer, sous peine de soulever des interrogations qui dépasseraient assez largement la gestion de l'épidémie.

Je vous confirme que le projet de loi de finances rectificative, présenté demain en conseil des ministres et examiné ce vendredi en séance à l'Assemblée nationale, contiendra une disposition permettant à l'État de garantir les emprunts consentis par le territoire de Nouvelle-Calédonie afin d'instaurer un dispositif d'accompagnement équivalent à celui de chômage partiel que nous connaissons en métropole. C'est tout sauf anecdotique, puisque cela permettra au territoire d'exercer sa compétence en la matière, sans que l'État se substitue à lui – ce qui est important, et peut-être même davantage en Nouvelle-Calédonie qu'ailleurs.

Vous me demandez si cette garantie d'emprunt doit être transformée, à un moment donné, en un mécanisme qui relèverait du financement direct, par la collectivité, des dispositions instaurées par le territoire de Nouvelle-Calédonie. Cette question sera peut-être évoquée le moment venu, mais vous comprenez bien que notre objectif est de répondre très rapidement à une demande formulée très clairement par les représentants de ces territoires : cette garantie permettra à l'évidence à la Nouvelle-Calédonie de mettre en place rapidement le dispositif en question, dans des conditions de financement assurées. Vous savez que l'équilibre des comptes en matière sociale sur ce territoire n'était pas totalement acquis – il ne l'est toujours pas.

M. Jean-Christophe Lagarde. Cela ne fera qu'aggraver la situation !

M. Édouard Philippe, Premier ministre . La garantie compensera ce risque et permettra d'avancer.

Quant aux conséquences qu'il conviendra de tirer de cette crise sanitaire et de son impact, vis-à-vis de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie ou de Wallis-et-Futuna, s'agissant des comptes, des relations financières ou de l'organisation des pouvoirs publics, la question devra être abordée, mais il est prématuré de le faire aujourd'hui. J'ajoute que, si on la considère sous un seul aspect et non de façon globale, on court le risque d'avoir une vision un peu déséquilibrée. Or, vous le savez comme moi, il importe d'avoir, dans ces territoires, une vision parfaitement équilibrée et, si possible, consensuelle, si l'on veut avancer loin.