Question au Gouvernement n° 2874 :
Organisation du travail dans les entreprises et partage de la valeur

15e Législature

Question de : M. Alexis Corbière
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - La France insoumise

Question posée en séance, et publiée le 15 avril 2020


ORGANISATION DU TRAVAIL DANS LES ENTREPRISES ET PARTAGE DE LA VALEUR

M. le président. La parole est à M. Alexis Corbière.

M. Alexis Corbière. Ces derniers jours, des déclarations de membres du Gouvernement à propos de l'après-confinement ont particulièrement inquiété nos concitoyens. Mme Agnès Pannier-Runacher a déclaré, le 11 avril : « Il faudra probablement travailler plus que nous ne l'avons fait avant. » Quant à M. Bruno Le Maire, il a considéré qu'il était « préférable pour que notre économie redémarre au lendemain de la crise » de poser des congés pendant le confinement. Je rappelle que le président du MEDEF a estimé pour sa part qu'il « faudra bien se poser la question tôt ou tard du temps de travail, des jours fériés et des congés payés » pour accompagner la crise. Il est vrai qu'il y a quelques minutes, ce dernier a fort heureusement considéré que le débat était clos – en tout cas de son point de vue.

Madame la ministre du travail, quel est votre avis sur les déclarations de vos collègues ? Estimez-vous, comme M. Geoffroy Roux de Bézieux, que ce débat est clos ? Que pensez-vous du fait que les salariés pourraient être invités à travailler plus et à perdre les jours de congé qu'ils auraient été contraints de prendre pendant la période de confinement, dans les conditions exceptionnelles que nous connaissons ?

Le monde d'après ne peut pas être celui de maintenant en pire, ou c'est que, franchement, vous n'avez pas compris ce qui se passe et ce que ressentent beaucoup de nos concitoyens. Les salariés ne sauraient être victimes d'une double peine, subir à la fois les mauvais choix économiques et sociaux des gouvernements successifs – le vôtre comme les précédents –, et la réparation de fautes dont ils ne sont que les victimes et non les responsables. C'est avec un monde égoïste et inégalitaire qu'il faut rompre.

Il y a vingt ans, les entreprises du CAC 40 distribuaient 30 % de leurs bénéfices à leurs actionnaires ; elles en distribuent désormais 70 %. La rémunération des actionnaires de ces entreprises a progressé quatre fois plus que celle des salariés : ceux-ci travaillent quarante-cinq jours par an pour rémunérer les actionnaires, contre neuf jours seulement en 1981. Bref ! Allons-nous rompre avec ce monde ? Nous engagerons-nous dans un nouveau partage des richesses ? Le Président Macron a dit qu'il fallait savoir « sortir […] des idéologies, nous réinventer ». La réinvention par le Gouvernement rimera-t-elle avec journées de travail plus longues et congés en moins ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Monsieur Corbière, pour résumer, vous posez deux questions : celle du temps de travail et celle du partage de la valeur.

Avant tout, pour pouvoir reprendre l'activité économique, actuellement très ralentie – elle a même cessé dans certaines entreprises –, priorité est donnée aux conditions de santé et de sécurité des travailleurs ; il est bon de le répéter, même si ce n'était pas l'objet de votre question. Sur ce sujet, les services du ministère du travail, en particulier l'inspection du travail, sont très mobilisés, et les partenaires sociaux nous signalent les cas aberrants. Cela nous permet de mener une action proactive en publiant des guides de bonnes pratiques, validés par le ministère de la santé, sur les gestes barrières, métier par métier – pour les chauffeurs livreurs, les caissières, etc. –, ainsi que d'assurer de nombreux contrôles pour vérifier que ces mesures sont appliquées.

Tout travail peut-il avoir lieu à n'importe quel horaire, n'importe quand ? Il existe un code du travail, voyez-vous : tout le code, rien que le code. Or nous y avons défini des règles. Ainsi, selon une ordonnance récente, si un employeur veut que ses salariés prennent des congés dès maintenant, en dérogeant au délai de prévenance d'un mois, il doit passer un accord avec les partenaires sociaux. Un assez grand nombre d'entreprises sont en train de négocier une semaine de congés payés prise dès maintenant, souvent avec une contrepartie, comme le versement de 100 % du salaire en cas de chômage partiel. Cela a abouti récemment dans plusieurs cas, comme chez Renault.

Pour ce qui est des jours de RTT et de CET – compte épargne-temps –, on peut en effet utiliser une semaine au moins pendant le confinement. Il n'y a donc pas de changement des règles, mais une adaptation au contexte.

En revanche, je vous suis sur l'importance du partage de la valeur, que le Président de la République a soulignée. Cette question, qui a déjà beaucoup progressé avec la loi PACTE – relative à la croissance et la transformation des entreprises –, m'apparaît essentielle, comme à tout le Gouvernement. À long terme, dans ce domaine, il faudra aller plus loin.

Données clés

Auteur : M. Alexis Corbière

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique sociale

Ministère interrogé : Travail

Ministère répondant : Travail

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 avril 2020

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