Stratégie en matière de dépistage
Question de :
Mme Brigitte Kuster
Paris (4e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 15 avril 2020
STRATÉGIE EN MATIÈRE DE DÉPISTAGE
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Kuster.
Mme Brigitte Kuster. J'ai inversé l'ordre de mes questions, et je vous prie de m'en excuser, monsieur le président. Ayant abordé tout à l'heure un sujet économique, je souhaite poser maintenant une question sur le thème de la santé. Le Gouvernement ne m'en voudra pas, d'autant que M. le ministre des solidarités et de la santé est toujours présent.
Même si vous y avez en partie répondu, monsieur le ministre, permettez-moi de vous adresser une question relative à la politique de dépistage, que souhaitaient vous poser plusieurs de mes collègues, en particulier Michèle Tabarot et Bernard Brochand.
Alors que le coronavirus a déjà fait 15 000 morts en France, le diagnostic par les tests fait cruellement défaut, nous sommes nombreux à l'avoir souligné, et nous nous interrogeons donc sur votre stratégie en matière de dépistage. Nous sommes malheureusement en train de revivre, avec les tests, le même manque d’anticipation et la même situation de pénurie que nous avons connus avec les masques de protection.
Nous demandons un dépistage systématique dans l’ensemble des EHPAD, pour les personnels comme pour les résidents. C'est indispensable, et cela doit être la priorité. Hier soir, hélas, le Président de la République n’en a pas parlé. La situation dans les EHPAD est un scandale, dont le Président ne semble pas avoir suffisamment conscience.
M. Olivier Véran, ministre. Pff…
Mme Brigitte Kuster. Près de 5 000 personnes y sont mortes du coronavirus, et certains établissements sont décimés par des vagues de décès effrayantes.
Par ailleurs, faute d'un dépistage massif dans l’immédiat, la stratégie retenue de l’isolement systématique entraîne des situations de solitude, voire de détresse absolue. Aussi la possibilité d'autoriser de nouveau les visites, annoncée hier, est-elle une bonne nouvelle.
Nous avons une autre inquiétude. Après le 11 mai, le Président envisage de ne tester que les Français qui présenteraient des symptômes du Covid-19. Pis, il a déclaré que tester tous les Français n'aurait aucun sens. De tels propos nous préoccupent au plus haut point, alors qu’une part importante des personnes touchées par le coronavirus, on le sait, ne présentent aucun symptôme. Ce refus d’un dépistage massif…
M. le président. Merci, ma chère collègue.
Mme Brigitte Kuster. …est d’autant plus surprenant que les tests sérologiques s’avèrent extrêmement fiables…
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. J'ai eu l'occasion de répondre à trois reprises qu'il n'était pas indispensable de tester tous ceux qui ne présentaient aucun symptôme. Je me permets d'y insister en prenant votre exemple, madame Kuster.
Imaginons que vous souhaitiez pour vous-même un dépistage PCR alors que vous ne présentez aucun symptôme et que vous ne connaissez personne dans votre entourage proche qui soit malade. Imaginons que nous soyons à même de réaliser 60 millions de tests PCR par jour, ce dont, au passage, aucun pays au monde ne serait capable, ni même tous les pays réunis. Imaginons donc que je vous réponde par l'affirmative. Vous n'avez pas de symptômes, vous n'avez pas été en contact avec des personnes malades et, à l'issue du test, vous êtes négative ; c'était attendu.
Le lendemain, reviendrez-vous me voir, après avoir pris le bus, vous être promenée dans la rue ou avoir fait des courses, pour savoir si vous n'êtes pas devenue positive ? Et le surlendemain également ? Cela n'a pas de sens, madame Kuster, et le Président de la République a eu raison de l'affirmer.
Voici ce qui est fondamental : si vous avez de la fièvre, de la toux, ou si une personne de votre proche entourage est malade et que des indices vous font légitimement penser que vous êtes vous-même malade, nous devrons être en mesure de vous tester et, si vous êtes effectivement malade, de vous isoler.
Enfin, arrêtons de comparer en permanence la situation de la France avec celle d'autres États. D'abord, nous sommes le seul pays à communiquer en toute transparence l'ensemble des données dont nous disposons. Nous communiquons même des données incomplètes en matière de tests : si vous consultez le site internet de Santé publique France, vous verrez que les chiffres sont basés sur une enquête concernant trois laboratoires de ville, alors que soixante-dix laboratoires font des tests. Il est donc très probable que la France réalise entre 150 000 et 200 000 tests – c'est-à-dire bien plus que ce que nous disons nous-mêmes, mais nous préférons indiquer clairement les données dont nous disposons. Rappelons qu'en Allemagne, on pratique entre 250 000 et 300 000 tests.
Nous augmentons et continuerons d'augmenter nos capacités à réaliser des tests PCR au cours des semaines à venir. L'enjeu est d'être prêts pour dépister toute personne symptomatique. J'espère vous avoir convaincue.
Auteur : Mme Brigitte Kuster
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 avril 2020